En plein hiver, aucun champ de fleurs jaunes n’habille les routes de campagne qui mènent au Mériot (10), à l’une des trois usines de Saipol. Pourtant, pas de quoi semer le doute. C’est bien sur les 20 hectares du site que sont transformées chaque année 940 000 tonnes de graines de colza français, cultivé dans un rayon de 200 kilomètres autour du site industriel. Une partie d’entre elles y sont triturées pour produire environ 510 000 tonnes de tourteaux destinés à l’alimentation animale et le reste sert à fabriquer de l’huile (brute et neutre). À partir de cette dernière, la filiale du groupe Avril élabore des recettes pour produire de l’huile végétale de colza alimentaire, de la glycérine destinée à une autre filiale Oleon ainsi que 220 000 tonnes d’ester pour incorporation dans le gazole B7 et le biocarburant B100 vendu sous la marque Oleo100.
Chasse à la mauvaise graine
Environ 160 camions approvisionnent au quotidien l’usine en graines de colza. À peine entrés sur le site, ils marquent un premier arrêt au contrôle qualité réalisé par un inspecteur SGS. Des robots automatisés réalisent trois prélèvements aléatoires dans la benne du véhicule. Trois facteurs sont vérifiés : les taux d’impureté, d’humidité (limité au maximum à 10%) et le flair c’est-à-dire l’existence d’une odeur de brûlé ou de moisi. Un processus rapide de quelques minutes essentiel avant d’autoriser le déchargement des camions. Tout d’abord nettoyées pour éliminer les impuretés, les graines sont ensuite préchauffées dans un conditionneur autour de 50 à 60°C afin de les ramollir puis de les aplatir dans l’une des onze floconneuses pour en faire des flocons, avec une capacité totale de 3 300 tonnes par jour.

Aperçu des flocons. Crédit : Daniel Rousselot / Le Moniteur Matériels
Une autre étape de chauffe à 100°C des flocons est réalisée avant de les presser mécaniquement pour en extraire l’huile et le tourteau qui est lui redirigé dans un autre bâtiment dédié. Cette série d’étapes, réalisée en flux continu, s’appelle la trituration et dure environ quatre heures.

Première extraction d'huile. Crédit : Daniel Rousselot / Le Moniteur Matériels
«Deux tiers de l’huile présente dans les graines de colza sont obtenus par ce procédé mais environ 18% de matière grasse stagne dans les écailles de presse, c’est pourquoi nous réalisons une dernière étape d’extraction par un solvant de qualité alimentaire pour obtenir le tiers restant. Le solvant est intégralement récupéré dans le procédé pour être réutilisé», explique François-Xavier Gontier, responsable logistique. C’est à l’extérieur, dans un autre atelier qu’est réalisée la seconde extraction. « C’est une sorte de grosse cafetière au sein de laquelle les écailles sont transportées sur des tapis de 40 m de long et ensuite arrosées de solvant », résume-t-il.
Quand l’huile et les tourteaux sont bien séparés, en zone Atex (Atmosphère explosive), l’estérification peut suivre.
Trois modes de distribution
« C’est de la chimie pure. C’est par une réaction avec du méthanol que nous produisons l’ester méthylique d’acides gras (EMAG) qui compose notre biocarburant », précise François-Xavier Gontier. Un procédé qui se déroule en flux continue au Mériot mais il faut compter environ 16 heures pour obtenir le convoité B100 avec un atelier estérification calibré pour produire 250 000 tonnes de biocarburants.

Estérification. Daniel Rousselot/ Le Moniteur Matériels
Et afin que tous les réglages soient optimaux dans chaque atelier, une équipe d’opérateurs de production assure un roulement 24h/24 et 7 j/7 en salle de contrôle. Pour l’Oleo100, des échantillons sont analysés dans le laboratoire de production pour contrôler la qualité. À noter aussi qu’un laboratoire central inspecte tous les produits finis de l’usine. Jusqu’à 30 000 tonnes d’huiles brutes, neutres et de biocarburants, réparties en quantités quasi identiques, peuvent être stockées dans les autres bacs de l’usine. Tous les jours, vingt camions viennent s’approvisionner pour chacune des quatre pistes de la zone de distribution : 80% des volumes produits sont ainsi distribués par voie routière. Mais, l’usine a la particularité d’être trimodale et d’accueillir aussi deux péniches de 800 tonnes par semaine grâce à son embranchement sur la Seine ainsi qu’environ six trains hebdomadaires arrivant directement sur site pouvant chacun transporter jusqu’à 1 300 tonnes d'huile brute.
Le premier client en Oleo100 de Saipol remonte à 2020. Depuis, l’énergie s’est largement déployée en France avec environ 1 900 cuves installées sur le territoire et plus de 17 000 véhicules homologués pour rouler avec. « Nous comptons environ 20 % de clients dans le secteur du BTP », indique Michael Gantois, responsable grands comptes BTP Oleo100 de Saipol. Un chiffre certainement amené à croître encore à l’avenir. Sur les 49300 immatriculations de camions neufs de 6 tonnes et plus recensées en 2024 dans la base de données AAA-DATA, la part de marché des véhicules homologués au B100 a atteint 5,5%.
Reportage à retrouver intégralement dans Le Moniteur Matériels n°6343.