Economie circulaire : les équipements de CVC à la recherche d'un second souffle

Recyclage, réparation, réemploi : les fabricants tentent d'éviter à des millions d'appareils de finir à la décharge.

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La première ligne au monde dédié à la dépollution et au traitement des ballons d'eau chaude a été inaugurée en mai dernier dans la Vienne.

Chaudières, pompes à chaleur (PAC), centrales de traitement d'air (CTA) ou groupes froids font aujourd'hui partie intégrante des bâtiments. Mais leur longévité n'est que d'une vingtaine d'années. Que faire alors de ces équipements en fin de vie ? Et quid de ceux en bon état de marche pourtant déposés lors de réhabilitations ? Leur obsolescence est à la fois technique (des systèmes plus performants sont mis sur le marché) et réglementaire, avec l'interdiction ou la limitation de certaines substances. Les réparer, les recycler, voire les réemployer devient donc un enjeu essentiel. D'autant plus qu'ils renferment métaux et terres rares.

Premier défi pour les faire durer : les concevoir de façon à permettre leur réparation. Dans son étude sur la réparabilité des équipements techniques du bâtiment (2018), l'Ademe indiquait que 76 % des composants d'une PAC peuvent être remis en état pour un budget moyen de 1 705 euros. A condition de rendre ces divers éléments (cartes électroniques, compresseurs…) accessibles et facilement démontables. Camille Beurdeley, déléguée générale d'Uniclima, syndicat des industries thermiques, aérauliques et frigorifiques, précise que les fabricants pratiquent déjà le rétrofit, c'est-à-dire la mise à niveau d'un système existant en revoyant certains de ses composants. Pour les équipements thermodynamiques, cette pratique consiste le plus souvent à remplacer les fluides frigorigènes par des gaz régénérés ou à moindre potentiel de réchauffement planétaire.

Démantèlement des ballons d'eau chaude

Dans le cas où l'équipement ne peut connaître une nouvelle jeunesse, le recyclage de ses matériaux, en particulier l'aluminium, existe déjà. « Le génie climatique a été l'un des premiers secteurs à mettre en place une filière professionnelle de collecte et de recyclage des équipements électriques et électroniques », rappelle Camille Beurdeley. Vingt ans d'expérience qui ont permis au recycleur de ferraille et de métaux Decons, aux côtés de l'éco-organisme Ecosystem et de l'industriel Groupe Atlantic, d'inaugurer en mai dernier au Vigeant (Vienne) la première ligne au monde dédiée à la dépollution et au traitement des ballons d'eau chaude (lire « Le Moniteur » du 23 mai 2025, p. 14). Ils y sont démantelés et les gaz à effet de serre de leurs mousses polyuréthane sont extraits en milieu confiné.

Côté réemploi, « la filière est émergente », constate Laure Morice, qui en est la responsable chez Ecosystem. Les industriels disposent d'un cadre réglementaire et la RSE incite les maîtres d'ouvrage à rechercher des solutions en la matière. Sans oublier la RE 2020, qui favorise ce réemploi. Les professionnels engagés se heurtent pourtant toujours aux mêmes problèmes, en particulier « le modèle économique linéaire consistant à produire, vendre et traiter les produits en fin de vie, qui reste prédominant », déplore Olivier Michoux, manager de la RSE et des affaires publiques chez Daikin France. « La question de la responsabilité et des garanties de performance est centrale », ajoute Laure Mouradian, directrice des actions collectives et de l'innovation du Centre technique des industries aérauliques et thermiques (Cetiat). « Si une PAC en bon état de fonctionnement est désinstallée, qui prend la responsabilité de sa requalification afin de pouvoir la réemployer ailleurs ? », reprend Olivier Michoux. Le prix constitue un autre frein. Dans son étude, l'Ademe constate que, si les coûts de réparation excèdent 30 % de la valeur d'un produit, les clients préfèrent un remplacement pur et simple.

Acceptabilité

A défaut de réemployer tout l'équipement, certains acteurs parviennent à réutiliser une partie des composants. « Les cartes électroniques ou les circulateurs sont d'excellents candidats à un reconditionnement », constate Laure Morice. Chez Daikin, la possibilité de leur réemploi est étudiée depuis un an. « Nous avons aussi mené une enquête sur l'acceptabilité par les installateurs et clients, qui semblent motivés à condition que la pièce reconditionnée soit garantie », ajoute Olivier Michoux. Devant la pénurie annoncée de ressources, il est urgent que tous les acteurs s'intéressent ensemble et de plus près au sujet.

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« Un tableur paramétrique peut simuler différents niveaux de réparation », Sébastien Loreau, chercheur à l'Université catholique de Louvain (Belgique).

