Comment faire la ville avec les eaux de pluie ? Longtemps considérées comme un déchet, les eaux pluviales sont devenues un élément à valoriser. En effet, la minéralisation excessive des sols urbains montre aujourd'hui ses limites. Avec l'étalement de la ville, les conduites enterrées ne peuvent plus assurer lors de fortes pluies le traitement des écoulements. À cette saturation des réseaux d'assainissement s'ajoutent d'autres dysfonctionnements. L'assèchement des sous-sols en particulier est responsable de désordres graves dans les constructions. De plus, les nappes phréatiques, insuffisamment réalimentées, s'appauvrissent. Enfin, les épisodes de canicules ont mis en évidence des phénomènes d'échauffement thermique à l'échelle de l'îlot, accentués par les sols minéraux.
Régulation des températures
Face à ces limites, la gestion en surface des eaux pluviales dispose de nombreux atouts. Toitures végétalisées, chaussées réservoirs, puits d'infiltration, décaissés aménagés dans les espaces publics. Disséminés, ces micro-lieux de stockage augmentent, du strict point de vue hydraulique, les capacités d'infiltration des espaces urbains. Les réseaux traitent des écoulements moindres lors des épisodes pluvieux et sont mieux armés en cas d'événements climatiques imprévus. L'évaporation d'une partie des volumes stockés participe également à une régulation des températures urbaines.
Les retours d'expérience pointent l'intérêt qu'il y a à mettre en réseaux ces dispositifs de surface. En effet, le traitement des eaux pluviales, et des ruissellements issus de la chaussée, suppose plusieurs étapes : collecte, décantation, phytoremédiation, infiltration. La succession des ouvrages remplit l'une ou l'autre de ces fonctions. À l'échelle du quartier, se définit un nouveau cycle des eaux pluviales urbaines, rapprochées de leur cycle naturel. Cette trame hydraulique est un élément essentiel des projets d'écoquartiers, nouvelles vitrines d'un urbanisme durable.
Ouvrages multifonctionnels
Les premières réalisations françaises, inspirées des expériences pionnières d'Europe du Nord, traitent les eaux pluviales par des ouvrages souvent multifonctionnels. En effet, pour les nouveaux projets urbains, le respect de la loi sur l'eau, imposant un rejet strictement limité à l'exutoire, suppose de dégager dans la ville des volumes importants de stockage. Mais ces lieux, grignotés sur l'espace public, sont rendus à la ville par des traitements paysagers mettant en scène eau et nature.
C'est un des effets induits de la gestion en surface des eaux de pluie : le paysage urbain se transforme peu à peu, entre espaces aquatiques et émergences végétales. Longtemps contenue dans les parcs, la nature se diffuse dans le tissu urbain. Des ramifications, trames vertes et bleues propices à la circulation des espèces, qui transforment en profondeur la ville. Espaces entretenus en prairie de fauche, corridors biologiques, reconstitution de zones humides. À l'échelle de la ville durable, la délimitation stricte entre ville et nature n'est plus de mise.