Création d'entreprise : comment mobiliser l'épargne privée ?

« Jamais le désir d'entreprise n'a été aussi fort », relève le député Eric Besson dans son rapport sur la création des très petites entreprises. Trois experts font des propositions.

André Babeau : «La culture actionnaire reste à inventer»

Nous n'obtiendrons pas de résultats significatifs au plan de l'épargne si nous n'agissons pas d'abord au niveau de l'actionnariat. L'idée d'investir dans une start up ne fuse pas ex nihilo : les business angels commencent par investir dans les OPCVM actions, dans les actions cotées, enfin dans les actions non cotées... avant de sauter le pas. Ces investisseurs, improprement appelés « providentiels », ne poussent que sur un terreau de culture actionnaire. Actuellement, seuls 12 % des Français détiennent des actions cotées. Il faudrait se fixer un objectif de 20 à 25 % avant 2020. On assisterait en cascade à une augmentation des placements en actions non cotées. D'autre part, la culture actionnaire est essentiellement vécue sur le mode de l'aller et retour à la Bourse. L'information et la formation des épargnants, qui bien souvent ne disposent pas des connaissances de bases, permettraient d'inverser cette tendance. A terme, nous pourrions imaginer une épargne programmée, à support actions, qui s'épanouirait entre autre dans l'environnement de l'entreprise. Il pourrait s'agir d'un modèle européen qui aurait pour souci de diffuser les gains générés par la croissance.

Jean Pierre Ferretjans « Des mesures pour encourager les particuliers »

Les conditions sont aujourd'hui réunies pour orienter l'épargne vers la création de petites voire de très petites entreprises, quels que soient les secteurs d'activités. Dans le cadre d'Entreprise et Progrès, association qui réunit une centaine de dirigeants d'entreprises, plusieurs pistes de travail sont évoquées.

1. Elargir les possibilités de déduction fiscale pour les particuliers qui investissent dans les PME-PMI. Nous proposons une réduction provisoire d'impôt sur le revenu, égale à 25 % des sommes investies, remboursable en cas de réalisation d'une plus-value au moment de la cession des titres (assujettie au régime d'ordinaire d'imposition).

2. Favoriser l'actionnariat stable par une fiscalité tenant compte de la durée de détention des titres. En cas de détention entre 6 mois et 5 ans, le taux actuel (16 % + 10 % de prélèvements sociaux) serait réduit de moitié, et supprimé au-delà (seuls subsisteraient les prélèvements).

3. Harmoniser la fiscalité des revenus des valeurs mobilières. En traitant à parité les dividendes, dont la fiscalité est nettement moins favorable, et les revenus d'obligation.

François Hurel « Agir sur la fiscalité locale »

La création d'entreprise mobilise en France entre 15 et 18 milliards, sur un volume global d'épargne des ménages de l'ordre de 1 500 milliards de francs. Mobiliser 1 % de cette épargne permettrait un apport de 15 milliards de francs supplémentaires pour la création d'entreprise. Il est vain d'attendre toujours plus de l'Etat ou des banques. Il faut davantage intéresser l'environnement proche du créateur. Pour cela, il faut créer un avantage fiscal sur les sommes qui sont investies par les particuliers dans des fonds communs destinés à la création d'entreprise. Aujourd'hui, il existe des fonds communs de placement qui visent seulement une élite d'entreprise ou les gros projets. Le problème, ce sont les très petites entreprises.Pour réussir, ce dispositif doit fonctionner sur un plan local : un épargnant ne confiera pas facilement son argent pour une entreprise d'une autre région que la sienne. Cette solidarité régionale doit être la base de l'édifice. L'épargnant investira pour une triple motivation : proximité, rentabilité de son investissement du fait de l'avantage fiscal et solidarité avec son proche environnement.

La principale difficulté à résoudre est la nature de l'avantage fiscal. Le faire jouer sur l'impôt sur le revenu serait ajouter un abattement de plus. Ne pourrait-on le faire porter sur la fiscalité locale ? La taxe d'habitation par exemple. La région ou le département pourrait exonérer l'intéressé d'une petite partie de sa taxe compte tenu de l'abondement qu'il a opéré dans le fonds régional de création d'entreprise. La gestion de ces fonds serait confiée aux banques qui devraient alors gérer le prêt à la création d'entreprise comme un simple prêt à la consommation. Leur attribution dépendrait d'un conseil d'administration composé d'élus locaux, des banques et des réseaux d'appui à la création d'entreprise. Aujourd'hui, un tel dossier est mûr dans les esprits. Peut-être verra-t-on dans un proche avenir des panneaux dans les villes indiquant que les jeunes entreprises locales ont été créées grâce à l'épargne de proximité des citoyens.

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André Babeau Professeur, directeur général du Centre de recherche sur l'épargne.

Jean-Pierre Ferretjans Président du conseil de surveillance de Banque Populaire Asset Management, de Sofingest Conseil et d'Interépargne.

François Hurel Délégué général de l'Agence pour la création d'entreprises.

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