Il s'agit d'un projet pionnier en France sur une telle superficie. Dans l'Aube, l'Etablissement public d'aménagement et de gestion des eaux (Epage) de l'Armançon vient de procéder à la restauration hydrologique de la forêt de Rumilly-Chaource, au sud de Troyes. L'objectif principal de ce projet remarquable ? Renforcer la résilience écologique du milieu - une vaste zone humide, essentiellement forestière, de 24 km² - face au dérèglement climatique, en luttant en particulier contre le risque de sécheresse. Et ce, en mettant exclusivement en œuvre des solutions fondées sur la nature, à un coût maîtrisé.
Plus précisément, comme l'explique Matthias Alloux, chef de projet Gemapi pour l'Epage de l'Armançon, « le chantier - aujourd'hui achevé - poursuivait plusieurs buts : atténuer le stress hydrique sur le massif forestier afin d'en assurer l'exploitation sur le long terme ; réguler les crues en aval, la forêt de Rumilly-Chaource se situant en tête de bassin versant ; et améliorer l'état de la biodiversité endémique, le site faisant partie d'une zone naturelle d'intérêt écologique, faunistique et floristique. » Pour atteindre ce triple objectif, le maître d'ouvrage, également maître d'œuvre du projet et autorité en matière de gestion des milieux aquatiques, a décidé d'appliquer un seul et unique principe directeur : retenir l'eau sur place le plus longtemps et le plus naturellement possible, sans faire appel aux techniques usuelles de génie civil ni à une déferlante de moyens. De fait, seules deux pelles de 9 et 19 t ont été mobilisées pour ce chantier.
Création d'une grande retenue naturelle
Ce parti pris d'aménagement, frugal et respectueux des équilibres écologiques, s'est traduit par deux opérations d'envergure sur l'hydrosystème local : le reméandrage du Brévant, principal cours d'eau du massif, et la suppression d'un vaste système de drainage mis en place après-guerre. « A cette époque, rappelle Matthias Alloux, l'idée des aménageurs, et surtout des exploitants sylvicoles, était d'évacuer l'eau le plus vite possible afin de ne pas entraver la circulation des engins forestiers. Dans cette optique, le cours du Brévant avait été largement rectifié et environ 65 km de fossés drainants avaient été créés. » Dès lors, la restauration hydrologique de la forêt humide de Rumilly-Chaource, démarrée à l'automne 2023, a consisté à ralentir au maximum l'écoulement de l'eau de l'amont vers l'aval, pour créer ainsi une grande retenue naturelle de 90 000 m3 dans les sols du massif. Pour ce faire, l'Epage et l'entreprise de travaux publics bourguignonne Bongard-Bazot et Fils ont créé 150 méandres dans le lit du Brévant, sur une longueur de 8 km, « ce qui a ajouté 13 % de linéaire au chevelu hydrographique du secteur », précise le chef de projet.
Une autre intervention, et non des moindres, a consisté à neutraliser 50 km de fossés drainants. « Nous avons réalisé environ 2 300 bouchons en argile de 2 m de long, sur toute la hauteur du fossé, et ce tous les 15 à 20 m », détaille Matthias Alloux. En plus des bouchons, 1 600 redents ont également été implantés sur 24 km, essentiellement dans les fossés longeant les voiries forestières. « Moins hauts que les bouchons, les redents présentent l'avantage de freiner l'eau tout en évitant de provoquer des inondations localisées préjudiciables à la structure des voiries », poursuit le chef de projet. Tous ces éléments ont été réalisés grâce aux 13 000 m3 de déblais du chantier, sans apport de matériau.
Convention-cadre avec l'ONF
Enfin, dernière méthode pour retenir au maximum l'eau dans le massif forestier, des dalots ont été mis en place sur 18 ponts-cadres et buses. « Ces structures, qui peuvent être entièrement neuves ou simplement venir combler l'existant à l'aide de planches, permettent de réduire la section d'écoulement des ouvrages de 2 m² à 1 m², divisant par deux le débit de l'eau », indique Matthias Alloux. Dalots, redents, bouchons, méandres… Le chantier de restauration hydrologique de la forêt de Rumilly-Chaource étant exemplaire à bien des égards, l'Epage de l'Armançon travaille aujourd'hui sur une convention-cadre avec l'Office national des forêts, afin que ses principes constructifs à la fois bon marché et vertueux fassent florès.




Informations techniques
Maîtrise d'ouvrage et maîtrise d'œuvre : Epage de l'Armançon.
Entreprise de travaux : Bongard-Bazot et Fils.
Calendrier des travaux : d'octobre 2023 à avril 2025.
Budget : 300 000 euros TTC.