Début d’année difficile pour les travaux publics. Si les difficultés économiques sont ressenties de diverses manières selon les régions et les métiers, la tonalité globale se situe parmi les nuances de gris. Dans une note de conjoncture publiée le 14 avril dernier, la FNTP indiquait que « la baisse d’activité s’est accentuée au cours des trois derniers mois. Les travaux réalisés comparés à un an d’intervalle reculent de plus de 14 % sur la période de décembre à février. Pour le seul mois de février, la baisse est de 18 % ». Quant aux carnets de commandes, leur érosion continue. « Les entrées de commandes demeurent atones, constate la fédération. En février, elles sont inférieures de près de 27 % à celles de l’an passé. Au cours des trois derniers mois, elles reculent de près de 10 % comparées à un an d’intervalle. » Pour Guy Vacher, président de la commission économique de l’Usirf (Union des syndicats de l’industrie routière française), « la décélération a été très forte à partir de septembre dernier. Je pense qu’aujourd’hui, nous avons touché le point bas ».
Même constat pour Jean Guénard, président de la commission économique de la FNTP (Fédération nationale des travaux publics) : « Le début d’année a été très calme. Mais, depuis le début d’avril, le nombre d’appels d’offres augmente significativement. A mon sens, c’est un phénomène mécanique dû aux premiers investissements votés par les nouvelles équipes municipales. »
Globalement les entreprises de travaux publics disent n’avoir pas encore constaté les premiers effets du plan de relance de l’économie. A la date du 20 avril 2009, le ministère de la Relance annonçait que 300 projets avaient démarré. Pour l’ensemble des opérations d’infrastructures de transport, 330,8 millions d’euros avaient été engagés et 730 000 euros payés. Le décalage entre ces chiffres et le ressenti des entreprises résulte de la nature des opérations. « Les opérations les plus importantes n’ont pas démarré », éclaire Guy Vacher. Parmi les chantiers en cours : la fin des travaux du tram-train de Mulhouse (Haut-Rhin), les travaux d’étanchéité du barrage réservoir de Bairon (Ardennes), l’axe ferroviaire Marseille-Aubagne-Toulon… Jean Guénard est confiant : « Nous devrions faire face à un nombre important de dossiers au second semestre et plus particulièrement au quatrième trimestre. Pour des chantiers de voirie ou de VRD pour lesquels les délais d’études et les démarches administratives sont courts. »
Reste que, depuis le début de la crise, Patrick Bernasconi, président de la FNTP, ne cesse de le répéter : « Seules les collectivités locales peuvent avoir un impact significatif sur le redressement de notre activité. » Des collectivités locales qui semblent décidées à jouer le jeu de l’investissement. Du moins si l’on en juge par le succès du dispositif de remboursement anticipé de TVA dont elles pouvaient bénéficier jusqu’au 15 mai. Au 5 mai, plus de 16 800 collectivités avaient signé une convention : 18 régions, 77 départements et près de 15 000 communes. Selon le ministère de la Relance, ces conventions correspondent à plus de 45,5 milliards d’euros d’investissements prévisionnels. Reste à lever l’inquiétude née de l’annonce de la suppression de la taxe professionnelle. « Quelle que soit la solution envisagée, l’Etat doit éclairer au plus vite cette zone d’ombre, estime Jean Guénard. Cela fait, la reprise est à nos portes. »
Transports en site propre : retour des subventions de l’Etat
Dernière bonne nouvelle en date : le retour des subventions d’Etat pour les projets de transports en commun en site propre. Une enveloppe de 800 millions d’euros que se partageront 36 agglomérations pour la réalisation de 50 projets de tramways, bus à haut niveau de service… « Des projets qui étaient sous l’éteignoir depuis quelque temps vont pouvoir sortir », se félicite Jean Guénard.
Du côté des canalisateurs, rien à attendre des 1 000 projets du plan de relance. L’Etat n’intervenant pas directement dans les réseaux d’eau et d’assainissement. En revanche, les professionnels saluent la signature de deux conventions de prêt pour la finalisation de la mise aux normes des stations d’épuration : 1,2 milliard d’euros pour la métropole et 300 millions pour l’outre-mer. D’autant que les agences de l’eau prévoient de contribuer au financement des stations d’épuration à hauteur de 2,9 milliards et de 2,4 milliards pour les réseaux d’assainissement sur la période 2007-2012. A moyen terme, les canalisateurs ont un autre sujet de satisfaction : le projet de loi Grenelle 2. Pour l’heure, le texte prévoit que les collectivités territoriales compétentes devront tenir à jour un inventaire de leur patrimoine et définir, le cas échéant, un programme pluriannuel de travaux d’amélioration des réseaux de distribution. Il en va de même pour l’assainissement. Une revendication de longue date des canalisateurs qui vont donc croiser les doigts pour que ces dispositions soient conservées au cours des discussions parlementaires d’après l’été.
Démarrage de la 2e phase de la LGV Est européenne
Le seul point noir concerne les grands projets dont aucun ne devrait démarrer avant 2011. Une éternité pour les terrassiers qui voient leur volume d’activité divisé de moitié cette année et qui ne se font aucune illusion pour 2010. Car le montage financier de ces projets est difficile. Et les montants en jeu sont colossaux. C’est d’ailleurs pourquoi une enveloppe de 8 milliards d’euros de prêts de long terme sur fonds d’épargne a été mise en place, ainsi qu’une enveloppe de garanties par l’Etat de 10 milliards d’euros. Les modalités de recours à cette garantie ont été précisées (durée, quotité, tarification…) de sorte qu’une première demande a été déposée pour le tram-train de La Réunion.
Face à ces difficultés de financement, seule la deuxième phase de la LGV Est européenne (qui n’est pas un PPP) semble pouvoir démarrer rapidement. « Le dossier est bouclé, assure Jean Guénard. Les fouilles préventives, l’archéologie, les acquisitions foncières… Il faut boucler le tour de table financier au plus vite. »
Au final, les travaux publics veulent croire à la reprise. A la lumière de perspectives d’activité plutôt favorables, la spirale descendante des prix que constate Patrick Bernasconi, paraît inconséquente et non fondée (voir entretien ci-contre). « Bien sûr, une hirondelle ne fait pas le printemps, conclut Jean Guénard. Mais l’embellie est à notre portée. Sachons la saisir ! »