Jean-Louis Dumont, président de l'USH : « Les HLM veulent nouer des partenariats avec les industriels »

Bâtiments à très faible consommation énergétique, développement de partenariats avec les industriels, droit à l’innovation architecturale… A quelques jours de l’ouverture du congrès HLM, le 22 septembre, Jean-Louis Dumont, président de l’Union sociale pour l'habitat, analyse les défis à relever par les bailleurs sociaux.

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Jean-Louis Dumont souhaite reconduire 2 000 emplois d’avenir dans le secteur de la transition énergétique.

A quelques mois de la COP 21, comment le mouvement HLM va-t-il s’engager pour le climat ?

Jean-Louis Dumont : Lors du congrès, nous allons présenter et signer un engagement intitulé ACTE, pour « Agir pour le Climat et la Transition Energétique ». A travers 6 axes et 32 engagements concrets, le mouvement HLM s’engagera à poursuivre et à lutter à son niveau contre le dérèglement climatique.  Nous avons, par exemple, l’ambition de généraliser les bâtiments à très faible consommation énergétique et à haute performance environnementale dès 2018. En parallèle, nous allons reconduire les 2 000 emplois d’avenir dans le secteur de la transition énergétique. Nous souhaitons également nous inscrire dans le développement des territoires à énergie positive.

En matière de performance énergétique, les professionnels pointent souvent une réglementation trop contraignante…

J-L. D. : C’est pourquoi nous interpellerons le gouvernement sur le droit à l’expérimentation architecturale. Si nous voulons aller au bout de la transition énergétique, nous ne devons pas être enfermés dans des cadres réglementaires ou normatifs trop rigides, qu’ils soient nationaux ou locaux. Il faut prendre un peu de risques et redonner un peu de marge à l’innovation, en la contrôlant bien sûr.

Comment comptez-vous pousser l’innovation ?

J-L. D. : Aujourd’hui le meilleur terrain d’expérimentation pour l’innovation architecturale et pour l’innovation technique, c’est le parc HLM. Un industriel souhaitant tester un nouveau matériau a intérêt à le faire sur notre parc, car nous bâtissons et nous gérons sur le long terme. Nous souhaitons développer les  partenariats entre le mouvement HLM et les industriels. Pour y parvenir, nous allons mettre en place une plateforme qui aura vocation, entre autres, à se pencher vigoureusement sur les questions d’innovations industrielles. Elle est préfigurée et devrait être lancée en début d’année 2016.  Cette plateforme a pour objectif d’accélérer la R&D et l’innovation sur le champ industriel. Cela permettra d’accélérer la fiabilisation, l’optimisation et la performance des produits équipements afin de trouver l’optimum entre performance énergétique, performance environnementale, soutenabilité économique et réduction de la charge logement pour les ménages.

Combien d’industriels sont partenaires à l’heure actuelle ?

J-L. D. : Environ 70 industriels sont référencés et plus de 350 exposants seront présent à H’Expo (le salon professionnel adossé au congrès HLM, ndlr). Ils sont spécialistes du secteur énergétique, de la conception façade, couverture, menuiserie, systèmes constructifs, et de système de chauffage.

En juillet, l’USH organisait une journée de travail sur les territoires en décroissance. Quelle est l’étape suivante ?

J-L. D. : Les associations régionales préparent un manifeste, il sera présenté lors du congrès. Nous devons faire converger nos propositions pour faire entendre à l’Etat la nécessité de faire preuve de souplesse et d’intelligence dans la méthode de programmation de ses subventions. Même dans les territoires dits « en décroissance » il y a besoin de moyens pour adapter l’offre, développer une offre nouvelle. Pour ce qui est des rénovations, en dehors des zones ANRU, il n’y a plus d’aides de l’Etat c’est pourquoi nous avons amplifié la mutualisation sur la rénovation.

Le congrès HLM s’ouvrira sur le thème des « transitions ». Quel est l’enjeu ?

J-L. D. : Les organismes HLM gèrent 4,4 millions de logements. L’enjeu consiste à préparer leur évolution dans un monde en mutation. Car dans 20, 30 voire 50 ans, nous gèrerons toujours ces habitations. En ce moment, nous réfléchissons au développement du véhicule électrique. Faut-il pré-cabler nos parkings ? Par ailleurs, le travail à domicile se développe et permet de réduire les déplacements travail-logement. Nous devons réfléchir à la conception des habitats pour répondre à cette tendance. Nous allons également aborder la question du numérique dans le logement social.

Par ailleurs, si nous voulons remplir les objectifs de la COP 21, nous devons travailler avec les habitants. Nous aimerions lancer un concours, à l’exemple des défis lancés par les organismes HLM allemands. En développant des démarches d’encouragement et d’accompagnement des locataires à l’échelle du bâtiment, ils recréent du lien entre les locataires et trouvent des solutions plus globales.

Pensez-vous atteindre vos objectifs de constructions pour 2015 ?

