Nouvelle étape pour le projet de loi d'orientation des mobilités (LOM). Après le vote du Sénat, début avril, et son examen par la commission développement durable de l'Assemblée nationale, le texte est discuté par les députés, à partir du 3 juin, en séance publique. Déjà riches lors des étapes précédentes, les débats s'annoncent encore une fois intenses. Et pour cause : plus de 3400 amendements ont encore été déposés par les députés avant l'examen en séance. "Un record sous ce quinquennat", précise le ministère des Transports, qui veut voir cela d'un œil positif : "cela démontre l'intérêt pour ce texte".
Déjà considérablement modifié lors des discussions précédentes, le projet de loi mobilités sera donc, sans le moindre doute, encore largement amendé lors des deux semaines à venir. Le gouvernement est malgré tout confiant: jusqu'à présent, "s'il y a eu de vrais enrichissement, l'équilibre général n'a pas été bouleversé", indique le cabinet d'Elisabeth Borne.
La priorité donnée à la mobilité du quotidien "ne fait plus débat ni question, se félicite le ministère. Tout le monde s'est emparé de l'enjeu, le sujet fait consensus et nous nous en réjouissons". Par ailleurs, contrairement à ce que certains prédisaient, "les débats ne se sont pas focalisés uniquement sur les infrastructures, mais sur des questions de mobilité plus larges et plus concrètes, en rapport avec les besoins des Français", se satisfait-il.
Une trajectoire financière en partie sécurisée
Ainsi, les trois "grands piliers" du projet de loi, investir, faciliter et verdir, n'ont pas changé. Même si certaines voix remettent en cause les ambitions affichées, ne les trouvant pas assez courageuses.
Côté investissement, le ministère des Transports estime que la trajectoire financière a d'ores et déjà été "renforcée", et "réorientée vers les transports du quotidien". Prévoyant 13,4 Mds € de dépenses sur le quinquennat (2018-2022, et 13,7 Mds € sur la période 2019-2023, comme l'indique le texte), le budget de l'Agence de financement des infrastructures de transports de France (Afitf) sera en effet consacré pour moitié au ferroviaire, pour les deux tiers aux modes" propres" et "en commun".
Les ressources de l'Afitf commencent à être sécurisées, après avoir connu de nombreuses fluctuations jusqu'à présent. L'Agence se voit ainsi affecter une part plancher de TICPE, et le principe d'une contribution de l'aérien au financement des infrastructures a été intégré en commission, via l'affectation du surplus de la taxe dite "Chirac".
Reste encore à trouver des ressources (et non plus une) complémentaires, afin de financer les 500 M€ supplémentaires prévus dans la trajectoire, à partir de 2020. Ce qui ne sera pas une mince affaire ! Jusque-là, les débats n'ont pas permis de créer de nouvelles ressources. Pas sûr que les discussions en séance aboutissent d'ailleurs sur ce point. La ministre des Transports devrait être questionnée à ce sujet, mais les réponses concrètes attendront le projet de loi de finances (PLF) pour 2020, cet automne.
Faciliter la mobilité partout, pour tous
Deuxième enjeu de la LOM : faciliter la mobilité partout, pour tous. "Il s'agit de déployer des solutions et des dispositifs de soutien adaptés" dans les territoires, rappelle le ministère. La LOM doit ainsi être une "boîte à outils" pour les collectivités locales et doit mettre fin aux "zones blanches" : tout le territoire sera ainsi couvert par une autorité organisatrice de mobilité (AOM), la compétence étant assumée par les intercommunalités ou, à défaut, la région.
Mais comment financer ces AOM ? Si le versement transports devient versement mobilité, la commission a retiré la possibilité pour toutes les AOM de prélever cet impôt, à un taux minoré lorsqu'elles ne gèrent pas de services réguliers de transports. Les députés ont, malgré tout, conservé la possibilité d'attribuer une part de TICPE à ces collectivités. Insuffisant cependant pour mettre en place des services adéquats, s'alarment de nombreuses voix.
Selon le ministère des Transports, le gouvernement a conscience de la nécessité de trouver une solution de financement pour les AOM qui n'ont pas de services réguliers, ou pour celles dont les bases fiscales ne permettent pas de lever suffisamment de ressources. "Cela fera sans doute l'objet de débat", reconnaît-il. Mais la solution pourrait être, là encore, renvoyée au prochain PLF.
Des transports plus propres
Dernier axe : verdir les transports. Comme déjà évoqué, les 2/3 des investissements de l'Etat prévus dans les cinq prochaines années iront aux mobilités propres et aux transports en commun (dont 50% rien que pour le ferroviaire). A cela s'ajoute l'inscription dans la loi d'un objectif de neutralité carbone d'ici à 2050. Pour y parvenir, il est prévu de réduire de 37,5% les émissions de CO2 d'ici à 2030 et de stopper la vente des véhicules thermiques d'ici à 2040.
L'objectif est aussi de parvenir à changer les comportements, pour réduire la part de la voiture individuelle, notamment sur les trajets domicile-travail. Un forfait mobilités, d'une valeur de 400€ maximum par an, pourra ainsi être mis en place par les employeurs, afin de favoriser les déplacements en covoiturage et à vélo. Il pourrait venir en complément de la prise en charge des forfaits de transports en commun.
Toute la question est de savoir si ce forfait mobilité aura un caractère obligatoire ou non. Le ministère des Transports penche pour "une obligation de négociation dans les entreprises de plus de 50 salariés". Si aucun accord n'ait trouver, il plaide pour l'obligation de mettre en place par l'employeur d'un plan de mobilité. Et le ministère d'ajouter qu'un bilan sera établi dans dix-huit mois "pour voir ce que les négociations auront donné".
Les grands principes sont posés, mais de nombreux éléments peuvent donc encore être complétés. Les discussions en séance à l'Assemblée nationale dureront jusqu'au 14 juin, pour un vote solennel le 18 juin.