Dans le village d'Avrieux (Savoie), près de Modane, un groupement mené par Vinci Construction Grands Projets creuse quatre puits de 500 m de profondeur destinés à la ventilation et au désenfumage du futur tunnel du Lyon-Turin. Une gageure pour laquelle le groupement a adopté la technique du raise-boring. Celle-ci consiste à percer d'abord un trou pilote d'une quarantaine de centimètres de diamètre puis, une fois le train de tiges arrivé dans la chambre de pied de puits, à y adapter une roue d'alésage au diamètre définitif de l'ouvrage qui, en remontant, lui donnera ses dimensions finales.
Mais en 2023, des cavités sont découvertes sur les trois puits déjà forés, à environ 350 m sous terre. « Le massif comporte des fracturations qui, à cette profondeur, sont subverticales, c'est-à-dire quasiment parallèles aux puits. Fragilisée, la roche s'est détachée en blocs entre la phase de creusement et celle de soutènement, alors que la paroi était nue », explique Emmanuel Humbert, directeur chargé de la construction France chez Telt, le maître d'ouvrage. Des drones et des caméras confirment les surexcavations. Il faut donc reconstituer ces zones afin de pouvoir mettre en place l'étanchéité et le revêtement des puits. Comment intervenir à une telle profondeur sur un puits vertical qui présente un risque de chute de blocs ? « Il fallait, d'un côté, reconstituer la cavité et, de l'autre, le faire dans des conditions de sécurité optimales », résume Emmanuel Humbert.
Robot télécommandé. C'est ce qui a guidé les équipes dans leur choix d'un robot télécommandé doté d'un bras articulé lui permettant de recouvrir les cavités de béton projeté, « une technique très courante en travaux souterrains mais qui présente ici la difficulté d'une grande profondeur et d'un accès difficile », relève le directeur construction France de Telt. Le groupement a ainsi mis au point un prototype de robot autonome, piloté depuis la surface. Suspendu par des câbles qui lui fournissent l'électricité et les calculs dont il a besoin, l'engin est stabilisé par des patins qui viennent s'appuyer contre les parois du puits. Il est équipé de caméras qui guident l'opérateur en charge de le manœuvrer.
Mais une autre difficulté oblige à faire preuve de créativité. Car s'il est courant de projeter du béton, celui-ci ne parcourt généralement que quelques dizaines de mètres depuis son camion-toupie. Or il faut ici lui faire descendre un tuyau jusqu'au point de mise en œuvre. « Sur une telle distance, le béton se ségrègue, c'est-à-dire que les matériaux fins et les matériaux granuleux, dont la densité diffère, se séparent lors de la descente, ce qui le rend inutilisable à l'arrivée », décrit Emmanuel Humbert. Les équipes ont donc créé une « voie diluée », alternative aux techniques courantes de projection du béton que sont la voie sèche et la voie mouillée et dans laquelle de l'air comprimé vient créer un mouvement qui pousse le matériau. La formulation du béton a dû être adaptée. « Nous avions des exigences de viscosité, de maniabilité et de résistance très élevée à très court terme pour lui permettre de descendre rapidement sans se décomposer mais aussi d'adhérer à la paroi et de se solidifier promptement », indique Emmanuel Humbert. Et de préciser : « Il s'agit plutôt d'un mortier comportant des éléments granulaires. »
Couche de soutènement. La nouvelle formulation a permis au robot de remplir sa mission sur le premier puits en deux mois avant d'entamer le confortement du deuxième où il devrait achever son intervention d'ici la fin de l'année. Et puisqu'elle a fait ses preuves, elle servira à réaliser la couche de soutènement du quatrième puits qui est en cours de creusement. « Habituellement, le soutènement, composé d'une couche de béton projeté et de boulons d'ancrage, est mis en place par des opérateurs sur une plateforme. Nous allons utiliser le robot pour réaliser la première couche de béton projeté immédiatement après l'excavation afin de renforcer encore la sécurité des équipes qui viendront placer les boulons », détaille
Emmanuel Humbert. A quelque chose malheur est bon.



Informations techniques
Maîtrise d'ouvrage : Telt.
Maîtrise d'œuvre : Egis/Alpina.
Groupement d'entreprises : Lyto, composé de Vinci Construction Grands Projets (mandataire), Dodin Campenon Bernard, Campenon Bernard Centre-Est, Webuild.
Raise-boring : Master Drilling Europe.