Les deux piliers du droit de l’environnement - l’étude d’impact et l’enquête publique – seront concernés par les réformes législatives en cours. Dans le projet de loi Macron, l’article 28, supprimé en commission spéciale du Sénat, a été réintroduit par la chambre haute pour habiliter le gouvernement à légiférer par voie d’ordonnance. Son champ a été réduit à la réforme du droit de l'urbanisme pour accélérer les projets de construction et à la simplification des règles applicables à l’évaluation environnementale des plans, programmes et projets. La participation du public n’en fait plus partie. Reste à voir les modifications qui seront opérées sur le texte en commission mixte paritaire.
Parallèlement, le projet de loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages annoncerait « l’évaluation environnementale de demain », selon Maître Gossement, spécialiste du droit de l’environnement, qui s'exprimait à l’occasion d’un petit déjeuner à Paris le 16 avril. « Cette dernière devra notamment décrire les interactions entre les écosystèmes et les services rendus par eux », explique-t-il lors d’un petit déjeuner consacré au sujet le 16 avril à Paris. Par ailleurs, le projet de texte intègre dans les principes fondamentaux du droit de l’environnement (art. L. 110-1 du Code de l’environnement), le triptyque « Eviter, Réduire, Compenser ». Le spécialiste rappelle qu’ « avant de compenser des atteintes à la biodiversité occasionnées par la réalisation d’un projet, le maître d’ouvrage devra prouver qu’il lui a été impossible d’éviter et de réduire les nuisances ». D’ailleurs, le maître d’ouvrage pourra déléguer, contrairement à aujourd’hui, l’exécution de mesures compensatoires à un opérateur spécialisé.
Prévisions sur le vecteur pour porter les réformes
Arnaud Gossement a identifié quatre vecteurs pouvant porter, d’ici à la fin de l’année, les réformes relatives à l’étude d’impact et à la participation du public. Ces dernières pourront passer soit « par des ordonnances gouvernementales prises sur le fondement du projet de loi Macron, malgré l’opposition de nombreux acteurs à cette méthode. Soit dans le cadre du projet de loi biodiversité par des amendements - mais encore faut-il que celui-ci trouve une place dans le calendrier parlementaire ». Il n’est pas non plus exclu que les réformes soient portées par une proposition de loi, « des députés en prépareraient une actuellement », selon l’avocat. Autre possibilité évoquée : « La présentation par le gouvernement d’un nouveau projet de loi, mais cette option reste peu probable au regard de l’engorgement du Parlement et des élections régionales en 2016 ». En attendant les réformes, l’avocat a adressé aux maîtres d’ouvrage publics et privés divers conseils quant à l’élaboration de l’étude d’impact de leur projet.
Etude d’impact : conseils aux maîtres d’ouvrage
Pour rappel, l’étude d’impact doit décrire le projet, son opportunité et ses effets ; analyser l’état initial de la zone et des milieux ; présenter les mesures de réparation, les actions de suivi et la méthode d’évaluation environnementale. Dans l’étude de l’opportunité du projet contenue dans l’évaluation environnementale, il est recommandé au maître d’ouvrage d’indiquer toutes les options qui ont été envisagées pour la réalisation de son projet. « Au risque sinon de faire tomber l’étude d’impact s’il est avéré par la suite que d’autres solutions examinées n’y ont pas été décrites », alerte Arnaud Gossement.
Par ailleurs, il constate que « dans l’étude des effets du projet, les maîtres d’ouvrage n’abordent pas toujours les effets du chantier, alors que dans un projet de construction c’est la phase de travaux qui gêne le plus ». Il convient donc d’analyser pour le chantier ses effets négatifs et positifs, directs et indirects, temporaires et permanents, à court, moyen et long terme, notamment sur la consommation énergétique, le voisinage, l’hygiène, la santé, la sécurité et l'interaction de ces effets entre eux. Cela est d’autant plus nécessaire qu’il est, en principe, interdit de produire des compléments à l’étude d’impact après consultation du public (CAA Bordeaux, 30 juillet 2010, n° 09BX02233) - sauf en cas de modification non substantielle. Le maître d’ouvrage souhaitant compléter son étude d’impact, peut demander la suspension de l’enquête publique pour six mois tout au plus (art. L. 123-14-I du Code de l’environnement). « Rarement utilisée, la suspension est pourtant un moyen pour les maîtres d’ouvrage de purger les éventuelles irrégularités présentes dans l’étude d’impact », rapporte Maitre Gossement. Pour certains acteurs présents à la matinée, « la suspension rallongeant les délais, elle n’est pas utilisée pour des questions politiques et financières ». Après l’enquête publique, si le commissaire-enquêteur interroge le maître d’ouvrage, il doit être vigilant à ne pas communiquer de nouvelles informations par rapport à l’étude d’impact fournie.
Autre constat : peu de maîtres d’ouvrage font apparaître les modalités de suivi des mesures de réparation dans l’étude d’impact alors que souvent, dans les faits, ils en prévoient. « Ces mesures ne sont pas forcément coûteuses, mais permettent de rassurer les riverains et de rendre plus lisse le projet », remarque Arnaud Gossement. Par ailleurs, il rappelle que dans la présentation de la méthode de l’étude d’impact, « le maître d’ouvrage peut dresser les éventuelles difficultés techniques rencontrées pour évaluer l’impact du projet ». Le manque de connaissances scientifiques sur un domaine concerné par le projet par exemple, permet de justifier les limites de l’étude d’impact par des raisons non imputables au maître d’ouvrage. Enfin, ce dernier doit garder à l’esprit « que l’étude d’impact, dès lors qu’elle est transmise à l’administration, devient communicable à tous » (Cada, 8 juillet 2010, n° 20102825).