Vendredi 12 janvier tous les compagnons qui travaillent sur la reconstruction de la cathédrale Notre-Dame de Paris ont marqué une pause. Ensemble, et sous l’œil des équipes réunies sur la terrasse de la base vie, ils ont assisté à la cérémonie traditionnelle de la pose du bouquet. Ce dernier a été mis en place au sommet de la charpente médiévale du chœur par le plus jeune des apprentis qui a travaillé sur l’opération. Une étape qui marque la fin de cette phase majeure du chantier.
Parmi les compagnons qui assistent à l’événement, on rencontre Vincent Hamon, charpentier des Ateliers Perrault qui a participé à l’équarrissage des poutres pour la nef de Notre-Dame : « Cela a été une expérience incroyable avec l’apprentissage d’une technique que je ne connaissais pas : la hache ne faisant pas partie des outils de base du charpentier. »
Equarrissage à la hache pour suivre le fil du bois
De fait, apprendre à manipuler toute la journée un outil qui pèse 2,8 kg pour la plus lourde ou 1,8 kg pour la plus petite, ne s’improvise pas. « Nous avons commencé par nous entraîner en forêt avec les bûcherons. C’était aussi le moment de comprendre comment ils travaillent », reprend-t-il. Ensuite, une fois la technique acquise, les journées consistaient à dégrossir les bois à partir des entailles, puis à réaliser les finitions et l’équerrage. « Une opération presque hypnotisante où le but est de suivre le fil du bois. J’avançais sur le bois en voyant les copeaux tomber et les chevrons et autres arbalétriers prendre leur forme définitive sous mes yeux. Cette tâche était extrêmement gratifiante », reprend-t-il.
Pour la mener à bien, le charpentier de 30 ans a adopté une hygiène de vie digne des sportifs : « les journées commençaient 30 minutes plus tôt afin de s’échauffer, puis elles étaient rythmées par des étirements fréquents et une bonne hydratation. » Pour tenir sur la durée avec ce travail fatiguant physiquement, le professionnel a aussi amélioré sa technique afin « d’économiser son énergie à chaque étape et maintenir cet effort physique constant pendant plusieurs mois ».
Montage à blanc en atelier
Afin de faciliter l’équarrissage à la hache, les charpentiers ont travaillé sur du bois vert, « car ils sont plus faciles à travailler avec un résultat de meilleur qualité », indique François Maillet, métreur aux Ateliers Perrault. Une fois les plans définitifs de la charpente réalisés, les compagnons réalisaient les différents assemblages de type tenons/mortaise notamment. Puis, une fois les éléments achevés, l’ensemble a été monté à blanc dans la cours des Ateliers Perrault en Anjou. Le montage à blanc a débuté au printemps pour s’achever à la fin de l’été 2023. Cette opération a permis d’absorber les dilatations et les mouvements du bois qui se rétracte au fil de son séchage.
Des arbres de 250 ans pour la flèche
Au préalable, ce sont 2500 chênes français qui ont été prélevés dans nos forêts, « soit 0,1 % du bois que nous récoltons chaque année », rappelle Aymeric Albert, chef du département commercial bois de l’ONF, qui a coordonné les recherches pour identifier les arbres de la charpente. Un travail extrêmement précis puisque chaque arbre a été choisi en vue de sa destination future dans la cathédrale. « Les plus vieux, dans la flèche, ont 250 ans. Cela signifie qu’ils ont vu une révolution et deux guerres mondiales », souligne Aymeric Albert.
Six chênes de la forêt domaniale de Bercé pour soutenir la nef
Mais le vrai défi a consisté à trouver les arbres qui forment désormais le support de la flèche au niveau de la croisée du transept. Ils devaient mesurer au moins 20 m de long pour 1 m de diamètre, sans nœuds et avec une légère courbure afin de pouvoir suivre la voûte de la cathédrale. « Il nous en fallait six et nous en avons trouvé douze, tous issus de la forêt domaniale de Bercé dans la Sarthe à proximité du Mans. Nous savions que les seuls arbres qui pouvaient répondre à ce cahier des charges exigeant ne pouvait venir que de cette forêt dont le sol est très riche avec une grande réserve d’eau ce qui permet aux chênes de pousser rapidement – à leur vitesse de chêne – et surtout régulièrement. »
Maintenant que la charpente est achevée, les couvreurs vont pouvoir intervenir. Les équipes des Ateliers Perrault restent sur place afin de beffroi nord qui a été partiellement atteint par l’incendie. Elles seront là jusqu’à l’été environ. La date butoir du 8 décembre 2024 est toujours fixée pour entendre à nouveau un Te Deum dans Notre-Dame de Paris.