Franchissement : de l'inédit sur la Garonne

Le pont Simone-Veil, entre Bordeaux-Bègles et Floirac (Gironde), a été pensé pour faire corps avec les ZAC Bastide-Niel, Bassins à Flot, ainsi que l'OIN Bordeaux Euratlantique. Il s'insère dans la continuité du boulevard Jean-Jacques-Bosc pour rejoindre l'autre rive, comme s'il se développait sur 900 m - pour 549 m de structure -, avec la création d'un parc à chacune de ses extrémités : 6,8 ha rive gauche et 5,2 ha rive droite. Si le projet repose sur une apparente simplicité, l'innovation et les techniques mises en œuvre relèvent, elles, de l'exception.

Les débuts ont été assez laborieux. Un contentieux entre le constructeur et le maître d'ouvrage a retardé la livraison de quatre ans. En 2018, le constructeur initial, Razel-Bec (Groupe Fayat), avait demandé à la métropole de Bordeaux, maître d'ouvrage, une enveloppe de 18 millions d'euros supplémentaires afin de consolider les batardeaux provisoires, en raison du risque d'affouillement. Le refus de la collectivité a entraîné l'interruption des travaux en juin de la même année et la rupture du marché. Les opérations ne redémarreront qu'en avril 2021 grâce à une proposition technique de Bouygues TP Régions France pour réaliser les fûts des piles sans avoir recours à des batardeaux. A leur place, des caissons métalliques de 6 x 7 m de côté et hauts de 12 m ont été élaborés. « Le caisson étanche présente un fond percé afin de laisser passer un pieu de 2,5 m de diamètre. Solidaire de ce dernier, il présente donc la particularité de s'arrêter au-dessus du sol. Il peut alors être entièrement vidangé afin de réaliser les quatre fûts en béton qui constituent une pile », détaille Kevin de Quelen, responsable travaux adjoint du bureau d'études Egis. Grâce à ce dispositif, les huit piles ont pu être réalisées entre avril 2021 et décembre 2022.

A partir de mars 2022, les piles surmontées d'un chevêtre ont accueilli la charpente métallique, constituée de 34 poutres de 29 et 35 m de long et d'une centaine d'entretoises, qui ont été assemblées sur le chantier au fur et à mesure des 24 lancements, jusqu'en avril 2023. Ces 5 820 t d'acier forment ainsi deux bipoutres lancées à partir de la rive droite. « Une opération exceptionnelle par sa cadence », note Marie-Laure Guillaume, responsable du projet pour Baudin Chateauneuf, qui a réalisé la charpente. La dernière étape, démarrée fin avril, consiste à couler 25 000 m3 de béton sur les huit prochains mois. Une opération réalisée à l'aide d'équipages mobiles et de coffrages glissants par plot de 16 m de long sur une moitié de la largeur du tablier.

Mise en service en juin 2024. Les premiers aménagements des abords du pont ont quant à eux démarré fin février. Le cadencement du chantier et la superposition des opérations doivent garantir une mise en service pour juin 2024. Ce n'est qu'à ce moment-là que les concepteurs pourront vérifier les usages qu'ils ont imaginés, puisqu'il s'agissait, comme le rappelle Gilles Guyot, architecte à l'agence OMA, maître d'œuvre, « de réaliser un objet urbain posé sur la Garonne, avec un aspect social fort : ce qui nous intéresse, c'est ce qu'il se passera dessus, pas le pont en tant que tel ». Les 45 m de large pour 549 m de long laisseront une place importante aux piétons (15 m), ainsi qu'aux transports en commun. Même le mobilier urbain a été pensé pour être modulable afin d'y accueillir des événements variés.