Sous terre et en l'air, le métro toulousain se joue des écueils

A Toulouse, le prolongement de la ligne B aligne un tunnel et un viaduc, deux ouvrages qui ont dû affronter un large éventail de défis.

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Au sud-est de Toulouse (Haute-Garonne), les travaux de génie civil de la connexion de la ligne B du métro (CLB) s'achèveront à la fin du premier trimestre. Ce prolongement sur 2,7 km vient ainsi à la rencontre de la ligne C, en construction. Si le linéaire est plus modeste que les 27 km de la troisième ligne, la CLB offre un véritable florilège de complexités : « Des travaux souterrains menés au tunnelier, des travaux maritimes, un viaduc posé à la poutre de lancement, un franchissement autoroutier… », liste Cyril Ladier, chef de projet au sein de Tisséo Ingénierie qui en assure la maîtrise d'ouvrage déléguée. Revue de détail.

La CLB démarre sous terre, à la station Ramonville, terminus actuel de la ligne. « Le tracé de la section souterraine est dicté par des contraintes fortes car elle doit passer sous le canal du Midi, inscrit au patrimoine mondial de l'Unesco, et les pentes et rampes atteignent 8 %, soit le maximum que peut accepter un train sur pneus », explique Dominique Aubron, directeur de travaux chez Arcadis, mandataire du groupement de maîtrise d'œuvre. Et ce n'est pas tout, car entre le canal et le tunnel cheminent des réseaux d'eaux usées et d'eaux pluviales dont il fallait préserver la stabilité. Les équipes ont donc choisi de creuser deux tunnels mono-tubes affichant chacun 5,30 m de diamètre extérieur plutôt qu'un seul tunnel de plus gros diamètre comme c'est le cas pour la ligne C.

Bras d'abattage. Le tunnelier Clémence-Isaure a donc percé deux galeries parallèles de 250 m. Construit en 2003 par Bessac dans son usine de Saint-Jory, non loin du chantier, l'engin a déjà creusé la ligne B du métro toulousain et un réseau d'eau à Bruxelles. Pour la CLB, il a été entièrement démonté, vérifié et modernisé. Clémence-Isaure est un tunnelier à attaque ponctuelle à air comprimé, c'est-à-dire que l'avant de la machine entame le sous-sol avec un bras d'abattage qui tourne à 360 degrés. « Ce type d'engin permet de voir en permanence le front de taille, ce qui en fait un outil très adapté aux passages délicats », explique Augustin Morando, directeur de projet chez Bessac. L'engin est aussi beaucoup plus compact que ceux à roue de coupe : avec son bouclier de 9 m et son train suiveur de 30 m, il convient parfaitement aux tirs courts. Le long de son parcours, la machine a posé des voussoirs en béton à teneur en carbone fortement réduite grâce à la solution Exegy de Vinci : 55 % du clinker a été remplacé par un mélange de métakaolin provenant de l'usine Argeco de Fumel (Lot-et-Garonne) et de fillers. Les pièces, réalisées par l'entreprise Prega, à Labège, à deux pas du site, ont ensuite été coulées dans des moules de réemploi de Bessac.

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Poutre de lancement. A sa sortie, le tunnel se transforme en un viaduc de 2,2 km à double puis à simple voie qui enjambe l'A620, l'A61, la RD 916 et le lac de la Justice. D'une hauteur comprise entre 6 et 10 m, c'est un ouvrage à caisson en béton précontraint composé de voussoirs préfabriqués posés à la poutre et associé à un tablier bipoutre mixte pour la section qui enjambe les voies. Un total de 59 piles, dont sept appuis nautiquessoutiennent l'ouvrage. « Nous avons optimisé la longueur des travées à 40 m, ce qui a permis de réduire le nombre de piles de 25 % par rapport aux études préliminaires », souligne Dominique Aubron d'Arcadis qui remarque que chaque appui est un chantier en soi dans ce milieu urbain ou périurbain. Les piles terrestres ont été livrées à raison d'un appui par semaine grâce à deux outils de coffrage travaillant simultanément. « Ce sont des dispositifs spécifiques au chantier, pensés pour bétonner le chevêtre et le fût en une seule fois puis pour être déplacés facilement d'un appui à l'autre », explique Mathieu Bouxaguet, directeur de projet pour Demathieu Bard, mandataire du groupement d'entreprises du lot n° 1. Les voussoirs constituant le tablier du viaduc ont ensuite été posés par une poutre de lancement, gigantesque machine de 105 m de long, puis assemblés par des câbles de précontrainte. L'ouvrage particulier de 250 m qui survole les voies rapides, lui, a été lancé de pile en pile en trois phases, de nuit et sous coupure de circulation. Le lanceur a aujourd'hui fini sa tâche et laissera la place au premier trimestre aux travaux d'équipement ferroviaire.

