Equipement public : la maison commune est un village

Selon un proverbe africain, « il faut tout un village pour élever un enfant ». De même qu'il en faut un pour, toutes générations confondues, s'entraider, faire de la musique, danser, s'initier à internet, transmettre une culture, réparer ce qui peut l'être, façonner de la dentelle de papier… Désigné pour bâtir le centre associatif capable d'accueillir autant d'activités dans le quartier du Blosne, au sud de Rennes (Ille-et-Vilaine), l'architecte Antonio Virga n'a pas seulement imaginé une maison commune. Il lui a donné la silhouette d'un village. Son bâtiment se fragmente en cinq volumes aux allures de petits pavillons à toiture à deux pentes, posés sur un socle. Il dégage ce caractère aimable qui participe sans doute du succès du lieu, depuis son ouverture en septembre dernier.

Fin 2017, la municipalité de Rennes avait lancé un concours pour doter ce quartier prioritaire de la politique de la ville de l'équipement qui lui manquait. L'opération menée dans le cadre de la rénovation urbaine du Blosne visait à réunir des activités alors éparpillées dans des pieds de tours de logements des années 1960-1970. « Nous voulions que le futur centre ait une architecture identifiable, qu'il devienne un repère », explique Loïc Zambelli, conducteur d'opérations à la direction des projets d'équipements publics de la Ville et de la métropole.

Architecture attentionnée. L'architecte Antonio Virga avait aussi identifié le besoin de « retrouver une échelle plus humaine dans cet environnement plutôt froid. Et comme la parcelle était assez longue et étroite, il fallait éviter de créer comme une petite barre. Recourir à l'archétype de la maison a permis de donner un côté familier au bâtiment. » Cette architecture attentionnée cultive en outre une égale politesse avec tout le quartier, en ne présentant que des façades impeccables. Jusqu'aux pans des toitures, visibles depuis les immeubles voisins, tout est soigné.

Mais si les formes sont iconiques, le bâtiment parvient à éviter le piège du pittoresque et tire notamment son élégance de la sobriété des matériaux et des teintes. Le rez-de-chaussée est un élément d'unité avec ses volumes en béton, organisés autour de deux patios. Côté est, la façade généreusement vitrée laisse à la vue de toutes ces petites cours, mais aussi l'animation qui règne dans le hall ou la grande salle des familles et sa cuisine attenante.

Les étages supérieurs sont abrités dans les cinq maisonnettes revêtues de douglas ou d'une tôle d'aluminium plissée. L'alternance des matières sur les pans et les pignons, la position des ouvertures ou l'orientation différente des pentes de toiture donnent une légère impression d'aléatoire… que vient contredire l'organisation très rationnelle des espaces intérieurs. Les locaux sont ainsi disposés selon un plan en peigne et s'alignent sur l'axe de circulation intérieure qui s'étire sur la longueur de la façade ouest. Une simplicité d'autant plus utile que « le flux des utilisateurs est permanent. Ce lieu est une véritable ruche », souligne Gabriel Biau, directeur d'une association résidente, la Maison des Squares, qui est en charge de la gestion du centre.

Chacun doit ainsi trouver le chemin de la salle qui lui est destinée : la crèche ou l'accueil des enfants plus grands, les studios de musique, l'espace de danse ou un simple bureau. Mais dans ce lieu ouvert à de multiples organisations, on doit aussi pouvoir aller et venir au gré des envies. Le hall, avec sa cafétéria, est un lieu de croisements. « Quant aux enfants, ils s'éparpillent partout. Le bâtiment est à eux », constate Gabriel Biau, qui a déjà mesuré un effet inattendu de la création de l'équipement : « En plus des adhérents des associations, issus de milieux précaires, il attire de nouvelles personnes, un peu plus aisées. Cela crée une plus grande diversité sociale. »