Interview

« La France doit être autonome dans ses capacités de recyclage », Dominique Mignon, présidente d'Eco-mobilier

Alors que l'arrêté relatif au cahier des charges des éco-organismes agréés dans le cadre de la REP pour le bâtiment est en consultation, Eco-mobilier dévoile ses ambitions.

 

Réservé aux abonnés
Image d'illustration de l'article
Dominique Mignon, présidente d'Eco-mobilier

Pouvez-vous nous présenter Eco-mobilier, qui souhaite devenir un éco-organisme agréé dans le cadre de la responsabilité élargie des producteurs (REP) ?

Eco-mobilier est un éco-organisme créé en 2011 dans la foulée du Grenelle de l'environnement, sous l'impulsion de 12 fabricants et 12 distributeurs du secteur de l'ameublement.

Notre filière de recyclage du mobilier usagé est opérationnelle depuis 2013 avec la mise en place de l'éco-contribution le 1er mai de cette année-là et le démarrage des premières opérations de collecte et de recyclage en octobre de la même année.

Nous sommes donc en activité depuis neuf ans, avec 6 000 entreprises adhérentes qui versent chaque année 300 M€ de contributions et qui financent la collecte de plus de 1,2 million de tonnes de meubles usagés. Ce mobilier est réemployé, recyclé ou valorisé énergétiquement à près de 95 %. Avec ses 63 collaborateurs, Eco-mobilier joue un rôle d'organisation et d'assemblage de l'ensemble de la chaîne et s'appuie sur les 5 500 points de collecte mis à disposition des particuliers et des professionnels. Les trois quarts de ces points sont des déchèteries publiques proposant la collecte auprès des particuliers. La moitié d'entre elles sont aussi ouvertes aux professionnels et notamment aux artisans.

Le dispositif est complété par 1 500 plates-formes logistiques et autres déchèteries professionnelles ou points de distribution sur lesquels nous installons des contenants. On peut aussi ajouter 500 partenaires de l'économie sociale et solidaire pour le réemploi.

Quels déchets récupérez-vous ?

Le mobilier collecté en mélange aujourd'hui, c'est à la fois des meubles de cuisine, de salle de bains, des éléments meublants mais aussi de la literie, des fauteuils, des canapés… Et dès cette année, nous aurons aussi la responsabilité de récupérer les textiles d'ameublement (tapis, stores, etc.). Quelque 150 000 tonnes sont apportées par les professionnels et un peu plus d'un million de tonnes par les particuliers.

Pourquoi vous positionner sur les déchets du bâtiment?

C'est un complément logique. Le bois ou les dérivés de bois représentent déjà les deux tiers de nos collectes (750 000 tonnes sur 1,2 million de tonnes collectées).

Ils sont transformés en fraction de bois recyclable. On trouve également du métal, du plastique, des mousses issues des matelas, recyclées en isolant, et des canapés qui sont transformés en énergie. Et, enfin, 300 000 tonnes qui peuvent servir de combustibles solides de récupération (CSR) pour les chaudières industrielles et cimenteries. Autant de solutions qui répondent aux besoins du bâtiment. Par ailleurs, depuis l'année dernière, nous savons recycler la mousse pour revenir à la molécule de polyol.

En fin de compte, à quel agrément avez-vous candidaté ?

A celui concernant les produits du bâtiment, donc, mais aussi le bricolage, le jardin et les jeux de plein air et les jouets, en partant d'un constat simple. Aujourd'hui, notamment pour notre matériau majoritaire - le bois -, la collecte en mélange en déchèterie publique ou chez les professionnels permet d'optimiser le nombre de mètres carrés occupés par les contenants. Mais la qualité du tri et le recyclage restent insuffisants. Jusqu'à présent, la méthode la plus efficace consistait à proposer au détenteur - chez qui nous mettons nos contenants - d'effectuer ensuite un tri par matériau en séparant le bois, le plastique, les mousses et le métal pour obtenir un coût global optimisé. L'arrivée de la responsabilité élargie des producteurs (REP) dans le bâtiment nous permet d'envisager l'évolution de ce schéma.

