Pionnière de l'économie du réemploi (*) dans le secteur du bâtiment, l'agence belge Rotor vient de publier un livre très attendu, qui pose les principes d'une nouvelle organisation dans la construction, plus vertueuse que gaspilleuse. Très concret, ce manuel s'adresse aux professionnels, à leurs commanditaires, ainsi qu'aux étudiants. Il se révèle optimiste pour la position qu'il défend, à contre-courant des usages autant que réaliste, grâce à une vision prospective ancrée dans des pistes de développement tangibles.
Son organisation en deux parties est démonstrative, l'une plus chronologique, l'autre dans l'exposition des directions esquissées, toujours fortement contextualisée. Il y est d'abord rappelé que les impératifs de vitesse (économique et industrielle) ont dévié les acteurs d'une pratique historique de bon sens, qui consiste à utiliser l'existant avant de produire du neuf. Quelques modèles - anecdotiques - sont ainsi présentés, qui appliquent la récupération, dans des marchés de niche comme celui des revendeurs spécialisés de matériaux. Sont ensuite mis en avant les avantages à suivre cette voie pour l'environnement et pour la dynamique d'emploi. Ainsi arrive naturellement le point de vue idéal de l'Urban Mining, qui envisage les villes comme autant de gisements capables d'alimenter de nouveaux projets d'architecture, en pointant toutefois ses limites et les difficultés actuelles de sa mise en œuvre. La deuxième partie de ce texte collectif montre la nécessité de transposer à l'échelle de l'industrie la circularité déjà au cœur de l'artisanat.
Trois grandes pistes de solutions émergentes sont étudiées : celle qui repense l'élaboration des produits et leurs modes d'assemblage en anticipant leur réemploi (Design for Disassembly) ; celle qui vise à mieux informer sur les produits pour leur traçabilité ; enfin, celle qui s'appuie sur des incitations économiques et politiques pour restreindre la consommation matérielle en responsabilisant les acteurs. Loin d'être un récit d'anticipation, bien qu'il s'attarde sur le rêve d'un standard imposé qui rendrait disponible des composants interopérables, cet ouvrage à l'esprit universitaire est la seule référence en France.
Il n'hésite pas à passer au crible des contre-exemples comme des projets réussis : indispensable donc pour servir une révolution qui paraît inévitable.
DÉCONSTRUCTION ET RÉEMPLOI, COMMENT FAIRE CIRCULER LES ÉLÉMENTS DE CONSTRUCTION. Michaël Ghyoot (Rotor), L. Devlieger, L. Billiet, A. Warnier, Presses polytechniques et universitaires romandes, 2018, 232 p., 37,45 €.
