Eco-contributions : pour la filière bois, l’identité du payeur est sujette à discorde

Au sein de la filière REP PMCB, le sujet de l’éco-contribution est sensible pour les acteurs du bois. Aujourd’hui dévolu aux scieurs, son règlement génère crispations et lobbying auprès des pouvoirs publics pour changer les règles du jeu. 

Réservé aux abonnés
REP PMCB benne
REP PMCB benne

Le mois dernier, les sénateurs étaient invités à se prononcer au sujet d’une proposition de loi de l’élue Anne-Catherine Loisier, visant à exclure les produits bois de la filière REP PMCB.Une initiative qui n’a pas fait l'unanimité dans l’enceinte du Palais du Luxembourg, l’exclusion n’ayant pas été votée. Elle a néanmoins permis la relance d’un débat tenace entre les protagonistes de la filière en question, avec, en figure de proue, la corporation des scieurs qui fustige, depuis le début, le fait d’avoir été désignée comme le maillon-payeur de l’éco-contribution.

« Il n’y a aucune justification, ni écologique, ni économique, à ce que ce paiement nous ait échu », proteste Nicolas Douzain-Didier, délégué général de la Fédération nationale du bois (FNB). « Pour toutes les autres REP autres que la PMCB, c’est au plus proche du marché que se règle cette participation. »

Une mécanique bien rodée

Entre l’amont - les scieurs - et l’aval - les charpentiers et autres artisans en charge de l’installation des structures en bois -, interviennent une nuée d’intermédiaires, comme les raboteurs, les négociants, les importateurs, etc. Le bois brut découpé et entreposé dans les scieries connaît une succession de transformations qui en modifient le poids, le degré d’humidité… Autant d’étapes facilitant, selon le dirigeant de la FNB, la fraude et les marges indues. « Ce système ne permet aucune traçabilité, ce qui nous conduit à avoir environ 60 % de fraudes. Les particuliers en sont les premiers impactés. »

Selon lui, la mécanique est savamment rodée : un artisan facture, mention sur le contrat à l’appui, un poste appelé enlèvement des déchets. Sauf que le même artisan aura indirectement payé une éco-contribution qui aura été intégrée dans le prix auquel il a acquis le matériau. Et dont il va lui-même tenir compte pour vendre plus cher sa prestation. Du coup, le consommateur se retrouve à payer deux, trois ou quatre fois (en fonction du nombre d’intermédiaires) l’éco-contribution. Ni vu ni connu. « Les artisans, qui bénéficient des avantages de la REP, ne devraient pas avoir la possibilité de facturer un surplus au consommateur ! »

Un paiement en amont ou en aval ?

Une démonstration qui ne convainc pas la Fédération des distributeurs de matériaux de construction (FDMC) et son délégué général, Laurent Martin Saint Léon : « il a été acté que les scieurs étaient les metteurs sur le marché du matériau bois, et que c’était par conséquent à eux de s’acquitter de l’éco-contribution. » De plus, il balaie d’un revers de la main les allégations de la FNB : « les distributeurs ne profitent pas de son paiement en amont pour marger, je n’y crois pas. D’ailleurs, ils intègrent son montant au prix total de la revente, fixant un barème prouvant qu’il n’y pas eu de marges de réalisées. Je pense que ce sont des accusations fantaisistes et fallacieuses qu’un affichage clair de l’éco-contribution vis-à-vis du client final serait peut-être à même de dissiper. »

Pour Rami Jabbour, directeur stratégie de l’éco-organisme Valobat, l’un des principaux de la REP PMCB, la solution idéale n’existe pas : « je n’ai pas de position clairement établie sur le niveau auquel l’assujettissement à l’éco-contribution doit se faire, si l’aval est préférable à l’amont, ou vice-versa ». D’après lui, le problème essentiel réside dans la soutenabilité économique du dispositif, et ce pour l’ensemble des professionnels du bois. Il plaide pour que la refondation de la REP aboutisse sur un changement structurel et l’éclosion d’une « REP light » pour le bois, afin de réduire les coûts et la rendre plus soutenable.

Une course à la vertu environnementale

A propos des marges, Rami Jabbour ne nie pas une potentielle tendance à les multiplier le long de la chaîne. A l’image de ses deux confrères, il considère également qu’une obligation d’affichage de l’éco-contribution sur le produit final peut contribuer à davantage de transparence, comme c’est le cas pour l’ameublement.

Enfin, il met en garde contre le principe de rééquilibrage entre matériaux, la présentant comme une fausse bonne idée. Déjà car la plupart de ceux appartenant à la catégorie n°2 de la REP PMCB (non-inertes) présentent des caractéristiques de valorisation similaires à celles du bois, comme le métal ou le plâtre. Ou du moins s’en rapprochent. Dans cette course à la « vertu environnementale », dont tout le monde doit au demeurant se satisfaire, quels seraient alors les « mauvais élèves » devant payer pour les premiers de la classe ?

Enfin, le sujet de l’abattement de 50 % des contributions du bois à la REP, un mécanisme prévu par un arrêté de juillet 2024 et dont l'application a été suspendue par le lancement d'un moratoire pour réorganiser les REP, est également délicat et potentiellement dangereux. « Les éco-organismes pourraient alors être tentés de partager leurs prix en amont de leur fixation, pour justement prendre en compte cet abattement », justifie Rami Jabbour. « Or, en droit de la concurrence, cela s’appelle une entente sur les prix. C’est évidemment interdit, car le partage de données sensibles est anti-concurrentiel. » Difficile de faire émerger la solution optimale. L’Assemblée nationale se prononcera prochainement.

Abonnés
Baromètre de la construction
Retrouvez au même endroit tous les chiffres pour appréhender le marché de la construction d’aujourd'hui
Je découvreOpens in new window
Newsletter Week-End
Nos journalistes sélectionnent pour vous les articles essentiels de votre secteur.
Les services Le Moniteur
La solution en ligne pour bien construire !
L'expertise juridique des Éditions du Moniteur
Trouvez des fournisseurs du BTP !
Détectez vos opportunités d’affaires