Profiter d'un projet économique pour engager la reconquête d'un territoire de plus de 100 ha, à cheval sur les villes de Lille et de Lomme : c'est le pari lancé depuis bientôt dix ans sur les Rives de la Haute-Deûle. Le projet comprendra à terme 2 000 logements et plus de 150 000 m² de surfaces tertiaires, dont une bonne partie occupée par Euratechnologies, nouveau pôle dédié aux technologies de l'information et de la communication.
Friches dans la ville
Proche du métro, le site reste très marqué par la désindustrialisation. Ainsi, la fermeture des filatures Le Blan-Lafont à la fin des années quatre-vingt a affecté à la fois les bassins d'emplois et le fonctionnement de la ville alentour : « Ces '' châteaux de l'industrie '' rassemblaient autour d'eux les logements de leurs salariés, souvent dans des petites maisons en bande, explique Fabienne Duwez, directrice de l'aménageur Soreli, en charge de la ZAC des Rives de la Haute-Deûle. Lorsque les usines ont fermé, elles ont laissé à la fois d'importantes friches dans la ville et des îlots résidentiels non connectés entre eux. »
Autre legs de ce passé industriel : les deux imposantes filatures de briques et d'acier, sur lesquelles la Soreli a organisé en 2001 un marché de définition, portant sur leur reconversion en bureaux dédiés à Euratechnologies et remporté par l'architecte Vincent Brossy (voir encadré ci-contre).
« Avec Martine Aubry et le maire de Lomme Yves Durand, nous avons fait naître l'idée que l'on pourrait installer là, dans les ruines des filatures Le Blan-Lafont, le plus grand parc technologique d'Europe sur le e-business. Nous avons une centaine d'entreprises sur le site et 1 500 emplois créés depuis le 1 janvier 2010, nous y sommes presque. Mais la volonté politique sur les Rives de la Haute-Deûle ne s'arrête pas à cette réussite économique. Nous avons aussi voulu faire émerger un projet urbain fort, prenant en compte la présence de l'eau et de la Deûle, avec des exigences sociales et environnementales poussées », raconte Pierre de Saintignon, premier adjoint au maire de Lille.
Après un premier projet défini par l'urbaniste Patrick Germe sur la centaine d'hectares de terrains mutables que compte le site, Jean-Pierre Pranlas-Descours a finalement été retenu en 2005 sur un premier périmètre opérationnel de 25 ha. « L'épine dorsale du projet, c'est la reconnaissance de la Deûle, rivière canalisée au droit du site, dans sa dimension paysagère mais aussi en tant qu'espace public majeur reliant le futur quartier au centre de Lille. Il y a l'idée que les éléments et les bâtiments que l'on va mettre en place auront tous un rapport avec le canal », explique l'urbaniste. Pourtant en retrait de la voie d'eau, les bâtiments Le Blan-Lafont se sont ainsi vus offrir en 2009 une façade fluviale, grâce à une grande pelouse et un jardin d'eau totalisant plus d'un hectare et demi et étirés jusqu'aux rives.
Espaces publics piétonnisés
Cette « prise de site », première pièce achevée du projet, met en œuvre des principes, déclinés ensuite dans l'ensemble du quartier.
Un premier travail de couture urbaine, gommant les dysfonctionnements laissés par les friches, relie les franges du projet aux quartiers voisins, par le prolongement et la requalification des voies existantes. S'ajoutent des espaces publics largement piétonnisés : « Tous les stationnements liés aux entreprises seront logés dans des parkings silos, dont la construction sera lancée en 2010. Les opérations de logements disposeront de leur côté de parkings semi- enterrés, éclairés et ventilés naturellement », précise Fabienne Duwez. Des économies en perspective et surtout deux fois plus de place en surface pour les piétons et les cyclistes que pour les automobiles.
L'eau, facteur d'animation urbaine
Ce nouveau partage de l'espace public n'est pas sans intérêt : favorisant les mobilités douces, il permet de préserver la biodiversité, avec d'importantes surfaces enherbées, des zones humides reconstituées dans le jardin d'eau et plus de mille plantations en essences locales (frênes, aulnes, saules) dans le premier secteur opérationnel. Il libère aussi l'espace nécessaire à la gestion des eaux de pluie en surface : « L'eau qui tombe sur les toits des bâtiments d'Euratechnologies, sur la voirie ou les espaces publics est récoltée gravitairement par deux canaux creusés de part et d'autre des filatures, puis conduite vers un jardin d'eau qui assure son épuration et son rejet à débit maîtrisé de 2 litres/ha/seconde vers la Deûle », explique la paysagiste Anne-Sylvie Bruel, conceptrice des espaces publics de la ZAC. A cette fonction technique s'ajoute la volonté de profiter de l'eau comme facteur d'animation urbaine : promenades pavées sur les quais, rambla prolongée par un pont enjambant la Deûle, terrasses de cafés et restaurants sur la gare d'eau.
En contrepartie de ces espaces publics généreux, les 500 logements de la première phase, dont la plupart devraient être mis en chantier courant 2010, développeront une densité élevée, afin de limiter l'étalement urbain : plus de 136 logements à l'hectare sur l'îlot Coignet (Zig-zag architectes, promoteur : GHI) par exemple, avec des typologies allant de la maison en bande aux petits collectifs à R 3.
A cette compacité du tissu bâti viennent se greffer deux mixités. Des fonctions diversifiées tout d'abord : « L'idée est que l'on vienne habiter sur les Rives de la Haute-Deûle mais aussi y travailler, s'y divertir, accéder aux services de la vie quotidienne. Cela suppose une mixité de fonctions, que nous essayons maintenant de décliner à l'échelle de l'îlot, afin de créer une animation permanente dans l'ensemble du quartier », explique Eric Quiquet, président de la Soreli.
Une mixité sociale soutenue par l'action publique ensuite : « La moitié des logements construits sera à caractère social, que ce soit en accession aidée ou en locatif social, précise Yves Durand. Cette mixité se fera dans des bâtiments très performants sur le plan thermique : nous avons ainsi exigé pour chacun des logements une certification Habitat et environnement. » En la matière, priorité aux matériaux recyclables et aux économies d'énergie : « Dans notre opération, qui comprend 68 logements, dont 40 en BBC (bâtiment basse consommation), cela va se traduire par des panneaux solaires, qui contribueront jusqu'à 40 % de la production d'eau chaude dans les logements, par des menuiseries réalisées en bois plutôt qu'en PVC, par des toitures végétalisées ainsi que par une surisolation extérieure par laine minérale », explique Alain Cacheux, président du bailleur LMH (Lille métropole habitat) et adjoint au maire de Lille en charge des Grands projets. Un panel complet de solutions que les entreprises mettront en œuvre cette année avec les premiers chantiers de logements.-