Aujourd'hui, en déchèterie publique, vous avez un contenant pour le mobilier mélangé et un autre pour le bois issu du bâtiment. Nous allons collecter ce dernier avec le bois d'ameublement et, d'un autre côté, séparer la mousse et les textiles, le métal, l'inerte. Nous optimiserons ainsi le schéma de collecte pour les collectivités et pour les points distributeurs déjà actifs chez nous. Cela représente des économies logistiques - les contenants seront mieux remplis -, une économie de tri et une meilleure qualité des produits récupérés. Actuellement, chez Eco-mobilier, 80 % des adhérents sont des enseignes, notamment de bricolage (Leroy Merlin, Castorama, Bricomarché…). C'est la configuration idéale.

A l'heure où ces entreprises sont obligées de reprendre gratuitement les déchets du bâtiment, nous leur proposons une solution complète, sur tous les produits : le mobilier, les matériaux de construction, le bricolage, le jardin et les jeux.

Enfin, candidater à la REP bâtiment nous permet de massifier le flux bois : nous serons capables de passer de 750 000 tonnes à presque 2 millions de tonnes. Cela renforce notre stratégie de recyclage.

Quelle est-elle ?

Elle consiste à accompagner fortement l'innovation et l'investissement industriel. Nous estimons qu'il faut une France autonome dans ses capacités de recyclage, il s'agit d'une sorte de « patriotisme écologique ». D'autant plus qu'en valorisant et recyclant les déchets au plus près de leur lieu de production, nous réalisons des économies sur la logistique et diminuons l'impact carbone. Nos administrateurs et actionnaires tiennent beaucoup à cette stratégie. D'où notre investissement dans l'innovation sur le bois et les mousses avec notamment une incitation forte auprès de nos adhérents à l'écoconception : nous avons mis en place des bonus et un système de rémunération pour l'incorporation de matières recyclées dans les produits, et des soutiens à l'investissement pour nos partenaires industriels.

Chaque nouvelle loi augmente les ambitions en matière de recyclage et fixe des objectifs très élevés de diminution de l'enfouissement, mais pour cela il faut avoir les capacités industrielles de recyclage. Il est donc très important de pousser cette industrie. Ce n'est pas le tout de collecter, il faut savoir recycler à un coût écologique et économique acceptable pour le consommateur, qui paie l'éco-participation.

Qu'allez-vous apporter aux professionnels du bâtiment ?

Prenons l'exemple des cuisinistes ou des poseurs-installateurs de meubles de salle de bains : nous pouvons aujourd'hui leur offrir des solutions de déchèteries privées et professionnelles.

Nous négocions aussi pour eux un accès à la déchèterie publique. Nous serons capables d'indiquer aux artisans, via notre système d'adhésion, la déchèterie la plus proche qui les acceptera, sachant que c'est le cas d'à peu près une sur deux.

Nous sommes d'ailleurs en train de développer une application en ce sens. Notre maillage des points de reprise, au sein des enseignes et sur les déchèteries publiques, aidera les artisans qui n'ont pas beaucoup de temps à consacrer au tri.

Comment vous positionnerez-vous par rapport aux autres éco-organismes sur les rangs ?

Nous serons complémentaires. Nous nous coordonnerons quand chacun aura son agrément et ses attributions, et quand les entreprises auront choisi leur éco-organisme. Tout au long de cette année, les entreprises seront amenées à étudier les diverses propositions. Nous affinons d'ailleurs notre projet chaque semaine jusqu'à la fin de l'obtention de l'agrément.

Abonnés
Baromètre de la construction
Retrouvez au même endroit tous les chiffres pour appréhender le marché de la construction d’aujourd'hui
Je découvreOpens in new window
Newsletter Week-End
Nos journalistes sélectionnent pour vous les articles essentiels de votre secteur.
Les services Le Moniteur
La solution en ligne pour bien construire !
L'expertise juridique des Éditions du Moniteur
Trouvez des fournisseurs du BTP !
Détectez vos opportunités d’affaires