Le parcours parlementaire du projet de loi d'accélération et de simplification de l'action publique (Asap) - définitivement adopté le 28 octobre - avait été interrompu par la crise du Covid-19. Le texte s'est-il transformé en projet de loi de relance ?
La crise sanitaire qui a éclaté après la première lecture du texte nous a conduits à prendre des mesures efficaces dans des conditions d'urgence. Et nous avons pu mesurer l'intérêt d'avoir, même hors temps de crise, des dispositifs et des processus décisionnels plus rapides, sans remettre en cause l'assise de notre droit. Ce constat nous adonné plus d'audace dans la manière d'accélérer et de simplifier l'action publique. Parmi les mesures ajoutées entre les deux lectures, il y a également des dispositifs qui faciliteront la mise en œuvre du plan de relance, tel le volet commande publique.
Quel rôle peut jouer la commande publique dans le cadre du plan de relance ?
Elle en constitue un levier important, mais n'est pas le seul. La commande publique est particulièrement utile à deux titres. Tout d'abord, pour rattraper nombre d'opérations publiques qui ont été retardées par les deux mois de confinement, puis par la lente reprise. Sans compter le fait que certains exécutifs locaux n'ont pu être mis en place qu'après le second tour des élections municipales repoussé au 28 juin. En tout, la commande publique a accumulé un retard de près de quatre mois, ce qui a pu fragiliser le carnet de commandes de certaines entreprises, notamment celles du BTP. Elle doit, par ailleurs, jouer pleinement son rôle sur le volet de la rénovation énergétique des bâtiments publics.
La loi Asap rehausse le seuil des formalités de passation des marchés publics de travaux à 100 000 euros. Ne craignez-vous pas que des entreprises en dehors des radars des acheteurs publics restent sur la touche ?
Sur ce sujet, nous menons une démarche de professionnalisation des acheteurs publics. Le choix de porter ce seuil à 100 000 euros est étayé par un parangonnage européen et le constat que d'autres pays arrivent à être plus efficaces dans ce domaine tout en ayant des seuils plus élevés. Mais pour cela, il faut que les donneurs d'ordres aient une vision stratégique de l'achat public et utilisent tous les leviers disponibles dans le code. De plus, rien n'interdit, bien au contraire, de mettre en concurrence des entreprises et de demander des devis sous ce seuil. Un formalisme trop pesant dans une petite mairie peut en revanche s'avérer une fausse protection par rapport à l'objectif final.
Ce nouveau seuil est temporaire et disparaîtra fin 2022. Cela signifie-t-il inévitablement un retour à 40 000 euros, comme c'est le principe, à cette échéance ?
Fort de deux ans d'expérimentation, le législateur aura alors la latitude de trancher dans un sens ou dans l'autre. Tout ensachant que, du point de vue du juge administratif, la question de l'égalité d'accès aux marchés publics ne doit pas être balayée d'un revers de la main. C'est d'ailleurs pour cette raison que nous avons maintenu obligatoire la publication des données essentielles des marchés dès 25 000 euros afin de bénéficier d'éléments factuels permettant de prendre une décision. Il faudra également regarder la dynamique européenne, car nous avons tout intérêt à avoir une démarche cohérente par rapport aux autres pays.
Au cours de la première lecture à l'Assemblée nationale, l'ajout de l'intérêt général comme motif de recours à un marché public de gré à gré a suscité de nombreux commentaires. Quel objectif poursuivez-vous ?
En réalité, il s'agit, là aussi, d'un enseignement de la crise. Nous nous sommes aperçus qu'il fallait adopter une loi d'urgence sanitaire pour pouvoir commander dans l'urgence des équipements indispensables aux Français ; c'est un vrai problème. Cette disposition est donc là pour renforcer notre résilience. En revanche, toute mesure décidée sur ce fondement sera prise par un décret en Conseil d'Etat qui, entant que gardien du temple de l'égal accès de tous aux marchés publics, appréciera avec rigueur le motif d'intérêt général retenu. Pour l'heure, aucune nouvelle mesure n'est prévue.
Le titre III du projet de loi Asap bouscule les règles concernant l'implantation et l'extension des sites industriels. Quelle est votre ambition sur le sujet ?
Il ne s'agit pas de baisser le niveau de nos exigences en matière environnementale, d'archéologie préventive ou bien encore de droit de l'urbanisme. Notre objectif est d'avoir une démarche administrative qui soit la plus efficace possible et qui permette de défendre ces exigences tout en répondant rapidement aux demandes des entreprises. Celles qui veulent s'implanter sur un site comprennent très bien qu'il y a des règles du jeu, mais elles n'acceptent pas de subir l'atermoiement des administrations.
« Quand on constate que 85 % des procédures environnementales ne donnent lieu à aucun commentaire, cela signifie que le système peut être allégé. »
Assumez-vous de dire que les procédures de participation du public que vous simplifiez faisaient davantage perdre du temps que protéger l'environnement ?
Je ne me place pas sur le registre de l'idéologie, mais sur celui des faits. Quand on constate que 85 % des procédures environnementales ne donnent lieu à aucun commentaire, cela signifie que le système peut être allégé. C'est ce que nous avons choisi de faire. La démocratie environnementale est importante, nécessaire, et elle doit porter sur des sujets qui comptent vraiment. Or il est difficile de ne pas s'interroger quand le traitement est quasi identique pour un projet de silo ou de stockage de bois et pour l'implantation d'un site industriel. Nous voulons donc positionner les spécialistes de la démocratie environnementale sur les sujets qui comptent plutôt que d'ensevelir celle-ci sous toute une série de procédures qui n'ont pas de portée pratique pour les Français.
Lors du passage du projet de loi à l'Assemblée nationale, vous avez demandé un deuxième vote de l'article 25, visant à supprimer l'enquête publique dans certains cas. Pour quelle raison ?
Cet article offre au préfet la faculté d'opter pour une consultation électronique du public plutôt que pour une enquête publique pour les projets à faibles enjeux environnementaux. Il a été voté favorablement au Sénat puis en commission à l’Assemblée nationale, avant d’être rejeté à deux voix. Ce premier vote ne nous semblait pas refléter les volontés affichées lors des précédents débats.
En parallèle d'Asap, vous avez développé le dispositif des sites industriels « clés en main ». L'objectif est de faire gagner du temps aux porteurs de projets en anticipant les procédures d'urbanisme, d'environnement et d'archéologie préventive. Où en êtes-vous sur le sujet ?
A l'issue d'un premier appel à candidatures, pour lequel plus de 300 propositions de collectivités locales ont été reçues, nous avons pu présenter 12 sites clés en main de plus de 50 hectares lors de l'événement Choose France, en janvier 2020. Depuis, l'offre s'est étoffée, et nous disposons désormais de 78 sites de toutes tailles à proposer aux investisseurs. Ces derniers montrent un intérêt certain. J'espère que nous signerons les premiers projets dans les prochains mois.