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Travaux fluviaux : des coques suspendues pour monter les piles

Pour mettre en place les sept appuis sur lesquels le viaduc de la CLB traverse le lac de la Justice avant de rejoindre le terminus de la ligne, la maîtrise d'œuvre a préféré éviter les batardeaux en raison de la dureté des sols et de la profondeur du lac.

Les piles ont donc été fondées sur pieux surmontés d'une semelle de liaison immergée sous la surface du lac et réalisée grâce à des coques en béton préfabriquées suspendues aux pieux.

« Nous avons d'abord réalisé les pieux forés tubés de 1,20 m de diamètre auxquels nous avons suspendu des coques préfabriquées à 2,50 m sous l'eau », précise Mathieu Bouxaguet, directeur de projet pour Demathieu Bard, mandataire du groupement d'entreprises du lot n° 1. Les équipes ont ensuite pu travailler à l'intérieur de ces coques qui ont servi de coffrage perdu. Leur étanchéité a été assurée par des joints gonflables dilatés une fois la coque en position. Une solution qui s'est avérée efficace dans les trois quarts des cas, les autres joints ayant été mis en place par des plongeurs lors d'une seconde phase.

Le ferraillage et le bétonnage des piles ont été réalisés depuis des ponts flottants. « L'opération a nécessité des moyens nautiques importants : une estacade de chargement nous offrait un point de levage pour les coques, puis les voussoirs, et nous avons créé une rampe d'accès afin de descendre les toupies et la pompe à béton sur les ponts flottants pour bétonner les piles au milieu du lac », détaille Mathieu Bouxaguet.

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Confortement : un remblai et des injections

Passer sous le canal du Midi n'était pas sans risque car le tunnel, dont la profondeur maximale est de 12 m, évolue dans les couches supérieures du sol, les plus friables. « Les coupes géologiques ont mis en évidence des poches de sables grossiers qui pouvaient présenter un risque d'instabilité pour le réseau existant sous le canal lors du creusement du tunnel », explique Dominique Aubron, directeur de travaux chez Arcadis, mandataire du groupement de maîtrise d'œuvre.

« Sans compter que la nappe phréatique, peu profonde, est partout présente et le tunnel passe à travers », ajoute Cyril Ladier, chef de projet au sein de Tisséo Ingénierie, maître d'ouvrage délégué.

Pour sécuriser le passage des deux tubes le creusement des deux tubes et assurer la stabilité des réseaux, Bessac, mandataire du groupement d'entreprises du lot n° 2, a donc mis en place sur le canal un remblai de 1 000 m3 pour créer un batardeau provisoire. Puis, deux plots ont été injectés à 15 m de profondeur, mettant en œuvre 70 m3 de coulis réalisé avec un ciment ultrafin : 12 microns.

« Les sables présents offraient des niveaux de perméabilité trop faibles pour laisser passer les produits traditionnels, ce qui imposait l'utilisation de ce type de ciment », explique Stéphane Gonichon, chef de produit international chez Eqiom dont l'usine de Lumbres (Pas-de-Calais) dispose d'un broyeur spécifique. Le renforcement a permis de créer un bloc stable et compact autorisant le passage du tunnelier. « C'est une réussite : nous avons recensé un déplacement de l'ordre du millimètre », se félicite Dominique Aubron.

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Informations technique

Maîtrise d'ouvrage : Tisséo Collectivités.

Maîtrise d'ouvrage déléguée : Tisséo Ingénierie.

Maîtrise d'œuvre : Arcadis (mandataire), Systra, OTCE, Séquences Architecture et Urbanisme (agence LD2A sous-traitant).

Groupements d'entreprises : Lot 1 (viaduc) : Demathieu Bard (mandataire), ETPO, MAS BTP et Matière, DEAL (lanceur). Lot 2 (tunnel) : Bessac (mandataire), GTM Sud-Ouest TP et Soletanche Bachy.

Début du chantier : mars 2023.

Mise en service : 2027. Coût des travaux : 249,3 M€ HT.

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