« Investir en travaux publics est une arme anticrise formidable », Patrick Bernasconi, président de la Fédération nationale des travaux publics

⚠️ HTML Subscription Block Access Rights – IPD Block Test

L’assemblée générale de la Fédération nationale des travaux publics (FNTP) se tiendra le 3 avril. La conjoncture reste difficile avec une activité revenue à son niveau d’il y a dix ans. Le président, Patrick Bernasconi, identifie néanmoins quelques signaux positifs avec les annonces sur le Grand Paris et les prochains arbitrages sur le Schéma national des infrastructures de transport (Snit).

Réservé aux abonnés
Image d'illustration de l'article
Patrick Bernasconi, Président de la FNTP

Un cycle électoral défavorable Comment se portent les travaux publics en ce début d’année ?

Patrick Bernasconi : L’année 2013 n’a pas débuté sous les meilleurs auspices. Nous avons dû faire face à d’importantes intempéries, dont le nombre d’heures a presque quadruplé par rapport à la même période de 2012. Cumulées à la baisse d’activité, nous arrivons à une chute des heures travaillées de plus de 11 %. Globalement, les travaux réalisés enregistrent un repli de 8,8 % à un an d’écart.

Le faible niveau des carnets de commandes a-t-il incité les entrepreneurs à recourir davantage au chômage intempéries ?

Patrick Bernasconi : Il peut y avoir une tendance naturelle à le faire. D’autant que les entrées de commandes sont faibles. Elles s’inscrivent en baisse de 7,2 % par rapport au mois précédent et de 11,2 % par rapport à janvier 2012. L’an passé, le secteur est redescendu à son niveau d’activité d’il y a dix ans !

L’outil de production a-t-il été redimensionné en conséquence ?

Patrick Bernasconi : Malheureusement, il « s’adapte ». Nous avons subi 20 000 pertes d’emplois depuis le début de la crise, 3 000 sur l’année 2012, et nous prévoyons 5 000 nouvelles suppressions en 2013. Nous avons constaté, en outre, une diminution de 300 entreprises qui ont cessé leur activité travaux publics en 2012. Les chiffres de notre caisse de congés payés confirment cette tendance avec une baisse de 6 % de la masse salariale. Pour 2013, nous prévoyons une baisse de 2,5 % de notre chiffre d’affaires, et cela laisse présager une année 2014 encore pire. En effet, le cycle électoral fait que nous sommes généralement en recul lors des années qui suivent les élections municipales.

Les délais de paiement sont-ils source de préoccupations ?

Patrick Bernasconi : Plus que jamais ! Le comportement de nos donneurs d’ordre n’est pas toujours exemplaire. C’est pourquoi nous plaidons, avec nos confrères du bâtiment, pour plusieurs mesures : l’inclusion des délais de vérification de la maîtrise d’œuvre dans les délais de paiement, une application automatique des intérêts moratoires et la généralisation des avances dans les marchés, à commencer par ceux soumis au Code des marchés publics. Une avance de 20 % serait intéressante, moyennant que l’on réfléchisse à un transfert de propriété des fournitures au maître d’ouvrage. Nous exposerons bientôt nos demandes à Jean-Lou Blachier, le médiateur des marchés publics.

Vous avez dénoncé à plusieurs reprises l’usage détourné des Mapa, qui devenaient des enchères inversées. Notez-vous une amélioration ?

Patrick Bernasconi : Non, je dirais que les entreprises se sont adaptées à ce genre de pratiques. Et puis les prix ont tellement baissé qu’aujourd’hui, le seuil critique est atteint. Mais toute la profession est tirée vers le bas.

L’entreprise espagnole Comsa a remporté un lot du tramway de Toulouse. Est-ce un épiphénomène ou craignez-vous un effet de contagion ?

Patrick Bernasconi : Je pense que ça ne restera pas longtemps un cas isolé. Des entreprises espagnoles et italiennes sont présentes sur des marchés publics ou privés dans tout le sud de la France. Il est logique que ces entreprises viennent en France étant donné l’état du marché européen. Mais nous ne nous battons pas toujours à armes égales. Nous réclamons que ces entreprises paient leurs charges en France. Il faut régler le problème au niveau européen. D’autant qu’il n’y a pas de raisons pour qu’elles arrêtent leurs incursions en France. La réussite de quelques-unes pourrait avoir un effet boule de neige. Nous faisons face à un double discours de la part des élus. D’un côté, ils déclarent nous soutenir dans les difficultés que connaissent nos entreprises et, de l’autre, quand ils pourraient vraiment nous aider, ils pensent court terme et sautent sur l’occasion dès lors qu’ils peuvent économiser un million d’euros. Ceci au détriment de l’emploi local, alors qu’investir en travaux publics pourrait être une arme anticrise formidable sur le long terme. Sans courage politique, on n’avancera pas.

Compte tenu de ces perspectives moroses, les annonces gouvernementales concernant le Grand Paris doivent vous réjouir…

Patrick Bernasconi : C’est clairement positif. Les travaux devraient débuter en 2015 et les problématiques de financement ont été prises en compte. Au-delà de sa dimension transport, cet ambitieux projet est porteur d’une dimension sociale forte avec 10 000 emplois non délocalisables par an et 750 000 heures de formation continue supplémentaires.

