Les débats se sont concentrés sur un peu plus d’une semaine. Au programme : plus de 2800 amendements initialement déposés. La commission développement durable et aménagement du territoire de l’Assemblée nationale a adopté le projet de loi d’orientation des mobilités dans la nuit du 22 au 23 mai, 2019 approuvant au final près de 600 amendements. De quoi largement modifier le texte que le Sénat avait voté début avril.
Le 14 mai, au début de l’examen en commission, la ministre des transports, Elisabeth Borne, avait regretté le choix du Sénat de déplacer le volet programmation, titre IV dans le projet de loi initial, au début du texte. Son argument : la première place devait revenir aux territoires. L’ordre est cependant maintenu à l’issue des débats de la commission, et la question du financement a été, comme au Sénat, l’une des plus discutées.
Renforcer la trajectoire de l’Afitf
Si toutes les interrogations ne sont pas levées concernant la sécurisation des ressources de l’Agence de financement des infrastructures de transports de France (Afitf), la commission a ajouté plusieurs précisions au projet de loi tendant vers cet objectif.
Ainsi, le tableau prévisionnel des budgets annuels de l’Afitf entre 2019 et 2023 deviennent indicatifs. Mais les députés ont précisé que les dépenses de l’agence « atteindront 13,7 Mds€ » sur la période et qu’elles seront financées « à partir de niveaux adaptés de recettes affectées par les lois de finances ».
La mention d’une enveloppe globale sur cinq ans, et non plus seulement par année, doit permettre de lisser les investissements dans la durée. Et de rattraper le retard déjà pris sur le budget 2019 de l’Afitf. En effet, pour rappel, le niveau de dépenses pour cette année est inférieur de 200 M€ à celui affiché dans le projet de LOM, à cause d’une baisse attendue du produit des amendes radars.
Vers de nouvelles sources de financement
Il manque toujours au minimum 500M€ par an pour financer cette trajectoire à partir de 2020. Mais alors que, jusqu’à présent, il était évoqué une seule ressource supplémentaire pour la compléter, la rapporteure du volet programmation, Bérangère Abba, est parvenue à faire modifier le texte, afin que plusieurs ressources complémentaires puissent être affectées au budget de l’Afitf.
D’ailleurs, l’adoption d’un autre amendement de la rapporteure ouvre la voie à l’obtention d’une nouvelle source de financement pour l’Afitf. Alors que l’agence est, pour le moment, exclusivement abreuvée par des ressources issues de la route, cet ajout lui affecte le surplus de recettes de la taxe de solidarité sur les billets d’avion. Aussi appelée « taxe Chirac », celle-ci alimente depuis 2006 le fonds de solidarité pour le développement, dans la limite de 210M€ par an. En 2018, son produit a dépassé les 240M€. Elle pourrait donc compléter les ressources de l’Afitf à hauteur de 30 à 50M€ chaque année, estime la rapporteure.
L’idée du taxe sur le kérosène a, en revanche, été rejetée. Cependant, Elisabeth Borne a assuré qu’une réflexion au niveau européen était au programme du prochain conseil des Transports, en juin. Quant aux autres pistes de financement, la ministre promet d’apporter plus de détail lors de l’examen de la LOM en séance.
Moins d’ambition pour les ouvrages d’art
Le Sénat avait ajouté, dans le rapport annexé, un alinéa concernant les ouvrages d’art et les ponts, insistant sur le rôle que l’Etat devait jouer en termes d’accompagnement aux collectivités locales. Si les députés de la commission ont conservé cet alinéa, ils l’ont malgré tout considérablement modifié. Ils ont ainsi retiré les mentions de « surveillance, entretien et le cas échéant la réparation », pour ne conserver que l’accompagnement de l’Etat dans l’inventaire des ouvrages d’art. De même pour la mention de la réflexion à engager « sur les modalités du soutien financier et technique de l’Etat aux territoires » pour la gestion de ces infrastructures.
Bérangère Abba, à l’origine de cet amendement, indique dans l’exposé sommaire vouloir « clarifier les rôles respectifs des différentes autorités ». Et estime que l’accompagnement voulu par le Sénat est déjà satisfait par l’Idrrim et le Cerema, et sera encore renforcé par la future Agence nationale de cohésion des territoires.
A peine voté, le texte a de nouveau rendez-vous à l’Assemblée nationale du 3 au 14 juin, pour son examen en séance. Avec son lot de modifications nouvelles et de précisions promises et attendues.
Et aussi
Conseil d’orientation des infrastructures (Art. 1C) : Le COI est maintenu. Cependant, la première révision de la programmation, fixée par le Sénat au 30 juin 2022, est reportée d’un an. La raison invoquée : la difficulté à mener l’exercice alors même que la présidentielle et les législatives auront eu lieu très peu de temps avant. Par ailleurs, la ministre des Transports a assuré de la représentativité des régions, des associations environnementales et d’usagers au sein du COI, dont la composition sera fixée par décret.
Versement mobilité (Art. 2) : après son passage en commission, la LOM revient aux sources. Le prélèvement d’un versement mobilité par les autorités organisatrices de mobilité (AOM) ne redevient possible lorsque des services réguliers sont mis en place. Au revoir donc la garantie d’un taux réduit même en cas d’absence de transport régulier. En revanche, la volonté du Sénat d’attribuer une fraction de TICPE pour les AOM dont le potentiel fiscal est limité a été maintenue, sans modification. Et la ministre des Transports a souhaité rassurer sur le financement des AOM : elle s’est engagée à leur apporter des ressources lors du prochain projet de loi de finances, et évoque déjà une piste à étudier du côté de la cotisation foncière des entreprises.
Véhicules autonomes (Art. 12) : le gouvernement a fait adopter un amendement lui permettant de revenir au projet de loi initiale concernant le véhicule autonome. Il s’octroie ainsi un délai de 24 mois (et non plus 12 comme voulu par le Sénat) pour légiférer par ordonnance afin de fixer le cadre juridique permettant la circulation des véhicules autonomes sur la voie publique et le niveau applicable de responsabilité. Un choix justifié par la complexité du sujet pour l’exécutif.
Voies réservées (Art. 15) : la possibilité de créer des voies réservées est étendue aux routes nationales et départementales hors agglomération (en plus des autoroutes et voies express, déjà mentionnées dans le projet de loi). Les députés mentionnent aussi précisément les taxis, excluant ainsi les VTC.