Front commun contre les algues bleues

Les usagers des étangs du pays de Sarrebourg se coordonnent peu à peu pour réduire efficacement la prolifération des cyanobactéries.

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D’une superficie de 254 ha, l’étang de Mittersheim (ici, la base de loisirs) est alimenté par le canal des houillères de la Sarre.

Dans les quatre étangs réservoirs de la région de Sarrebourg (Moselle), les cyanobactéries prolifèrent en raison notamment du réchauffement climatique et de la pollution. Pour vaincre ces micro-organismes également appelés « algues bleues », les usagers misent sur la coopération. C'est l'orientation choisie par les parties prenantes du programme No-Cyano, engagé en 2022 à la suite d'un appel à manifestation d'intérêt (AMI) de l'agence de l'eau Rhin-Meuse sur le thème « Eau et santé ». De quoi soulager Jean-Luc Huber, maire de Mittersheim. « L'atout touristique ne doit pas se transformer en handicap », déclarait le premier magistrat du village de 600 habitants au début du programme doté de 490 000 euros jusqu'en 2025. La baignade naturelle attire en effet jusqu'à 4 000 résidents en été autour du plan d'eau de 254 ha situé dans sa commune. Mais à partir de 2017, les arrêtés d'interdiction ont plusieurs fois laminé la manne touristique.

Début 2024, l'expérience d'un « jeu sérieux » a créé un déclic chez ses participants, tous usagers des étangs (pêcheurs, agriculteurs, Voies navigables de France [VNF], interco…). Le spécialiste de la concertation Lisode en a fixé les règles : chaque joueur se mettait dans la peau d'un groupe d'usagers auquel il n'appartient pas dans la vraie vie. Résultat sans appel de la simulation : « Un premier groupe pariait tout de suite sur la collaboration, pour minimiser la pollution et investir en conséquence. Quatre ans plus tard, les émissions de phosphore s'étaient considérablement réduites. Dans le second groupe, chacun jouait sa partition, consistant notamment à maximiser les profits du tourisme et des grandes cultures, avec des résultats catastrophiques », raconte Jean-François Humbert, coordonnateur scientifique de No-Cyano et directeur de recherche à l'Institut d'écologie et des sciences de l'environnement à la Sorbonne (Paris).

Baptême intercommunal. Le consensus autour de la voie coopérative a conforté la communauté de communes de Sarrebourg Moselle Sud qui, peu après sa naissance en 2017, s'était saisie du dossier. Avec de sérieux handicaps. « Nous n'avons pas de vocation touristique, et les canaux gérés par VNF ne relèvent pas de notre compétence en gestion des milieux aquatiques et prévention des inondations (Gemapi) », explique Hyacinthe Hopfner, directeur général des services. Or, les quatre étangs servent à réguler le débit du canal de la Marne au Rhin, troisième infrastructure de tourisme fluvial en France. Ces plans d'eau sont donc eux aussi sous l'autorité de VNF. Autre acteur incontournable : l'Agence régionale de santé qui a émis les premiers arrêtés d'interdiction de baignade et face à laquelle des communes isolées ne pèsent pas lourd.

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Absence de données. Devant la multiplicité des décideurs et afin de reprendre la maîtrise de leur territoire, celles-ci traquent, par le biais de la communauté de communes, les causes de l'eutrophisation, autrement dit la surabondance de matière organique qui affecte ses plans d'eau. Ce phénomène favorise l'apparition du phosphore, substance dont raffolent les cyanobactéries, quand la température de l'eau atteint 15 à 25 °C. « Une classe d'élèves ingénieurs d'AgroParisTech a confirmé l'absence de données. Nous parlions dans le vide », relate Hyacinthe Hopfner. L'AMI de l'agence de l'eau Rhin-Meuse arrive alors à point nommé pour offrir un territoire de démonstration.

Deux ans après, les écologues, urbanistes et ingénieurs attribuent les parts de responsabilité, notamment celles des acteurs publics : la collectivité, pour le dépérissement du chevelu de ruisseaux et le défaut d'entretien des zones humides connectées aux étangs, ainsi que pour la capacité insuffisante de sa station d'épuration, pourtant conforme aux normes ; VNF, pour le déversement des eaux usées brutes émises par les plaisanciers dans ses ports… « Les relevés de citoyens ont complété les nôtres tandis que les photos satellitaires de Sentinel-2 ont corrélé ces données avec la mesure de la biomasse à l'échelle des plans d'eau », ajoute Jean-François Humbert.

Dans la dernière ligne droite de No-Cyano, l'organe de gouvernance reste à inventer. Parallèlement, les scientifiques chercheront à capitaliser l'expérience de coopération menée dans le pays de Sarrebourg. Jean-François Humbert participe ainsi à la constitution d'un groupement d'intérêt scientifique qui croisera les recherches sur les cyanobactéries et sur les algues vertes marines.

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