La filière pompes à chaleur (PAC) a connu de très belles années. Comment l’année 2023 se dessine-t-elle ?
Le marché est atone depuis le début de l’année. La suppression du bonus en cas de remplacement d’une chaudière fioul par une PAC air-eau a eu un fort impact sur les ventes, qui ont fléchi de 5 % au premier semestre 2023 par rapport à la même période en 2022. Le marché de la PAC air-air s’est mieux comporté, avec une hausse de 20 %, mais qui fait suite à une chute de 18 % en 2022. Le contexte économique, l’inflation, les arbitrages des ménages notamment en faveur des congés pèsent sur notre activité. Cela vaut d’ailleurs pour tous les générateurs de chauffage, comme en attestent les chiffres d’Uniclima, qui font état de 90 000 générateurs de moins vendus au premier semestre 2023 par rapport au premier semestre 2022. Ce sont autant d’anciens générateurs peu performants qui restent en service, et contribuent aux émissions de gaz à effet de serre.
L’évolution des aides annoncée pour 2024, avec la création d’un pilier Performance pour porter la rénovation globale, vous inquiète-t-elle ?
C’est pour nous un vrai problème. Je comprends le sens d’un fléchage sur la rénovation globale, mais la mise en œuvre paraît extrêmement difficile. Il faudra mobiliser des capacités d’accompagnement et de financement très importantes, pour des projets entre 40 000 et 70 000 € ! Depuis quatre ans, MaPrimeRénov’ a accéléré la décarbonation des usages. La tendance risque de s’inverser si, comme le prévoit le dispositif actuel, le système de chauffage n’est pas obligatoirement intégré dans la rénovation globale.
Nous préconisons un système qui puisse aider le remplacement du système de chauffage notamment en cas de panne, y compris dans les logements F et G. L’isolation peut être faite ensuite. L’Afpac a démontré que le système de régulation modulaire d’une pompe à chaleur permettait son adaptation à une isolation ultérieure du bâtiment.
Sur le salon Rénodays, début septembre, la ministre à la Transition énergétique Agnès Pannier-Runacher a interrogé la capacité de l’industrie à produire des pompes à chaleur en France. Est-ce un enjeu ?
C’est un vœu des Pouvoirs publics, et nous y travaillons ensemble. La France fait face à la concurrence de pays européens, notamment la Pologne, la Slovaquie et la République tchèque. Notre pays se met en ordre de bataille pour attirer des investissements. Chaque industriel choisira selon ses objectifs stratégiques.
Pour notre filière, le besoin est évident de revaloriser l’attractivité de ces métiers. Il nous faut attirer des talents, les former, développer les reconversions professionnels. Les objectifs français et européens ambitieux de développement des ENR nécessiteront 40 000 emplois supplémentaires en France dans les années qui viennent, dans l’industrie mais aussi dans l’installation et la maintenance.
Le développement de l’éco-délinquance, avec les contre-références qu’il crée autour des pompes à chaleur, vous inquiète-t-il ?
Il faut s’en préoccuper. Selon les chiffres du Gouvernement, cela concerne moins de 2 % des installations, mais certains de nos concitoyens sont en détresse. L’Afpac véhicule ses dix commandements pour une bonne installation, mais nous n’avons pas forcément les moyens de toucher le grand public. Sur Rénodays, Agnès Pannier-Runacher a annoncé vouloir s’emparer du sujet, et c’est une très bonne chose.
Des investissements lourds et des rapprochements d’acteurs (notamment Carrier et Viessmann) ont été annoncés récemment sur le marché de la PAC. La taille devient-elle un enjeu ?
Malgré le freinage récent, le marché est structurellement en croissance. La PAC s’impose comme une des solutions de décarbonation du chauffage et de l’eau chaude sanitaire. La France veut d’ailleurs atteindre un million d’appareils installés par an d’ici 2030. Il faudra nécessairement augmenter la production. La massification devrait permettre à terme de réduire les coûts, et donc les prix pour les ménages.
Un mot des fluides frigorigènes. Le calendrier réglementaire européen s’accélère. La séquence vous inquiète-t-elle ?
La révision du règlement F-Gaz est en cours. Nous en saurons plus d’ici la fin de l’année. La volonté européenne est de sortir rapidement des fluides HFC. Nous comprenons l’enjeu, mais un calendrier trop rapide comporte plusieurs risques. Il ne faudrait pas installer une obsolescence programmée des produits installés en ce moment, qui ont une durée de vie de 15 à 20 ans et qui devraient être remplacés dès 2027 si les HFC sortaient aussi rapidement du circuit. Il faut également tenir compte du temps de développement des nouveaux produits. Mettre au point un nouveau compresseur nécessite trois à cinq ans !
Enfin, il faut bien prendre en compte tous les sujets liés à la généralisation du propane dès 2027. Ce fluide est hautement inflammable. Ce risque peut être maîtrisé avec un appareil monobloc installé en extérieur, mais la mise en œuvre d’unités à l’intérieur du bâtiment pose problème. Il faudra pour installer ces pompes à chaleur une main-d’œuvre beaucoup plus qualifiée et un matériel adapté, notamment des vêtements anti-électrostatiques. Ceci pourrait venir renchérir le coût de l’installation, faisant perdre le bénéfice des économies d’échelle industrielles !