« La thèse que je soutiendrai en septembre se concentre sur le développement de modèles informatiques interdisciplinaires pour lever les freins au réemploi des équipements techniques du bâtiment. Il s'agit d'aider les concepteurs à évaluer les impacts techniques, environnementaux, sociaux et financiers de cette pratique. Concrètement, un tableur relié à une large base de données aide l'utilisateur à établir un diagnostic des réparations à faire. Une autre partie du fichier questionne les bénéfices du réemploi d'une machine ancienne par comparaison à l'achat d'un produit équivalent neuf : par exemple, permet-il une économie de carbone ? Le tableur est paramétrique, et permet de simuler différents niveaux de réparation, impliquant ou non une garantie.

Il prend aussi en compte les différents niveaux d'efficacité du réseau électrique : plus il est décarboné, plus le réemploi se justifie.

Dans le cadre de mes recherches, j'ai testé mon tableur sur différents cas d'étude concrets. Ainsi, pour des groupes froids, il serait possible de démonter ceux qui équipent un bâtiment de bureaux, pour les réparer chez un fabricant en Tchéquie, où le coût de la main-d'œuvre est moindre et les paramètres de qualité élevés. Les groupes pourraient ensuite être réinstallés sur leur site d'origine.

Ce cas d'étude montre des bénéfices sociaux : la réparation de machines limiterait les risques de travail forcé et de travail des enfants par comparaison à l'achat d'un équivalent neuf fabriqué en Chine. Un autre cas d'étude concerne les gaines de ventilation. Si leur réemploi est difficilement justifiable d'un point de vue financier car peu chères à l'achat, et si leur démontage est coûteux, cette pratique se justifie par les bénéfices environnementaux qu'elle apporte. La pertinence du réemploi d'équipements techniques doit ainsi être évaluée au cas par cas. »

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Reconditionnement : Atlantic traite ses produits neufs cabossés

Fabricant français de pompes à chaleur, chauffe-eau, radiateurs électriques, chaudières et systèmes de ventilation, Groupe Atlantic se prépare au reconditionnement. « Depuis le début de l'année, nous étudions au travers de notre programme ReUse la mise en place de flux d'économie circulaire sur les produits ou pièces de rechange qui reviennent naturellement sur nos sites industriels », confie Stephen Haentjens, directeur du programme pour le groupe. Il s'agit soit d'équipements neufs abîmés lors du transport ou de la manutention, soit d'appareils retournés à la suite d'une activation de garantie. Ils ont donc peu servi.

« Ces produits, qui sont généralement détruits, représentent 1 % de notre chiffre d'affaires », reprend-il. L'objectif est de les revendre avec la même garantie que le neuf.

Première étape : récupérer les produits domestiques, qui forment les plus gros volumes. Dans un second temps, l'industriel projette de s'allier à des éco-organismes pour augmenter son gisement d'appareils réparables et revendables. En attendant, le groupe s'attelle à la mise en place de processus industriels. « Pour traiter le flux d'équipements neufs abîmés, c'est le système d'information et de distribution qui doit être adapté », explique le directeur. L'offre ne portera plus sur un modèle générique, mais sur un produit précis dont les défauts pourront être constatés par le client. SelonStephen Haentjens, celui-ci « veut des prix environ 30 % moins élevés » que le neuf.

Groupe Atlantic examine aussi le potentiel de réemploi des cartes électroniques et autres pièces de rechange.

La mise en place de chaînes pour réparer des équipements dans leur globalité sera étudiée ultérieurement.

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Réemploi : Carrier offre une nouvelle vie à ses ventilo-convecteurs

Principalement utilisés dans le tertiaire, les ventilo-convecteurs, ces unités terminales servant au traitement de l'air, ont été identifiés par l'industriel Carrier comme réemployables. « Nos appareils de plus de quinze ans sont déposés, identifiés, palettisés et transportés par nos experts jusqu'à notre usine. Une fois sur site, nous procédons à un rétrofit, c'est-à-dire à l'ajout ou au remplacement des pièces obsolètes de manière à restaurer et à améliorer les fonctions », explique Alain Parisi, responsable du développement commercial Ile-de-France pour Carrier.

Concrètement, le motoventilateur est changé pour passer d'un courant alternatif à un courant continu à très basse consommation d'énergie, obligatoire depuis 2012. « Une opération qui modifie l'aéraulique et les performances de la machine », ajoute le responsable. Les terminaux sont ensuite nettoyés et requalifiés avant de passer des tests de performance dans les laboratoires certifiés de Carrier. Ils subissent les mêmes que les produits neufs, de manière à assurer une garantie identique.

En procédant ainsi, l'industriel assure valoriser 75 % du matériel (carcasse, batterie…) tout en réduisant les consommations.

Pour Alain Parisi, « un bâtiment de 15 000 m² doté de 500 ventilo-convecteurs évite aussi 100 t éq. CO2 en réemployant ces 500 appareils in situ lors d'une rénovation ». En 2024, 800 produits ont été remis en fonctionnement. Un chiffre qui devrait dépasser les 2 500 cette année, puis plus de 5 000 l'an prochain. Les demandes commencent à affluer et le groupe, en partenariat avec Vinci, répare déjà des produits sans avoir encore de preneur, afin de constituer un stock.

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