J-L. D. : Nous allons atteindre les objectifs de rénovation en 2015 (100 000 logements, ndlr). En matière de construction, nous tablons sur le chiffre de 100 000 logements programmés d’ici la fin de l’année (l’objectif est fixé à 150 000 par an, ndlr). Depuis juin, les préfets ne distribuent plus d’agréments car, pour le moment, ils ne sont pas en capacité de signer les autorisations de financement (plus communément appelées aides à la pierre, ndlr). A ce jour, 20 000 mandats publics ont été distribués pour 2015. Nous espérons donc obtenir le déblocage d’un énorme paquet d’agréments d’ici la fin de l’année. Chaque année, les préfets accumulent du retard dans le paiement des aides à la pierre…. Nous l’évaluons à 800 000 millions d’euros. Ce système de « stop-and-go » permanent use les bonnes volontés. Car les organismes concernés par les retards de paiement réfléchissent à deux fois avant de se lancer dans de nouvelles opérations…

La création du fonds national de mutualisation des aides à la pierre annoncée par Sylvia Pinel et Michel Sapin doit être débattue dans le cadre du projet de loi de finances pour 2016…

J-L. D. : Je ne cautionnerai pas la création d’un fonds qui servirait à réduire le niveau des aides à la pierre. Que les ministres du Logement et des Finances relisent les propositions du candidat Hollande… Certains réclament le doublement des aides à la pierre, le gouvernement doit au moins se fixer l’objectif de leur maintien. Je demande à ce que l’on prenne le temps de débattre de la création de ce fonds, qui ne peut servir de prétexte à une baisse de l’investissement de l’Etat dans le financement du logement social. Si un travail doit s’engager ce doit être en dehors de toute pression budgétaire, pour réfléchir à l’instauration d’un outil plus moderne et plus efficace. Nous pourrions alors affiner les techniques de programmation, mesurer l’impact de l’émergence des métropoles sur les aides à la pierre, entendre l’avis des délégataires…etc.

Un rapport de la Caisse des dépôts indique que les bailleurs sociaux ont tendance à reprendre la main sur la maîtrise d’ouvrage directe. Quelle est votre position ?

J-L. D. : Notre métier consiste à acheter un terrain et à construire, pas à racheter des opérations plantées sur une parcelle. Nous ne sommes pas hostiles à la VEFA, mais les organismes HLM doivent conserver leur maîtrise d’ouvrage directe et avoir recours à ce mode de production avec mesure... C’est avec l’expérience de la gestion que l’on se rend compte des défauts de construction. Nous gérons les bâtiments durant de longues années, nous aimons donc les concevoir. La VEFA permet de produire plus rapidement et moins cher immédiatement. Mais aux vues des coûts de gestion quotidiens, un organisme qui ne créerait son patrimoine qu’avec de la VEFA risquerait un réveil douloureux.

Etes-vous satisfait du travail de Thierry Repentin, chargé de céder les terrains de l’Etat ?

J-L. D. : La mise en place de la commission nationale de l’aménagement, de l’urbanisme et du foncier  (CNAUF), présidée par Thierry Repentin, a permis de poser la question du foncier de l’Etat. Depuis son installation, nous sentons une meilleure mobilisation d’un certain nombre d’institutions. Le mouvement HLM s’investit aussi directement et nous allons signer un accord avec SNCF Immobilier. Mais dans les zones très denses, je m’interroge sur les décotes de certains bâtiments et de leur utilisation future. Que deviendront réellement ces bâtiments dans 50 ans ? Comment être sûrs que les immeubles bâtis ne feront pas l’objet d’une vente? L’Etat ne vendra pas deux fois son foncier. S’il était vendu à ses occupants ou à d’autres opérateurs économiques investisseurs, il sortirait définitivement du patrimoine public… Mais mon interrogation ne remet pas en cause le travail de Thierry Repentin.

En 2014, 215 EPL Logement étaient actives. Quel est votre avis sur leur mode de fonctionnement ?

J-L. D. : Aujourd’hui, la question du fonctionnement des entreprises publiques locales (EPL) Logement commence à nous préoccuper. Elles représentent environ 5% des cotisations de la CGLLS (caisse de garantie du logement locatif social, chargée de prévenir les difficultés financières des bailleurs sociaux, ndlr) et plus de 15% de ses interventions. En d’autres termes : les organismes HLM cotisent pour les EPL. Le mouvement HLM réalise lui-même l’audit financier des organismes et les conseille sur leur mode gestion. De fait, nous constatons peu d’accidentologie et le grand public n’entendra jamais parler d’un organisme HLM en faillite. La fédération des EPL ne réalise pas ces opérations d’autocontrôle. Nous allons donc demander à revoir cette situation dans le cadre du projet de loi Egalité et Citoyenneté (présenté à l’automne en Conseil des ministres, ndlr). Nous proposerons de réaliser nous-mêmes le contrôle financier des EPL ou d’instaurer un plafonnement des interventions de la CGLLS.

Justement, avez-vous réalisé des propositions pour alimenter le projet de loi Egalité et Citoyenneté ?

J-L. D. : Ce projet de loi va très certainement renforcer la loi SRU. En parallèle, nous avons demandé à ouvrir le débat sur les attributions de logements pour pousser jusqu’au bout cette réforme. Nous aimerions un renforcement de la loi "Molle" (Loi de mobilisation pour le logement et la lutte contre l’exclusion) pour simplifier les procédures de résiliation des baux aux locataires. Avec le développement de plateformes web comme Airbnb, l’utilisation de son logement à des fins commerciales peut devenir un vrai sujet. Nous aimerions également revenir sur la gouvernance de la CGLLS…

Le taux du livret A a baissé à 0,75% au 1er août dernier. Etes-vous satisfait ?

J-L. D. : Nous avons obtenu satisfaction avec la baisse du taux d’intérêt, mais le taux de commissionnement mériterait d’être revu à la baisse. Il est actuellement à 0,4% en moyenne, ce qui est assez élevé au regard des conditions du marché. Par ailleurs, le mouvement HLM souhaite que la baisse du taux de commissionnement, décidée en 2013, soit répercutée sur les conditions de prêts proposées aux organismes HLM.

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