Depuis le 8 juillet, on peut découvrir à Paris, à la Cité de la mode et du design, « Bulk Garden/Le jardin en stock », signé Christophe Ponceau. Planté dans des sacs à gravats, ce jardin éphémère aux airs de microforêt se déploie sous un lustre insolite, composé de 150 baladeuses de chantier. à sa façon toujours pleine de poésie, Christophe Ponceau rend hommage à l’activité première des docks - entre transit, stockage et passage -, tout en interrogeant la société sur la place qu’elle accorde au monde végétal.
Rencontre avec un humaniste
Lui, c’est très tôt qu’il accorde la première place au paysage. Son père, ingénieur, un temps producteur de lavande, l’aurait-il mis au parfum ? Qui sait... Sa mère étant psy, on évitera ici les explications pseudo-freudiennes. Quoi qu’il en soit, après un bac B, il fait Boulle puis architecture à Paris-La Villette. Avant de rencontrer Gilles Clément, à la faveur de son diplôme de fin d’études, dans un village de la Creuse. « Ouvert et généreux », le paysagiste fait le meilleur accueil à l’architecte DPLG qui, un an plus tard, devient son assistant à la mise en scène de ses fameuses expositions. Une bien jolie façon de plonger dans l’univers du chantre du jardin planétaire. « Avec Gilles, j’ai découvert un rapport très singulier aux plantes, un goût pour les mélanges, pour des jardins au naturel et à la spontanéité très organisés. J’ai surtout découvert un homme extrêmement généreux. Un vrai humaniste ! Je me souviens de mon premier chantier avec lui, sur le jardin de la Ficelle, à Lausanne. Un jardin en mouvement, comme Gilles les aime… Moi qui avais l’habitude, en tant qu’architecte, de faire la police sur les chantiers, là, j’ai échangé avec des entrepreneurs amoureux de leur métier. On causait beauté des magnolias en boutons ! »
Explorer les limites
Après l’exposition-événement qui se tiendra à La Villette en 1999, Christophe Ponceau s’installe à son compte. Entre deux jardins privés, il fignole en 2002 avec Bertrand Houin un jardin éphémère pour le Festival international de Chaumont-sur-Loire. Pour exprimer l’érotisme à l’honneur cette année-là, le tandem donne à voir « Vice et versa », et annonce la couleur : « Pornographique, labyrinthe ludique ou paravent voyeur, chacun en décidera suivant son humeur… » Plus sagement - quoique… -, avec Mélanie Drevet, Christophe imagine jardins privés, espaces publics (places, squares, cités), installations et jardins éphémères (BHV, Printemps Haussmann)… Comment caractériser le style de celui qui avoue ne pas cesser d’avoir « des idées et des envies à jardiner » ? « Comme je ne les ai pas étudiés, j’apprends encore les végétaux, admet-il de sa voix douce. Au départ, ma palette s’inspirait des plantes chères à Gilles. Mais je pense que j’ai conservé un regard d’architecte sur les espaces, les volumes, les zones de lumière, d’ombre… À la Cité de la mode et du design, ses ginkgo biloba, conifères réputés pour avoir survécu à Hiroshima, ont tenu tête à la crue de la Seine, en juin dernier, et nous rappellent que la nature est plus forte que nous. Cette force, Christophe Ponceau aime l’explorer avec d’autres artistes. Pour sublimer le parc historique de La Ferté-Vidame, en Eure-et-Loir, de 2004 à 2008, il s’est acoquiné avec photographes, designers, graphistes et éclairagistes. En 2009, pour Lausanne Jardins, c’est avec le designer Adrien Rovero qu’il a fait équipe. Ensemble, ils seront ensuite commissaires de l’édition 2014. Une aventure à découvrir dans un beau livre qui vient de paraître. Depuis 2013, à Détroit, aux États-Unis, il collabore avec des artistes et des habitants pour apporter un autre regard sur cette ville en détresse.
