Les candidats à l'attribution de la concession de l'aérodrome de Tahiti-Faa'a se livrent depuis plusieurs années à une rude bataille juridique. Dans un premier temps, la société Vinci Airports a obtenu en 2021 l’annulation de la décision d’attribuer le contrat au groupement composé de la société Egis Airport Opération et de la Caisse des dépôts et consignations par une ordonnance de référé du tribunal administratif (TA) de Polynésie française. Le TA a jugé que l’offre retenue était irrégulière, au sens de l’article L. 3124-2 du Code de la commande publique. L’ordonnance du TA est devenue définitive, après que le Conseil d’Etat a rejeté les pourvois initiés à son encontre.
Après reprise de la procédure de passation de la concession, l’Etat attribue le contrat à la société Vinci Airports, dont l’offre avait été classée deuxième. C’est alors cette fois la société Egis Airport Opération qui saisit le juge des référés du TA de Polynésie française pour faire annuler cette décision d’attribution. Elle argue que l’offre de la société nouvellement attributaire serait elle aussi irrégulière et aurait donc dû être éliminée. Le TA fait droit à sa demande : l’offre de Vinci Airports est effectivement irrégulière, la procédure de passation du contrat doit donc être annulée. Vinci Airports se pourvoit alors à son tour en cassation devant le Conseil d’Etat. Selon elle, la société Egis Airport Opération ne peut pas contester la procédure de passation dès lors que son offre a déjà été jugée irrégulière par le TA.
Intérêt à agir du candidat dont l’offre est irrégulière…
Les juges du Palais-Royal doivent alors se prononcer sur l’intérêt à agir de la société Egis Airport Opération à l’encontre de la décision d’attribution de la concession. Il rappelle tout d’abord que « les personnes habilitées à agir sont celles qui ont un intérêt à conclure le contrat et qui sont susceptibles d’être lésées par ce manquement » (article L.551-24 du Code de justice administrative, applicable en Nouvelle-Calédonie, et reprenant les termes des articles L. 551-10 et L. 551-14 du CJA). Au regard de ces dispositions, une société dont l’offre a été jugée irrégulière peut-elle avoir un intérêt à agir ?
Dans une précédente décision (Conseil d’Etat, 27 mai 2020, n°435982, « Société Clean Building », mentionnée aux tables du Recueil), le Conseil d’Etat avait admis, s'agissant d'un référé contractuel, la possibilité pour un candidat dont l’offre est irrégulière la possibilité de se prévaloir de l’irrégularité de l’offre de la société attributaire. Il avait ainsi jugé que « la circonstance que l’offre du concurrent évincé […] soit irrégulière ne fait pas obstacle à ce qu’il puisse se prévoir de l’irrégularité de l’offre de la société attributaire du contrat en litige. »
… sauf en cas de décision de justice définitive
La décision du 1er juin vient apporter une nuance à ce principe issu de la jurisprudence « Clean Building ». Dans un premier temps, le Conseil d'Etat reprend le considérant de principe de sa décision de 2020, l'appliquant ici à un référé précontractuel. Il précise ensuite que « si l’offre du concurrent évincé a été jugée irrégulière par une décision juridictionnelle devenue définitive annulant la décision d’attribution du contrat, il ne peut être regardé comme ayant intérêt à conclure le contrat et habilité à agir contre la nouvelle décision en portant attribution après la reprise de la procédure ». En conséquence, la société Egis Airport Opération ne présente pas en l'espèce d’intérêt à agir, dès lors que l’ordonnance du TA de Polynésie française ayant jugé son offre irrégulière est devenue définitive.
Cette décision ne clôt pas définitivement le feuilleton de la concession de l’aérodrome de Tahiti-Faa’a. Dans un communiqué du 16 juin, l’Etat, prenant acte de la décision du Conseil d’Etat, indique qu'il « décide de déclarer sans suite la procédure en cours pour un motif d’intérêt général d’ordre juridique ». Un nouvel appel d’offres sera lancé par l’Etat.