A devoir agrandir une crèche pour la Ville de la Bourboule (Puy-de-Dôme), l'atelier d'architecture Récita s'est frotté à l'exercice stimulant de réinterpréter une interprétation. Le bâtiment qui demandait à être étendu, sous ses airs de ferme traditionnelle, est une pure invention du XIXe siècle. Il appartient aux pavillons pittoresques du parc Fenestre, ce grand jardin à l'anglaise créé à partir de 1874 dans la station thermale pour offrir un lieu de promenade et de divertissement aux curistes. La construction, bâtie tout en pierre, depuis ses murs jusqu'aux écailles de lauze du toit, a d'abord abrité un salon de thé. Et si désormais le rez-de-chaussée reste destiné à la restauration, l'étage est occupé par un équipement d'accueil pour la petite enfance.
Lorsque la commune lance son appel d'offres, l'ambition du maire, François Constantin, est claire : il ne faut pas être médiocre. « Ce n'est pas qu'une démarche esthétique mais politique, au sens noble du terme, raconte aujourd'hui l'élu. La Bourboule est riche d'une grande variété d'architectures préservées. Installer une construction nouvelle nécessitait d'en tenir compte. » Y compris sur un projet d'envergure modeste. Ce vœu de qualité a été exaucé par l'extension et le petit kiosque voisin, livrés en octobre 2022 par l'agence d'architecture lyonnaise. Fondée quatre ans auparavant seulement par Christophe Desvignes et Luc Pigeon, Récita a été lauréate en 2020 du palmarès des Albums des jeunes architectes et paysagistes (Ajap), porté par le ministère de la Culture.
Suggérer plutôt que dupliquer. Réalisée dans le prolongement de la fausse ferme, l'adjonction de 160 m² SP a permis d'agrandir à la fois la crèche et le restaurant tout en respectant quelques codes de départ. Le nouveau volume cultive une même allure paysanne avec sa toiture à double pente, également couverte de lauze. Mais pour ne pas tomber dans le pastiche du pastiche, les architectes ont suggéré plutôt que dupliqué. Et ont veillé à épurer leur projet. A l'appareillage de moëllons du XIXe siècle répondent les variations de couleurs d'un béton de site coulé en lits successifs de 70 cm et dont la finition sablée a achevé de lui donner un aspect rustique. Préfabriqués en béton teinté dans la masse, les linteaux rappellent, eux, l'anthracite des pierres de basalte voisines.
De la mise en œuvre précise des maçonneries au détail de découpe des chéneaux, tout apparaît finement réglé et maîtrisé. L'ensemble est en effet le résultat d'une démarche spécifique. « Nous défendons l'idée de purger au maximum nos bâtiments des produits de catalogue qui finissent par créer des édifices génériques, explique Christophe Desvignes. A La Bourboule, nous avons réussi à pousser cette logique très loin : presque tous les éléments constitutifs du bâtiment ont fait l'objet d'une transformation sur le chantier. » Les savoir-faire, eux aussi, ont été trouvés sur place. L'entreprise Chandeze, chargée du gros œuvre et notamment de la réalisation du béton de site, est établie au sud de Clermont-Ferrand, et Adrien Roulet, le serrurier, à la Bourboule. Trouver de la lauze, alors qu'il n'en est plus produit depuis que les carrières ont fermé, représentait sans doute le défi du chantier. Ce travail a été confié à PHN, un ardoisier-couvreur du Cantal qui s'est fait une spécialité de ce type de toitures. Il avait récupéré la matière nécessaire sur une grange effondrée.
