Le Sénat adopte le projet de loi sur l'industrie verte en restaurant le pouvoir des élus locaux sur les grands projets

À l’issue de trois jours de discussions, les sénateurs ont adopté très largement le texte du gouvernement pour soutenir l’industrie verte. Sur 343 inscrits, 251 se sont prononcés en faveur du projet et 12 contre. Seuls 53 amendements ont été adoptés, modifiant à la marge le texte issu de la commission des Affaires économiques. Les principales évolutions concernent la restauration du pouvoir des collectivités locales dans le processus d’autorisation des projets d’intérêt national.

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Première étape franchie avec succès pour le projet de loi sur l’industrie verte. Après trois jours de discussion, les sénateurs ont très largement adopté le texte présenté par le gouvernement puis modifié mi-juin par la commission des affaires économiques. Sur les 343 inscrits, 251 se sont prononcés en faveur du projet porté par Bruno Le Maire, le ministre de l’Économie, et Roland Lescure, le ministre de l’Industrie. Seuls les douze sénateurs du groupe écologiste-Solidarité et territoires s’y sont opposés.

Les principales modifications apportées par les sénateurs en séance publique concernent le rôle des collectivités territoriales et des maires dans la modification des documents nécessaires à l’implantation d’installations industrielles.

Modification de la procédure de consultation du public

Les sénateurs ont notamment modifié le rôle des collectivités territoriales dans la réindustrialisation, inscrit à l’article 1er du projet de loi, qui prévoit d’adapter le Code général des collectivités territoriales en consacrant le rôle des dans le développement industriel des territoires. Les amendements adoptés visent à prévoir une consultation des départements en matière industrielle lors de l’élaboration du Sraddet (n°93) et à désigner un coordonnateur en charge de la mise en œuvre des objectifs de développement industriel prévus par le Sraddet afin "de pallier les défaillances actuelles de coordination territoriale et ainsi accélérer les implantations industrielles" (n°2 rect quater).

Objet de nombreuses critiques, la procédure de consultation du public prévue à l’article 2 du texte préparé par le gouvernement vise à mener, en simultanée, les différentes procédures administratives (c’est-à-dire la phase d’instruction par les et la phase de consultation). L’objectif de cette mesure est, selon le gouvernement, de réduire les délais d’autorisation des nouveaux sites industriels de dix-huit mois actuellement à neuf mois.

Pour les associations environnementales, soutenues par, notamment, les sénateurs EELV, cette nouvelle procédure présente le risque de lancer la consultation du public avant que les avis des experts ne soient divulgués. Ces craintes n’ont toutefois pas été écoutées par les sénateurs qui, malgré le dépôt de plusieurs amendements des sénateurs EELV et PS (dont le n°112) pour supprimer cette partie du texte, ont adopté l’article 2 sans modification majeure. Le délai de la consultation publique passe d’un mois actuellement à trois mois.

Cette dernière ne sera toutefois pas systématique puisque, comme le prévoit l’article 3 du projet de loi adopté par les sénateurs, "lorsqu’un débat global ou une concertation préalable globale a eu lieu pour un ensemble de projets envisagés sur un territoire délimité et homogène, ces projets sont dispensés de débat public propre ou de concertation préalable propre si leur mise en œuvre débute dans les dix ans suivant la fin de ce débat global ou de cette concertation globale. "Nous ne souhaitons pas de consultation systématique", a rappelé le ministre de l’Industrie Roland Lescure, justifiant son opposition aux amendements demandant le retrait de cette partie du texte. "Évidemment si la le juge nécessaire, cette consultation se fera de droit", a-t-il précisé.

Réutilisation des friches industrielles

Une partie des discussions se sont centrées sur un autre sujet crucial : celui de la réutilisation des friches industrielles, objet de l’article 5 du texte. Afin de reconvertir les 150 000 hectares estimés de friches industrielles présentes dans le pays, soit largement plus que les 20 000 hectares nécessaires à la réindustrialisation du pays, le gouvernement souhaite fluidifier la procédure de cession de l’activité.

