Signée en mai dernier par la FNTP et la direction des routes, la Charte de l'innovation a pour objectif la diffusion des innovations techniques d'initiative privée. « En engageant des procédures de concertation, la direction des routes fait appel à nous pour définir des programmes de développement avec les entreprises, explique Christian Binet, chef du centre technique d'ouvrages d'art du Setra. Lorsque tout se passe bien, les essais aboutissent à une reconnaissance par un label, un avis technique circonstancié, ou un contrat de bonne fin. »
Les thèmes seront retenus d'ici à la fin de l'année, avec une priorité pour l'amélioration de la durabilité des ouvrages, la promotion de matériaux peu utilisés, les assemblages ou l'amélioration des ouvrages en exploitation.
« Une étude récente évalue en effet à 7 milliards de francs le coût de réparation du patrimoine des ouvrages d'art, complète Christian Binet. Nous recherchons aujourd'hui les moyens d'optimiser la conception des ponts, afin de limiter les coûts d'entretien. » Une réflexion partagée par les architectes, dont le rôle reconnu par les maîtres d'ouvrage (voir notre enquête parue le 26 septembre, page 18) se traduit par un véritable échange avec les ingénieurs.
« L'important est de concevoir un beau projet, et qu'il se réalise, indique Philippe Fraleu, architecte (pont de Cheviré, viaduc du Viaur). L'architecte n'est pas maître d'oeuvre, et son intervention évolue avec les techniques : le profil d'un pont passe avant tout par la ligne des efforts qu'il subit. Cependant, la montée en puissance des politiques et la systématisation des concours risque de conduire à la catastrophe. Au lieu de pratiquer le "mieux-disant'', un élu hésite entre l'économie à tout crin, et le "trait'' architectural, au mépris des conditions de vieillissement de l'ouvrage. On arrive finalement à des aberrations, comme pour le troisième pont d'Orléans, sur la Loire, où la quantité de matière est sous-évaluée d'environ 50 % ! Le contribuable en fait les frais, et l'horrible expression "surcoût architectural'' entre dans le langage courant... »
En écho, Christian Binet confirme qu'« un effort doit être porté sur les technologies durables et maîtrisées. » La relation toujours passionnelle entre l'architecte et l'ingénieur serait-elle enfin en quête d'équilibre ?
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En France, 7 milliards sont consacrés à la réparation des ouvrages d'art.
La Charte de l'innovation veut optimiser la conception des ponts afin de limiter leurs coûts d'entretien.