Imaginée dès la fin des années 1960 au cœur de Grenoble, la presqu'île scientifique qui s'avance sur l'Isère fait aujourd'hui partie du campus Grenoble Innovation for Advanced New Technologies (Giant). Cet ensemble regroupe des établissements d'enseignement supérieur, des grandes institutions françaises de recherche et des laboratoires européens de pointe. L'un d'entre eux, l'Institut Laue-Langevin (ILL), possède sur ce site son propre réacteur nucléaire de recherche fournissant les faisceaux de neutrons les plus intenses au monde. « L'établissement désirait un nouveau bâtiment qui serve de barrière à la zone à accès contrôlé située à l'arrière mais aussi de vitrine qui refléterait son excellence », explique Marion Tribolet, de TKMT Architectes, jeune agence grenobloise qu'elle a créée en 2018 avec Théo Kirn. La commande prévoit alors des bureaux pour les services de sécurité et de communication, et d'autres pour les chercheurs du monde entier qui s'y rendent pour une période déterminée. S'y ajoutent un centre de médecine du travail, des salles de conférences et des espaces de réception pour accueillir journalistes et politiques. Institut privé financé à l'échelle européenne, l'ILL souhaite une collaboration architecturale franco-britannique. Marion Tribolet propose alors à l'agence londonienne Levitt Bernstein, où elle avait précédemment travaillé, de répondre ensemble au concours.

Entrée protégée. Dans un tissu construit dense, l'implantation se révèle contrainte. Parallèle à la voirie, le projet élaboré referme le site, dessinant ainsi un dispositif d'entrée protégé. « Comme il y a beaucoup de bâtiments hétéroclites autour, nous avons privilégié la simplicité tout en composant une façadeiden-tifiable grâce à son allure géométrique et rationnelle qui évoque la science. » Pas question non plus de concurrencer le réacteur ni la montagne qui émergent tous deux à l'arrière. Jouant sur les pleins et les vides, les architectes conçoivent une barre immaculée et étirée qui, vue de face, apparaît vitrée et transparente, mais semble, vue de côté, monolithique et fermée.
« Nous recherchions l'effet cinétique qui se produit quand on passe en voiture. A la livraison au printemps dernier, nous avons découvert un bâtiment dont l'aspect varie en fonction de l'heure et de la météo. Parfois il est plat, parfois tout en relief, à d'autres moments il reflète les montagnes », apprécie Marion Tribolet. Entre les deux niveaux, la façade rideau alterne des panneaux vitrés et des cassettes métalliques dont la moitié, perforées et pliées, servent de brise-soleil verticaux. Les ouvrants sont cachés derrière eux, empêchant donc toute intrusion. La dissimulation des cadres de fenêtres appuie encore l'esthétique épurée. « Nous avions insisté auprès de la maîtrise d'ouvrage pour conserver cette ventilation naturelle et finalement tout le monde en a été bien content avec le Covid ! »

Escalier sculptural. Dans cette région à risque sismique, le béton s'impose en structure. D'autant plus que la construction, traversée par un mur plein et continu, doit former une véritable barrière physique. Visible depuis la voie d'accès, le hall est magnifié par un escalier sculptural qui participe de l'identité du projet, à l'intérieur comme depuis l'extérieur. Autoportant, il a été coulé sur place dans des banches en U découpées au laser en Italie du Nord, après des montages à blanc en atelier. Avec sa double hauteur éclairée par une large baie et une lumière zénithale, le hall et son escalier font communiquer physiquement et visuellement les étages. Et comme les expériences scientifiques ne s'arrêtent pas à heures fixes, les chercheurs peuvent y échanger agréablement de jour… comme de nuit.