Un article 5 bis A a été ajouté par les sénateurs, via l’amendement n°247 porté par la sénatrice Cécile Cukierman (PC, Loire), afin que le gouvernement remette un rapport sur les moyens nécessaires à la requalification des friches de plus de dix ans. La sénatrice souhaite connaître le nombre et l’état de ces fonciers ainsi que "leur capacité à être requalifiée" et "le coût que cela peut induire" pour évaluer la "libération de foncier [qui] peut être [envisagée pour] les années à venir", a indiqué la sénatrice pour défendre son amendement.

L’article 6, visant, selon les mots du ministre de l’Industrie Roland Lescure, à "faire payer les pollueurs" et assurer que "l’État ne paie pas toute la remise en sécurité et la réhabilitation" des sites industriels, a également été modifié par les sénateurs. Ces derniers ont adopté deux amendements identiques (le n°164 rect. et le n°310) pour augmenter à 45 000 euros (contre 10 000 euros actuellement) l’amende en cas d’exploitation illégale d’un site, quel qu’il soit (ICPE ou non), au regard des diverses autorisations prévues par le code de l’environnement.

À l’inverse, l’amendement n°311, présenté par le gouvernement, qui demandait la suppression du mécanisme de garanties financières, n’a pas été adopté.

Sites naturels de restauration et de renaturation

Concernant l’article 7 portant sur la création des SNRR (sites naturels de restauration et de renaturation), plusieurs amendements demandant la modification de la dénomination de ces sites ont été rejetés par les sénateurs malgré le risque de confusion entre compensation et restauration, souligné en commission.

Une modification, introduite par l’amendement n°232, permettant l’articulation du label bas carbone avec les SNRR, a, quant à elle, été adoptée.

Déplorée par l’ensemble des parties prenantes, la question de l’absence de définition des projets d’industrie verte, abordée à travers l’article 8 portant la déclaration de projet sur l’intérêt général a, de nouveau, été l’objet de nombreuses discussions.

Le sénateur EELV Daniel Salmon a regretté un "périmètre flou" et a été soutenu par le rapporteur Laurent Somon. Malgré cela, tous les amendements visant à préciser la liste des technologies de décarbonation ont été rejetés après avis défavorable du gouvernement qui ne "souhaite pas entrer dans un inventaire de Prévert". Roland Lescure a précisé que la liste des technologies serait établie via décret. La déclaration sur l’intérêt général a, par ailleurs, été encore élargie par les sénateurs via l’amendement n°61 rect bis qui l’étend désormais également aux "entrepôts de logistique directement lié au processus de fabrication ou d’assemblage".

Décompte de l’artificialisation

Le rôle des élus locaux dans la modification des documents de planification nécessaire à l’implantation de certains sites industriels a été restauré via plusieurs amendements adoptés au titre de l’article 9. Parmi eux, l’amendement n°67 intègre la possibilité pour les élus de s’opposer à l’évolution de leur document de planification nécessaire à certains grands projets d’intérêt national, dès lors qu’ils estiment que ceux-ci ne sont pas acceptables tel qu’ils sont envisagés. Cette évolution est conforme aux engagements que le ministre avait pris devant les sénateurs.

Malgré l’avis favorable du gouvernement, les sénateurs se sont opposés à l’amendement n°293 déposé par le sénateur RDPI-Renaissance Bernard Buis, qui visait à recueillir l’accord du maire avant de laisser les mains libres à l’État. "Nous voulons que l’avis des collectivités soit recueilli tout au long du projet, pas seulement au début", a notamment expliqué Sophie Primas (Yvelines), la présidente LR de la commission des Affaires économiques.

L’article 9 bis, qui instaure une exemption des projets d’industrie verte du décompte du , a été conservé en séance publique. Un amendement du gouvernement, qui renvoyait le sujet à l’adoption d’une autre loi (celle issue de la proposition de loi sénatoriale sur le ZAN), a été rejeté. Le texte n’est donc pas en phase avec ce que prévoit à ce stade ce second texte en cours d’examen à l’Assemblée nationale. En l’état, ce dernier propose un décompte à part des projets d’intérêt national (incluant les projets d’industrie verte), à hauteur de 15 000 hectares. L’enveloppe restante de 110 000 hectares sera ainsi péréquée entre les régions.

Plusieurs amendements, dont le n°372, impose, dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la loi, au gouvernement de remettre au Parlement un rapport portant sur le bilan du programme national Territoires d’industrie.

Le projet de loi ainsi modifié doit désormais être discuté à l’Assemblée nationale. Il y est attendu le 17 juillet.

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