Dans le BTP, les intérimaires subissent 1,3 fois plus d’accidents graves et 1,9 fois plus d’accidents mortels que les salariés du secteur. Si cette sinistralité est en partie due aux tâches qui leur sont attribuées, un rapport publié fin octobre révèle de nombreuses autres causes.
Avec une major du secteur et une agence d’emploi volontaires, l’OPPBTP et l’Anact ont en effet mené une étude-action pour mieux comprendre les déterminants de cette accidentologie, qu'ils ont présentée le 5 novembre à l'occasion du salon Expoprotection. Il en ressort une fréquente inadéquation entre le profil de l’intérimaire et le besoin sur le chantier. Cela s’explique, entre autres, par une insuffisance caractérisation du besoin par l’entreprise utilisatrice (EU), sa mauvaise compréhension par l’agence d’emploi ou encore la pénurie de main d'œuvre qualifiée.
Des salariés intérimaires sur-engagés
Aussi, les conditions d’emplois et de travail sont davantage exigeantes pour les intérimaires. Cela est notamment dû à leur situation de précarité. Est constatée une forme de sur-engagement de leur part, dans l’espoir de se voir proposer un CDI par l’EU. Ils peuvent ainsi « être conduits à prendre des risques pour prouver leur valeur », lit-on dans l’étude. Ils peuvent aussi cacher aux médecins du travail leurs problèmes de santé ou d’éventuelles inaptitudes par crainte des restrictions médicales.
Troisième et dernier grand sujet : l’accueil et l’intégration de l’intérimaire. « Souvent, il n’est pas intégré à l’organisation mais mis à disposition du chef d’équipe », pointe Benoît Langard, responsable d'opération prévention de l’usure professionnelle à l'OPPBTP. « Ils ont souvent des EPI de premier prix, certes aux normes, mais moins confortables », ajoute-t-il.
A l’issue du diagnostic, les professionnels (directeur de travaux, directeur d’agence, intérimaires, conseiller prévention de l’OPPBTP, expert Anact…) ont proposé onze pistes de solutions, actuellement encore en cours d’expérimentation. Malheureusement, très peu de solutions concrètes ou consensuelles sont apparues pour améliorer les conditions d’emploi et de travail.
Choisir les entreprises de travail temporaire les plus vertueuses
Cependant, pour une meilleure adéquation entre le besoin et les profils retenus, il est proposé de baisser le nombre d’entreprises de travail temporaire avec lesquelles travailler, en choisissant les meilleures en matière de sécurité. La major qui a participé à l’étude a ainsi diminué de 67 % le nombre d’agences d’emploi à qui elle recourt.
Autre solution sur la table : que l’entreprise utilisatrice remplisse une fiche listant les principales compétences recherchées et que les permanents des agences d’emploi soient davantage formés aux métiers du BTP. Formaliser le rôle de chacun au sein de l’EU dans l’accueil des intérimaires et s’assurer que les modes opératoires leur ont été présentés sont aussi des solutions imaginées par les professionnels.
Par ailleurs, Entreprises Générales de France BTP a créé en 2017 le Passeport sécurité intérim (Pasi), qui se généralise progressivement depuis. « C’est une très grande avancée, mais qui comporte des limites techniques et pédagogiques », a remarqué Benoît Langard après avoir assisté à des sessions de formation en 2020. Nombre d’organismes sur le territoire insuffisant, formation très théorique, mais aussi non adaptée aux non-francophones... En revanche, les observations qu’il a pu faire en 2024, suite à la remontée de ses remarques auprès d’EGF sont « très encourageantes », positive-t-il.