Présenté le 3 mai en Conseil des ministres, le projet de loi visant à créer des logements « abordables » ne comporte « aucune contrainte pour les maires, bailleurs sociaux, aménageurs, constructeurs », promet le cabinet du ministre du Logement Guillaume Kasbarian, dans le cadre d’un échange téléphonique avec la presse le 3 mai.
Composé de 14 articles, ce texte n’a pourtant pas séduit le Conseil national de l’habitat (CNH), organisme consultatif qui a voté contre. L’entourage du ministre veut retenir « les votes en faveur » des représentants d’Action Logement et de la Fédération des Entreprises sociales pour l’habitat (ESH) qui « démontrent les avancées pour le logement social et le logement intermédiaire ».
Faciliter l’acte de construire
Contraints de licencier en raison d’une crise de la demande que le gouvernement ne parvient pas à endiguer dans un contexte de restrictions budgétaires, les promoteurs immobiliers font également partie de ceux qui ont donné leur feu vert, convaincus par les mesures de simplification, telle que la réduction des délais de recours gracieux pour un permis de construire de six à deux mois, entraînant « jusqu’à 3% d’économies par projet » pour les opérateurs, selon l’entourage de Guillaume Kasbarian.
Sans surprise, l’Union sociale pour l’habitat (USH) ainsi que les fédérations des Offices publics de l’habitat (OPH) et des coopératives HLM ont voté contre. Dans leur viseur : l’intégration du logement locatif intermédiaire (LLI) dans les objectifs de la loi Solidarité et renouvellement urbain (SRU) prévue à l’article 1.
« Substituer du logement intermédiaire au logement social revient à faire reculer les chances des classes populaires et moyennes fragilisées d’accéder à un logement décent », s’inquiète l’USH le 3 mai.
Diversifier l’offre
Annoncée par le Premier ministre Gabriel Attal en début d’année pour créer un « choc d’offres », cette mesure phare concerne près de 1100 communes déficitaires en logements sociaux, soumises à une trajectoire de rattrapage, selon le cabinet de Guillaume Kasbarian.
Cas concret : si une municipalité doit créer sur trois ans 1000 logements sociaux, elle pourra intégrer jusqu’à 250 LLI. L’objectif de 20% ou 25% de logements sociaux à atteindre à l’échelle de telle ou telle commune, dans le cadre de la loi SRU, demeure.
L’idée est de diversifier l’offre, principalement en utilisant le levier LLI. « L’intégration de ces logements va permettre d’équilibrer financièrement des opérations qui auraient été déficitaires en étant 100% sociales. Aucun maire ne sera forcé à faire du logement intermédiaire », a insisté le ministre dans son interview au Parisien. La France compte actuellement 140 000 LLI sur un total de 33 millions de résidences principales.
Les maires en première ligne
Une autre mesure témoigne de la « confiance » du gouvernement envers les élus locaux : le peuplement de logements sociaux prévue à l’article 2. Concrètement, les maires pourront présider les commissions d’attribution HLM afin de « choisir parmi les profils qui lui ont été proposés », a déclaré Guillaume Kasbarian au Parisien le 2 mai. Seuls les logements sociaux qu’ils ont autorisés à la construction sont concernés.
En froid avec les gouvernements successifs depuis l’élection d’Emmanuel Macron en 2017, les bailleurs sociaux bénéficieront d’une politique « plus souple » leur permettant d’augmenter plus facilement les loyers, assure le cabinet de Guillaume Kasbarian. Ces « ressources supplémentaires » doivent leur permettre de relever le double défi de construction-rénovation, alors que la réduction de loyer de solidarité (RLS), en vigueur depuis 2018, grève leurs recettes annuelles de 1,3Md€, soit la manne nécessaire pour construire les 198 000 HLM par an dont a besoin la France selon le député de la majorité Lionel Causse.
Ce dernier s’est récemment illustré en retirant son projet de loi relatif au fonctionnement du Haut Conseil de stabilité financière (HCSF). En cause : l’adoption d’amendements ayant largement dénaturé son texte qui visait à faciliter l’octroi de crédits immobiliers aux ménages, en baisse de 40% l’an dernier sur fond de rapide hausse des taux.