Les arbitrages concernant le Schéma national des infrastructures de transport (Snit) sont pour bientôt. Qu’en attendez-vous ?

Patrick Bernasconi : Il faut souligner le caractère vertueux des travaux de la commission « Mobilité 21 ». La hiérarchisation et la programmation des projets du Snit étaient une demande forte de la FNTP. Il est nécessaire de pouvoir anticiper les grands travaux qui prendront le relais des grands chantiers de lignes à grande vitesse, qui doivent s’achever en 2016/2017. Sinon, nous risquons de nous retrouver pendant un à deux ans avec un trou d’air sur les grands projets. Une situation de « stop and go » que nous ne connaissons que trop bien. Cette commission devrait aussi apporter des éléments de réponses sur la modernisation de nos réseaux, qui doit, elle, s’inscrire dans la durée.

Le ministre délégué aux Transports, Frédéric Cuvillier, veut conclure avec les concessionnaires d’autoroutes un grand plan de relance des infrastructures de 2 à 3 milliards d’euros. Qu’en pensez-vous ?

Patrick Bernasconi : Nous sommes évidemment favorables à un plan de relance, car l’ensemble de nos entreprises a besoin d’activité aujourd’hui et plus encore demain. Financer ce plan par l’allongement des concessions d’autoroutes est une bonne idée. Nous sommes vigilants à la façon dont sa mise en place se dessine et discutons régulièrement avec l’Association des sociétés françaises d’autoroutes (Asfa).

Au début de l’année, la Fédération a lancé la campagne « On n’arrête pas le futur ». Quel bilan en tirez-vous ?

Patrick Bernasconi : Notre spot publicitaire télévisé a reçu un écho favorable au sein de la profession. Les entreprises se mobilisent maintenant pour donner un écho local à cette campagne nationale. Les stickers vont fleurir sur les véhicules d’entreprises, 60 000 ont déjà été commandés. Parallèlement, une quarantaine de débats sont programmés en région d’ici à juin. Il s’agit de sensibiliser les élus aux enjeux d’investissement. Le problème du financement des collectivités locales est derrière nous. Du court au très long terme, et quel que soit le montant, les besoins d’accès au crédit sont couverts. Nous devons le faire savoir aux collectivités locales. Tout comme nous devons insister sur la nécessité d’améliorer la qualité des équipements publics et le rôle clé des infrastructures dans l’attractivité et la compétitivité des territoires.

Vous souhaitiez lancer un observatoire de l’état des infrastructures. Où en est le projet ?

Patrick Bernasconi : Il progresse lentement. Il faut dire qu’il y a une certaine omerta sur l’état des infrastructures. Les informations ne sont pas confidentielles mais nous peinons à nous les procurer… Pour l’heure, nous allons créer un GIE qui rassemble la profession et les services du ministère de façon à réanimer et mieux piloter les cellules économiques régionales. Un tableau de bord va notamment être créé avec les données d’entretien du patrimoine.

Votre assemblée générale est axée sur l’acte III de la décentralisation. Quels sont les enjeux pour les travaux publics ?

Patrick Bernasconi : Nous attendons plusieurs mesures visant à permettre une clarification des compétences, la mise en place de chefs de file sur des projets, et une meilleure cohérence des circuits de financement avec, par exemple, la création de guichets uniques. Il y a un besoin de rationalisation et de plus d’efficacité. En effet, le lancement d’un projet est souvent ralenti du fait du trop grand nombre d’acteurs à réunir. Nous attendons aussi des réponses en termes de maîtrise d’œuvre, particulièrement dans le monde rural où il y a une carence depuis la disparition des DDE. Les maires de petites communes n’ont plus d’interlocuteurs pour les aider à définir leurs besoins, les appels d’offres sont mal faits et les budgets mal calibrés.

Cette réforme provoque-t-elle un attentisme de la part des collectivités ?

Patrick Bernasconi : Tant que l’acte III de la décentralisation n’est pas clarifié, cela crée un climat instable pour les collectivités. Ce n’est pas du tout favorable à l’investissement. Le fait que notre chiffre d’affaires et nos carnets de commandes soient en recul en est la preuve. Nous aimerions que des décisions soient prises rapidement.

Le département, qui est un gros donneur d’ordres, risque de perdre des prérogatives…

Patrick Bernasconi : Le sujet n’est pas là. Il y a besoin de faire des économies de fonctionnement. Qu’il y ait un échelon qui disparaisse ne serait pas forcément une mauvaise nouvelle. En revanche, il faut que les compétences soient reprises par d’autres. Il ne faut pas que la seule variable d’ajustement pour la réduction des déficits des collectivités locales soit l’investissement. A cet égard, à l’heure où le gouvernement va diminuer drastiquement ses dotations aux collectivités locales, nous attendons de sa part qu’il envoie aux collectivités un signal positif pour qu’elles relancent leur politique d’investissement, à l’image de ce qui avait été fait en 2010-2011 avec le remboursement anticipé du Fonds de compensation pour la TVA (FCTVA).

Newsletter Week-End
Nos journalistes sélectionnent pour vous les articles essentiels de votre secteur.
Les services Le Moniteur
La solution en ligne pour bien construire !
L'expertise juridique des Éditions du Moniteur
Trouvez des fournisseurs du BTP !
Détectez vos opportunités d’affaires
69 - Caluire-et-Cuire
Date de réponse 21/10/2025