Alors que s’ouvre le 26 novembre à Paris une exposition rétrospective de leurs travaux, les architectes Anne Lacaton et Jean-Philippe Vassal livrent au "Moniteur" les idées-force qui sous-tendent leur pratique.
L’agence, les projets : "La motivation vient d’un site, d’un programme, d’un contexte!"
"Anne et moi, nous nous sommes rencontrés à l’école d’architecture de Bordeaux, après le diplôme (1980) et avant que je ne parte cinq ans en Afrique, au Niger, où elle m’a rejoint. Nous avons ensuite travaillé pour Jacques Hondelatte à Bordeaux, et c’est en 1988 que nous y avons créé notre agence. Puis, en 2000, nous l’avons transférée à Paris. Nous étions alors quatre architectes et nous sommes maintenant dix à douze en moyenne. Nous travaillons actuellement surtout en France, tout en participant aux concours internationaux auxquels nous sommes invités. Ce qui nous motive c’est avant tout l’intérêt d’un site, d’un programme, d’un contexte, d’une situation nouvelle. Ou encore l’enthousiasme d’un maître d’ouvrage. Nous cherchons à ne pas nous enfermer. L’architecte doit bouger, observer, comparer les contextes, échanger, etc. Le voyage est essentiel et permet d’interroger ses savoirs et sa pratique. L’apprentissage de l’architecture devrait être fondé là-dessus : se poser les bonnes questions et aller chercher des réponses partout où c’est possible. C’est la même chose ensuite dans la pratique du métier."
Le Grand prix national de l’architecture 2008 : "Une incitation à persévérer"
"Nous étions heureux – et naturellement émus – de recevoir en juillet le Grand prix national de l’architecture 2008. C’est un prix donné sur l’ensemble d’une démarche. Il signifie surtout que ce que l’on fait et ce que l’on dit est entendu et reconnu. Cela nous incite à continuer dans notre démarche. Le fait de voir que les sujets qui nous occupent, ainsi que notre démarche, suscitent l’intérêt nous procure un immense plaisir. D’autant qu’au quotidien, nous avons souvent le sentiment que les idées sont difficiles à 'faire passer', que rien n’évolue. C’est parfois décourageant. Ce Grand prix nous donne l’énergie de continuer. Le fait qu’il soit décerné par le ministère de la Culture est important pour nous et nous revendiquons pleinement l’architecture comme une 'expression de la culture', pour reprendre le préambule de la loi de 1977. Ce qui place au premier plan le fait que l’architecture a avant tout partie liée avec le sensible, le créatif, l’humain et le social."
La pratique : "L’architecture est épicurienne"
"Nous attachons beaucoup d’importance à la notion d’'habiter' qui n’est pas seulement propre à l’habitat. La question est de produire autour de chacun un espace le plus généreux, le plus accessible, le plus confortable. Un espace où se noue la relation avec la lumière, le climat, les ambiances. C’est pourquoi nous pensons que l’architecture doit s’inventer de l’intérieur vers l’extérieur : de l’espace individuel jusqu’à la fabrique de la ville, sans discontinuité. L’élément commun c’est la personne. La petite échelle a autant d’importance que la grande. Le projet est un aller-retour permanent entre ces échelles. Notre manière de travailler repose sur la discussion et l’échange : d’abord qualifier chaque espace, puis définir les relations entre eux. La représentation vient ensuite, pour ne pas figer le projet. Aujourd’hui la feuille vierge n’existe plus : l’environnement est construit. C’est le point de départ. Ensuite, on enrichit, on simplifie, etc. L’objectif est de créer des espaces généreux. Ce qui pose la question de l’usage : le confort, c’est ne pas être tout le temps contraint, pouvoir se déplacer facilement, regarder au loin, etc. D’où l’effort pour donner davantage, pour dilater l’espace, quand les budgets le réduisent. L’enjeu actuel pour l’ingénierie est de réfléchir, à budget donné, à la manière de faire le maximum. Le challenge est désormais économique : comment produire plus avec moins ? Mais rien ne pousse dans ce sens, il y a toujours une tendance à suréquiper, favorisée par les normes et l’application mécanique des standards. Dans les projets, nous sommes souvent en divergence avec les bureaux d’études sur ces questions. Nous réfléchissons avant tout au climat, au soleil, aux ambiances intérieures en relation avec l’extérieur. L’architecture est épicurienne : elle attrape ce qui passe à sa portée pour en tirer parti."
Propos recueillis par Jacques-Franck Degioanni et Milena Chessa
Retrouvez l'intégralité de cet entretien dans l'hebdomadaire "Le Moniteur des Travaux Publics et du Bâtiment" daté du vendredi 21 novembre 2008, pages 78-81.
Dans nos images d'archives…
Fin de chantier à l'école d'architecture de Nantes (Portfolio 2008)
Grand Prix national de l'architecture 2008 : l'allocution des lauréats (Vidéo 2008)
Le Pôle universitaire de gestion à Bordeaux, signé Lacaton et Vassal (Vidéo 2006)