« L’arrivée de la REP bâtiment, qui devrait être mise en œuvre début 2023, avec un agrément des éco-organisme imminent devrait booster les projets de R&D en matière d’économie circulaire. Les éco-organismes devront flécher environ 2 % des éco-contributions collectées sur les mises en marché (environ 1 milliard d’euros) vers des programmes d’innovation/recherche capables de faire évoluer les méthodes de collecte et de traitement des déchets », s’est félicité Patrick Leblanc, secrétaire général adjoint de la FFB Hauts-de-France, en préambule de la table ronde qu’il animait sur les déchets du bâtiment. La conférence était organisée par le pôle de compétitivité Team 2 à l’occasion des Rencontres de l’innovation pour l’économie circulaire.
Changement d’échelle pour le réemploi
Sans attendre la manne financière pour la R&D, la FFB Hauts-de-France et le pôle de compétitivité Team 2 ont annoncé à l’issu de la table ronde du 29 septembre la création d’un espace d’échange, de partage et d’essai de nouvelles solutionsvia la création d’un club innovation/recherche dédiée au réemploi des matériaux de construction. « Nous allons travailler et tester des choses concrètes », a souligné au Moniteur la directrice du pôle de compétitivité, Carole Magniez.
En effet, avec la REP, le recyclage des déchets de construction doit progresser significativement. Par exemple celui du béton doit passer de moins de 33 % aujourd’hui (selon une étude Ademe de 2021) à plus de 60 % en 2027. Mais la REP prévoit aussi une évolution significative du réemploi des matériaux. « Il doit passer de moins de 1 % aujourd’hui à 5 % en 2028 (soit 2,3 millions de tonnes). Ce changement d’échelle va impliquer d’autres façons de travailler », a souligné Patrick Leblanc.
Révolution
Il ajoute que la REP bâtiment va constituer une révolution pour le secteur du BTP, constitué en majorité d’entreprises de petites tailles, embauchant moins de dix salariés. « Elle doivent faire face au coût de gestion de ces déchets ainsi qu’aux enjeux de décarbonation. La REP bâtiment représente donc pour elles une contrainte et un défi mais aussi une opportunité de faire évoluer les pratiquesvia un accompagnement », a rappelé Patrick Leblanc.
Pour lui un des leviers les plus intéressants pour la réutilisation est d’avoir obtenu une valeur carbone des matériaux de réemploi égale à zéro. Cependant pour atteindre un taux de réemploi de 5 % il faut impérativement que les différents acteurs progressent sur leur caractérisation, sur leur assurabilité et sur les problématiques de normes.
Sur une friche industrielle à Bousbecque (Nord), Marie Blanckaert, architecte urbaniste et fondatrice de l’agence Blau, est peut-être d’ailleurs déjà en train de mettre en place une des solutions permettant de booster demain le réemploi. Sa proposition ? En plus de diverses initiatives de réemplois, l’agence propose un projet ambitieux, à même de créer le changement d’échelle indispensable. Il s’agit en effet de réaliser une déconstruction soignée de deux des bâtiments de 5 000 m2 environ afin de les reconstruire ailleurs.
« Nous allons démonter deux halles construites dans les années 2000 et en bon état pour les stocker en kit avec instructions pour le remontage. Nous sommes à la recherche d’industriels intéressés par ces bâtiments qui pourrons être remontés sur un nouveau site pour une nouvelle vie », résume Marie Blanckaert.
Qui va payer ?
« C’est la plus grosse REP du monde qui s’apprête à être déployée, c’est colossal. Elle est 4 à 5 fois plus importante que celle des emballages. Nos entreprises de démolition sont capables de trier sur les chantiers mais elles répondent avant tout à un cahier des charges. Leur marge n’est que de 3 %. Or les coûts de gestion des déchets représentent entre 1 et 30 % du marché. La grande question reste donc de savoir qui va payer le coût supplémentaire du tri à la source ? », a souligné son côté Nathanaël Cornet-Philippe, délégué général du Syndicat des entreprises de déconstruction, dépollution et recyclage (Seddre).
Il cite l’exemple des fenêtres dont la dépose sélective lors des démolitions revenait entre 250 et 400 euros la tonne. Et d’ajouter : « La problématique est différente selon qu’il s’agisse d’un chantier de démolition, de réhabilitation ou de construction neuve ».
Ixsane et l’Icam recherchent de concert
La dernière partie de la table ronde a permis à Sami Iallahem de présenter succinctement l’entreprise Ixsane qu’il a co-créé et dont un tiers de l’effectif est dédié à la recherche et qui travaille notamment sur le projet de recherche Interreg « Suricates » de recyclage des sédiments dans les matériaux de construction. La table a ronde aussi été l’occasion d’annoncer un partenariat entre Ixsane et l’école d’ingénieur Icam sur ces sujets d’économie circulaire et notamment de traitement des sols pollués. « Ainsi qu’avec deux autres partenaires secrets », a précisé Anne-Sophie Desjours, chargé de mission Appels à projets de l’école.