Sur les chantiers utilisant deux grues ou davantage, la gestion des interférences, primordiale, est aujourd’hui bien maîtrisée. Exploitant les puissances de calcul des technologies les plus récentes, des systèmes permettent le contrôle d’interférence et de survol de zones ou d’obstacles interdits en deux dimensions, X et Y. Mais si l’on ajoute à ces deux grues un pont roulant, le problème se corse. En effet, il s’agit de gérer les interférences non plus seulement en plan mais aussi dans l’espace. L’axe Z vient pimenter le jeu. Car le système anticollision classique à deux dimensions doit céder sa place à un système plus complexe capable de travailler en trois dimensions tenant compte de la position de la charge.
Une réponse a été mise au point par SMIE, spécialiste de l’anticollision, baptisée «AC3D». Lionel Loisy, ingénieur d’affaires du fabricant, explique que «l’AC3D est capable de prendre en considération des équipements à géométrie variable et les conditions d’interaction entre ces machines». Car il s’agit de gérer des situations parfois complexes où se côtoient grues, ponts roulants et obstacles fixes, voire des engins de levage mobiles.
Le portique et la grue font bon ménage
D’abord conçu pour les installations portuaires ou les chantiers navals, le système de SMIE a été utilisé avec succès sur un chantier de génie civil: l’extension de l’usine d’épuration Seine Amont à Valenton (Val-de-Marne). Dans le cadre de ce chantier – un des plus importants d’Ile-de-France –, le groupement d’entreprises CSM Bessac - Urbaine de travaux a réalisé un tronçon de collecteur d’eaux usées baptisé «VL10 2e partie» de 1800 mètres de longueur et 4 mètres de diamètre intérieur. Le percement a débuté à une profondeur de 30 mètres dans un puits de 14,30 mètres de diamètre. «A elle seule, la grue installée à proximité du puits n’aurait pas permis d’assurer à la fois l’évacuation des déblais et l’approvisionnement du tunnelier, expliqueDidier Frèche, directeur de projet pour CSM Bessac. Nous avons donc opté pour l’installation d’un portique au-dessus du puits. Ainsi la grue est concentrée sur la sortie des wagons de déblais tandis que le portique approvisionne, entre autres, les voussoirs et le mortier de bourrage.» D’où la nécessité de gérer des interférences entre le portique et la grue, cette dernière étant déjà équipée d’un système anticollision classique du fait de la présence d’une autre grue sur un chantier voisin. Attention toutefois car l’AC3D est incompatible avec les autres systèmes anticollision, ce qui oblige à doubler une partie des installations.
Modèle numérique de chantier
Le dispositif anticollision en trois dimensions tient compte, non seulement de la position du portique et de celle de la flèche mais aussi de la hauteur du crochet, de la position du chariot et de la charge appliquée. Deux cas de figure sont considérés: le crochet avec benne (charge usuelle) et le crochet sans benne ou faiblement chargé. «L’AC3D fonctionne avec une précision de l’ordre du décimètre, précise Lionel Loisy. Ce qui autorise une gestion des zones de protection plus fine et au final une meilleure productivité.» A noter que pour la sécurité des personnes travaillant dans le puits, un avertisseur lumineux signale le survol de la grue ou du pont roulant, leur indiquant de se mettre à l’abri. Tandis que la grue extrait du puits les bennes emplies de déblais (18 tonnes en charge), le pont roulant approvisionne le train suiveur du tunnelier en voussoirs universels.
La prochaine étape du développement de ce système anticollision est la gestion d’engins mobiles grâce aux technologies de positionnement par satellite. Grâce à un afficheur graphique, l’opérateur visualisera un modèle numérique de son chantier et saura instantanément où se trouvent son engin et sa charge par rapport à toutes les parties susceptibles d’interférer, qu’elles soient mobiles ou fixes.
