Dans la ville : la petite crèche et les grands ensembles

Au cœur d'un quartier HLM du XVe arrondissement de Paris, un nouveau pôle petite enfance s'inscrit en contrepoint naturel des barres de béton.

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Agglomérat complexe de barres et de tours, le grand ensemble Lefebvre-Périchaux-Brancion, dans le sud du XVe arrondissement de Paris, est un modèle en matière d'urbanisme écrasant hérité des années 1960-1970. Gigantesques avec leurs neuf immeubles et leur millier de logements sociaux, les Périchaux, comme on les appelle plus communément, souffraient aussi d'être renfermés sur eux-mêmes. Le quartier a longtemps formé un territoire à part, un lieu à l'écart des regards propice au trafic de stupéfiants.

Depuis plusieurs années, le bailleur Paris Habitat a engagé des opérations diverses à la fois pour replacer cette cité dans la ville et casser son image trop « béton et bitume ». A commencer par l'aménagement par l'agence CoBe au début des années 2020 d'un véritable jardin public de 5 600 m², ouvert sur le boulevard Lefebvre. La construction tout en bois d'un pôle petite enfance conçu par l'architecte Guillaume Ramillien est la dernière manifestation en date de cette volonté de mieux occuper le terrain.

Forme simple mais protectrice. Livré récemment, pour un coût de construction de 5,5 M€ HT, le bâtiment est destiné à accueillir un futur centre de protection maternelle et infantile (PMI), tandis que sa crèche multi-accueil de 99 berceaux, inaugurée début février, est déjà en service. Ce petit équipement, de tout juste 1 350 m² SP, a été implanté à l'est du grand ensemble, sur une parcelle jusqu'alors délaissée. Si l'emprise constituait un angle mort du quartier, elle disposait d'une grande qualité : scarifiée par l'entrée d'un parking souterrain, elle recelait aussi un espace de pleine terre, ombragé par quelques beaux arbres.

Pour ne pas « sacrifier » ce patrimoine naturel, Guillaume Ramillien avait, dès le concours restreint qu'il a remporté en 2017, choisi « d'inverser la disposition qui suggérait d'adosser le bâtiment à un pignon existant. Ce principe aurait abouti à créer des espaces d'accueil mono-orientés, dont les usagers auraient été exposés à des vues frontales depuis le square ou plongeantes depuis la tour et la barre les plus proches. » Pour composer une forme simple mais protectrice, le maître d'œuvre a puisé son inspiration dans l'architecture des cloîtres : trois ailes en équerre encadrent un jardin luxuriant, aménagé sur la zone fertile par l'atelier de paysage Bloom, et ses arbres préservés.

Du bois, Guillaume Ramillien a fait l'âme de son projet : « S'il fallait répondre à des normes écologiques, le concours n'imposait pas le recours à ce matériau. Mais au-delà de ses qualités propres, il nous permettait de réaliser un bâtiment très léger. » En effet, épargner la pleine terre obligeait à construire sur le parking. « Seul le bois, quatre à cinq fois moins dense que le béton et 17 fois moins que l'acier, nous permettait de ne pas dépasser la surcharge admissible par l'infrastructure, insiste-t-il. De plus, il représentait une économie de moyens. »

Essences diverses. Pour abriter la crèche et la PMI, toutes les nuances de la matière ont été mises en œuvre, grâce à l'utilisation d'essences différentes : l'épicéa pour les structures, les façades, le mobilier intérieur et les mains courantes ; le douglas pour les poteaux et le bardage extérieur ; le pin sylvestre pour les menuiseries extérieures et les murs-rideaux ; et enfin, le chêne, réservé aux escaliers et mobiliers extérieurs. Mandataire du macrolot clos et couvert, l'entreprise Cruard Charpente a réalisé l'ossature, la charpente et les façades du bâtiment.

Chaque détail a été dessiné avec minutie, des assemblages sur mesure aux éléments sculpturaux qui structurent le bâtiment. Malgré sa taille modeste, le nouveau pôle tranche dans le paysage très cadré par les logements des Périchaux, grâce aux clins verticaux et aux épines de façade de son bardage extérieur, le traitement en creux marquant l'angle de l'étage ou encore les cheminées de parking aux formes pointues. « Pour réussir à exister dans cet environnement, notre bâtiment devait jouer sur un registre différent, assume Guillaume Ramillien. Il y parvient par son expressivité géométrique et l'usage du bois. » L'équipement s'inscrit en un contrepoint plein de poésie d'un site qui avait bien besoin d'un tel supplément d'âme.

Image d'illustration de l'article
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