Avant de rebondir avec enthousiasme, le titulaire du lot voirie et réseaux divers (VRD) a appris à ses dépens une nouvelle manière d’exercer ses compétences: «Nous n’avions pas mesuré la multitude de chantiers imbriqués les uns dans les autres et les exigences de détail qui interdisent l’à-peu-près», reconnaît Ludovic Carton, conducteur de travaux chez Screg Ham. Après avoir missionné un géomètre et intégré un projeteur, la filiale du groupe Colas a formé son chef de chantier aux exigences de réactivité immédiate posées par une maîtrise d’œuvre omniprésente dans ses trois composantes: Marie Pimmel et Paul Vincent pour RPBW ; Pierre Kerien, du bureau d’ingénierie AIA, pour les aménagements extérieurs ; Louis Aubert, de la Cicad, pour la direction de chantier qui coordonne les 44 lots.
Routière métamorphosée
«C’est comme si nous avions changé d’entreprise de VRD», confirme Pierre Kerien. Le réemploi de deux tiers des 100 000 m3 de remblais, stockés au début du chantier au nord de la citadelle, en a offert la démonstration: courant février, le remodelage des ondulations du plateau, au nord de la citadelle, s’apparente aux prestations habituellement mises en œuvre pour des terrains de golf. Sous l’œil sourcilleux de Louis Aubert, l’entreprise routière a mis les malaxeurs de sa centrale d’enrobage au service de la préparation des mélanges terre-pierre utilisés en aval par l’entreprise locale de travaux paysagers Terspective: 60% de remblais, 40% de terre végétale. Après compactage et traitement des remblais crayeux, Screg Ham a utilisé son finisher routier pour stabiliser les chemins piétons qui respectent la règle appliquée à l’ensemble des aménagements extérieurs : ni béton ni enrobé.
Contrats de culture
La filiale routière de Colas est allée jusqu’à poser les 7cm de substrat sur les 7800m2 de toitures que Terspective couvre de 100000 plants de sedums, en ce mois de mars, soit 16 par mètre carré. L’importance du marché a justifié la signature du contrat de culture avec les pépinières Renault, en Mayenne, offrant une référence pour la filière paysage, face aux solutions industrialisées proposées par les étancheurs du bâtiment. Garantie de continuité entre la conception initiale et la réalisation, la méthode du contrat de culture s’est également imposée dès l’an dernier sur la place d’Armes: Terspective a mis en place les tilleuls de 8m de haut, commandés l’année précédente à Guillot-Bourne pour donner d’emblée au cœur de l’ancien site militaire son nouveau caractère de place urbaine, coiffée par le bâtiment signal qui cadre la vue sur tous les grands axes de la capitale picarde. La fierté des deux entreprises chargées des voiries et des travaux paysagers contraste avec l’humilité du parti de conception: «Restituer les volumes préexistants», résume Pierre Kerien. L’énoncé simple cache la complexité des interférences entre bâtiment et aménagement, sur un terrain parsemé de vestiges archéologiques mal repérés avant le chantier. Les réseaux se faufilent là où il reste de la place en respectant autant que possible la règle suivante: retenues en grande partie par la végétation, les eaux pluviales de toiture rejoignent les collecteurs de la ville, tandis que deux forages dirigés conduisent les eaux de surface vers les fossés où leur écoulement s’achève dans une mare écologique. Fidèle à la mémoire du lieu dans ses volumes, le parti d’aménagement comprend une innovation majeure mise au point avec l’industriel Terreal, l’ingénieur horticole Claude Guinaudeau, Pierre Kerien et Paul Vincent: le Diabolo, qui associe des lattes de terre cuite et du gazon entre les joints. Le matériau phare de la région Nord-Picardie trouve ainsi une nouvelle jeunesse, à l’image d’un projet tourné vers l’avenir, mais sans faire du passé table rase.
