Matériaux : la place du bois, une nouvelle pomme de discorde pour les acteurs de la REP

Alors qu’une proposition de loi visant à exclure les produits bois de la filière REP a été examinée au Sénat le 15 mai dernier, le sujet divise industriels, éco-organismes et législateur avant le passage du texte, écarté par la chambre Haute, à l’Assemblée nationale.

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Le principe de la REP: développer le réemploi et la réutilisation des matériaux en fin de vie, notamment le bois.

Jeudi 15 mai 2025, le Palais du Luxembourg débattait d’une proposition de loi (PPL) préalablement examinée en commission développement durable. Son objet : la sortie du bois de la filière REP PMCB, système de gestion des déchets qui prévoit que les metteurs sur le marché de produits et matériaux de construction du bâtiment prennent en charge financièrement leur traitement et leur valorisation en fin de vie. Ce texte a été grandement amendé,seulun « rééquilibrage » de cette REP PMCB ayant été décidé. Pas de quoi éteindre les débats alors que les députés seront prochainement invités à examiner la PPL pour l’entériner.

Développer le réemploi et la réutilisation

« Nous sommes les seuls au monde à avoir intégré le bois de construction dans une REP », s’indigne Anne-Catherine Loisier, la sénatrice à l’origine de la PPL. « Cette singularité française crée une distorsion de concurrence au sein d’un marché mondialisé du bois. » Et de citer un inévitable renchérissement du prix de sortie de ce matériau, notamment à l’exportation. Mais aussi pour les promoteurs français, déjà structurellement en crise. « La REP PMCB entame notre compétitivité sans apporter de plus-value collective », renchérit Nicolas Douzain, délégué général de la Fédération nationale du bois (FNB). « Le bois était déjà collecté et valorisé à 92 %, avec des exutoires dans l’industrie du panneau ou dans l’énergie. Par conséquent, la filière REP n’apporte pas d’exutoire supplémentaire car il n’existait pas de problèmes de valorisation de ce matériau en fin de vie. » 

Pour Arnaud Humbert-Droz, président exécutif de l’éco-organisme Valdelia (agréé par l’Etat pour gérer la filière des déchets du secteur du bâtiment), le traitement de la fin de vie du bois était tout sauf satisfaisant : « La valorisation n’est pas le recyclage. Allonger la durée de vie d’un matériau, c’est le principe de la REP, en développant le réemploi et la réutilisation. Et c’est tout ce que ne faisaient pas les entreprises du bois avant la mise en place de cette filière de collecte et de recyclage des déchets émis sur les chantiers. »

Pour autant, lui aussi juge la REP largement perfectible, mais pour d’autres raisons : « La mutualisation des coûts entre matériaux entraîne une péréquation qui peut apparaître injuste et engendrer des frustrations, avec un risque de tensions entre les différentes familles de matériaux. Ceux qui émettent peu de déchets paient pour ceux qui n’ont pas fait cet effort, cela peut créer des injustices. »

Péréquation au niveau des éco-organismes

Les positions entre les différents éco-organismes ne sont pas homogènes sur cette question de la REP. Ainsi, Rami Jabbour, directeur stratégie de Valobat, reconnait, comme les industriels, que la filière du bois s’acquittait très bien de cette tâche avant même l’instauration de la REP PMCB. Mais comme son confrère de Valdelia, il est contre une sortie du bois du dispositif, tout comme il déplore la probable inscription dans la loi d’un abattement pour les acteurs du bois, qui verrait leur contribution financière à la REP largement amputée.

« Quand on observe la dynamique de collecte enclenchée depuis deux ans, il est légitime d’envisager que les autres matériaux vont également monter en puissance. Le dispositif d’abattement, tel que rédigé dans le texte de loi, n’est pas une mesure satisfaisante à moyen ou à long terme, car d’autres matériaux vont vite être éligibles à ce même abattement, cette même péréquation, ce qui fera disparaitre le traitement spécifique dont bénéficierait le bois. » Selon lui, la péréquation doit se faire au niveau des éco-organismes, pas être inscrite dans le cadre rigide de la loi.

Autre sujet de crispation : la fraude aux éco-organismes, avec du bois importé en France qui ne participerait pas à l’effort collectif. « Il y a plus de 50 % de fraude aux éco-contributions dans le secteur du bois », assène Nicolas Douzain, de la FNB. « L’administration n’a absolument rien fait pour chasser les fraudeurs, pas un n’a été condamné depuis 2023. Ce qui veut dire qu’à la fin de l’année, certains auront gagné +15 % de chiffre d’affaires par rapport à leurs concurrents, dans des secteurs où la croissance est, au mieux, de 1 à 3 % maximum. » Il va même plus loin, affirmant qu’au sein de sa fédération, certains adhérents ont quitté le navire en lui reprochant de leur avoir fait perdre des marchés.

Forme d’amateurisme pour la REP PMCB

Des arguments balayés par Arnaud Humbert-Droz, de Valdelia : « Les payeurs sont les metteurs sur le marché, notamment ceux qui importent du bois étranger en France. Cela est prévu par le Code de l’environnement. La distorsion de concurrence vis-à-vis des acteurs internationaux est donc extrêmement encadrée et, conséquemment, limitée. » Malgré tout, la nouvelle proposition de loi devrait mieux encadrer les angles morts, comme l’affirme la sénatrice Anne-Catherine Loisier : « Le bois étranger arrivé en France aura l’obligation de passer par un mandataire et de se mettre en règle avec la législation française. Et, bien sûr, de payer l’éco-contribution ».

Là où le consensus semble général, c’est concernant l’échelon qui est chargé de s’acquitter de l’éco-contribution, à savoir les scieurs, premiers transformateurs du bois. Une aberration pour à peu près tous les intervenants, qui fustigent un renchérissement important du produit final répercutant le coût de l’éco-contribution. « Il y a eu un certain amateurisme dans la constitution de cette REP, l’erreur native ayant été une forme de fainéantise en faisant endosser la responsabilité de la contribution aux scieurs, dans le but de réduire le nombre d’entreprises à aller chercher. L’éco-contribution doit être mise au niveau du produit fini, c’est du bon sens ! »

Ce surcoût est estimé à plus d’un milliard d’euros pour la filière du bâtiment, selon Nicolas Douzain, de la FNB : « In fine, c’est le consommateur final qui paie plus cher, sans même en connaître la raison, puisque le montant payé en début de chaîne pour la filière REP PMCB n’est pas mentionné sur le prix final d’un bien, comme par exemple un simple meuble en bois. » Pour lui, la conclusion est limpide : « Cette REP est une gabegie imposée par l’Etat ! »

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