« Je préfère qu’on fixe un objectif raisonnable comme 500.000 logements rénovés chaque année et qu’on l’atteigne, plutôt que de faire de la surenchère en proposant 1 million de rénovations énergétiques sans parler des moyens. Pourquoi pas deux millions tant qu’on y est ? » La critique émane de la ministre du Logement Emmanuelle Cosse. Sa cible, c’est Emmanuel Macron qui, lors du débat entre les cinq candidats à l’élection présidentielle favoris des sondages, lundi 20 mars sur TF1, a annoncé sa volonté de rénover chaque année 1 million de logements. La ministre du Logement est sans doute la mieux placée pour comprendre qu’en la matière, l’ambition doit coller à la réalité des faits. Or, aujourd’hui, la rénovation massive bute sur de nombreux écueils dont le principal est certainement le financement.
En novembre dernier elle avait donc confié une mission au Plan bâtiment durable avec l’objectif de « susciter de nouvelles dynamiques » notamment avec les établissements bancaires pour la distribution de l’éco-prêt à taux zéro et la mise en action des sociétés de tiers-financement.
14 propositions
Cette mission a fait l’objet d’un rapport, remis mardi 21 mars par Philippe Pelletier, le président du Plan Bâtiment Durable. Premier constat la situation n’est pas idéale : « notre connaissance quantitative des prêts travaux de rénovation énergétique est incertaine », note ainsi le rapport. Pire : « notre connaissance qualitative de l’appétence des ménages à recourir à de tels financements est médiocre ». Concernant les aides : l’éco-prêt individuel - qui, bien qu'à taux zéro, souffrirait de la concurrence d'autre prêts à prix très bas et plus simples à obtenir- « ne redémarre pas » ; l’éco-prêt collectif en copropriété « ne fait que démarrer » et « l’éco-prêt Habiter Mieux et le fonds de garantie de la rénovation énergétique ne sont pas encore en place ». Pourtant, note le Plan bâtiment durable, l’éco-PTZ comme le Crédit d'impôt transition énergétique (CITE) sont indispensables et leur pérennisation cruciale. Le Plan bâtiment durable fait donc 14 propositions pour débloquer la situation (voir encadré) et a décidé de s’emparer de 3 sujets prioritaires.
Le premier, c’est l’engagement des banques dans des dispositifs souples comme des chartes d’engagement volontaire afin de « le rendre plus visible aux particuliers », explique Philippe Pelletier.
Tiers-financement
« Ensuite, nos travaux ont montré que le meilleur moment pour déclencher les travaux de rénovation, c’est celui de la transaction immobilière », a insisté le président du « Plan bât ». C’est le deuxième sujet prioritaire. Une dynamique déjà enclenchée avec le « green deal » signé entre l’Etat et le réseau Orpi fin février. « Et pour aller plus loin, il faut pousser les banques à développer une offre de prêt immobilier acquisition-rénovation », a ajouté Philippe Pelletier.

Troisième sujet prioritaire enfin : le tiers-financement qui bute sur des questions de garanties. Même si les premières sociétés portées par des régions (la SEM Energie Posit’IF en Ile-de-France, le Picardie Pass rénovation dans les Hauts-de-France) soutiennent via ce mécanisme innovant institué par les lois Alur et Transition énergétique la rénovation de copropriétés en finançant études et travaux, la question du cautionnement du financement collectif reste un problème. « Nous avons besoin de partenaires bancaires et de garanties pour sécuriser financièrement les travaux et pour que les entreprises soient payées en temps et en heure», a donc demandé Emmanuelle Cosse. Et pour cela, le Plan bâtiment durable compte sur une action collective des régions pour le développement du tiers-financement. « A l’heure où nous nous parlons, je sais que les Régions de France réfléchissent à se regrouper au sein d’une structure pour mutualiser leur action et leurs moyens », a annoncé Philippe Pelletier.
Une fois pérennisés les dispositifs d’incitation et de soutien à la rénovation et consolidée la solidarité des acteurs, le Plan bâtiment durable ne doute pas que "le développement du financement de la rénovation énergétique des logements est à (sa) portée". Et le million de logements rénovés ?