«La crise risque de peser sur la qualité de construction des logements», Antoine Desbarrières (Qualitel)

Le directeur de l’association Qualitel, qui fête ses 50 ans sur fond de crise immobilière, redoute une baisse de la qualité de construction des programmes résidentiels.

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Antoine Desbarrières, directeur de l’association Qualitel.
Antoine Desbarrières, directeur de l’association Qualitel.

Dans quel contexte a été créée l’association en avril 1974 ?

La création de l’association, par le secrétaire d’Etat au Logement Christian Bonnet, avait pour but de s’assurer que les logements sociaux qui bénéficiaient d’un financement public étaient d’une qualité supérieure aux autres.

A l’époque, à la fin des Trente Glorieuses, on construisait et reconstruisait beaucoup, à un rythme de 550 000 logements par an (à comparer aux 287 000 logements commencés en 2023, NDLR). La quantité était privilégiée à la qualité avec des modes constructifs industrialisés et un urbanisme qui a laissé des traces sur le plan social.

Sur le plan qualitatif, il y avait peu de réglementation. La première, acoustique, date de 1969. Il n’y avait rien sur la qualité de l’air, le confort d’hiver… Avec le choc pétrolier, la question énergétique a pris ensuite de l’importance. En parallèle, la filière nucléaire s’est structurée. La vision multicritères d’hier, de l’acoustique à l’énergie, nous guide encore aujourd’hui. En cinquante ans, nous avons certifié plus de 3,5 millions logements, qui vont au-delà de la réglementation.

Qu’est-ce qui a changé en 50 ans en termes de qualité des logements ?

55% des logements étaient E, F et G, contre un gros tiers aujourd’hui. La surface médiane des logements produits est passée de 64m² à 58m². Près de la moitié des maisons étaient chauffées au gaz, contre 21% aujourd’hui. En immeuble, le chauffage individuel a pris le dessus sur le chauffage collectif. Voilà pour le factuel. Car il y a aussi la qualité perçue, que nous mesurons à travers les 17 critères de notre baromètre annuel. Nous notons un creux qualitatif des années de reconstruction aux années 1970-80 ainsi qu’un apport positif des normes, réglementations et certifications en termes de perception de la qualité.

Sur certains points, il y a un sentiment de régression. En premier lieu sur la hauteur sous plafond. La perte est de 27 cm en appartement et de 9 cm en maison, alors que nous sommes plus grands d’environ 10 cm. D’où notre règle d’imposer 2,50 mètres de hauteur sous plafond pour être certifié. En outre, les surfaces d’appoint diminuent. Avant 1979, 61% des logements neufs proposaient une cave ou un grenier, contre 4% aujourd’hui.

Quelles sont les principales pistes d’amélioration ?

Les cinq grandes plaies qui ressortent chaque année de nos études sont le confort acoustique, le thermique en été et en hiver, la consommation d’énergie, la qualité d’aération et la qualité des matériaux. Nous avons identifié d’autres pistes d’amélioration qui concernent l’existant et le neuf : l’humidité et les moisissures, la sécurité anti-intrusion, l’accès à internet, l’adaptation aux personnes âgées et handicapées et le temps d’arrivée d’eau chaude dans les logements.

L’adaptation aux nouveaux modes de vie, qui passe par la création d’espaces dédiés au télétravail par exemple, est un autre enjeu, plus récent. Enfin, la solution économique pour que les logements gagnent en surface sera malheureusement difficile à trouver, surtout avec du foncier cher et les défis environnementaux actuels qui renchérissent le coût de construction.

Justement, les promoteurs et Cmistes licencient, réduisent les coûts face à la crise de la demande qui persiste depuis plus d’un an. Quelles seront les conséquences sur la qualité des logements en cours de chantier et à lancer prochainement ?

Il ne faut pas s’inquiéter sur la qualité de conception, de l’acoustique au confort d’été ou d’hiver, car la réglementation demeure. En revanche, la crise risque de peser sur la qualité de construction des logements, car l’outil de production est en train d’être cassé. Il sera long à remettre en route.

Le savoir-faire s’en ira avec les entreprises qui disparaîtront, comme pendant la crise immobilière des années 90, qui avait toutefois démontré une capacité de rebond plus forte qu’aujourd’hui, car le pouvoir d’achat immobilier était deux fois supérieur. Aujourd’hui, les prix sont trop élevés pour que le marché reparte franchement.

Le contexte risque par ailleurs d’entraîner une réduction des surfaces intérieures et extérieures pour des raisons économiques. En rénovation, le problème réside dans la main d’œuvre : nous manquons de 200 000 personnes.

Les professionnels du neuf et de la rénovation doivent basculer vers un nouveau paradigme : rénover plus et construire moins, avec plus de hors-site, de pompes à chaleur, de matériaux biosourcés… Le savoir-faire doit changer.

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