Parfois, trop de précaution peut nuire. Au terme de la construction d'une maison, les époux V... n'ont pas voulu recevoir l'ouvrage en l'état. Pour prévenir toute contestation ultérieure, ils ont fait constater par huissier, 4 jours après que la réception judiciaire eût été prononcée, un certain nombre de désordres et ont saisi le tribunal pour faire jouer la garantie décennale, la maison étant selon eux impropre à sa destination.
L'expert judiciaire désigné par le tribunal a effectivement constaté l'existence de diverses malfaçons, dont certaines étaient susceptibles de compromettre la destination de l'ouvrage. Entre autres désordres, l'expert a retenu : des ardoises cassées, l'absence de fourniture des portes d'entrée et de fermeture du garage, l'existence d'infiltrations d'eau sur les poutres due à l'absence d'étanchéité des "velux" et de la couverture dont la boulonnerie se dévissait, présentant des pattes de fixation cassées, ainsi que des zones ajourées au niveau de la couverture, des soulèvements d'ardoises.
Les désordres ayant entraîné des infiltrations ou l'absence de mise hors d'air de l'ouvrage avaient déjà été constatés par l'huissier le 6 juin 2006, c'est-à-dire quatre jours seulement après la réception judiciaire. Le constat de l'huissier, lequel n'est pas un professionnel du bâtiment, mentionnait bien l'existence de nombreuses auréoles attestant d'infiltrations, et faisait état des mêmes malfaçon, à savoir des boulons mal fixés, des liteaux cassés, des zones ajourées en couverture, des soulèvements d'ardoises, un décalage des traverses d'encadrement des "velux", l'existence de chutes des cales sur lesquelles reposaient les traverses des "velux" qui reposaient elles-mêmes sur les pannes, et de ce fait l'existence de zones ajourées entre les pannes et les chevrons, l'absence de zones de dilatation entre les châssis des velux et leur encadrement, et l'absence de pose des portes d'entrée et de garage.
Compte tenu du constat de l'huissier, non professionnel du bâtiment, la cour a jugé que les malfaçons à l'origine des désordres de gravité décennale étaient toutes apparentes au jour de la réception fixée au 2 juin 2006 et qu'elles avaient pu être décelées par un non professionnel. Or la garantie décennale ne couvre que les vices cachés à la réception. Les époux V... ont donc été déboutés dans toutes leurs demandes. En une telle hypothèse, c'est sans doute vers la responsabilité contractuelle qu'il aurait fallu se tourner dès avant la réception, ou alors vers la garantie de parfait achèvement...
Retrouvez ce jugement CA Paris, 9 mars 2011, "Epoux V...", RG n° 09/22102 ci-dessous