Le trafic quotidien qui transite aujourd'hui, à l'ouest de l'agglomération rouennaise, entre les deux rives de la Seine, avoisine les 100 000 véhicules. Un flux qui, faute de liaison directe, emprunte les voies urbaines du centre-ville déjà fortement chargées. Le sixième pont sur la Seine, qui contribuera à l'achèvement de la liaison entre l'autoroute de Normandie (A13) au sud et l'A150 au nord, permettra donc de détourner, à l'horizon 2007, une part importante de cette circulation et de dynamiser les activités économiques (port et marché d'intérêt national) situées à l'ouest de la préfecture de Seine-Maritime.
Un pont levant de 86 m de haut
L'ouvrage, attendu depuis plus de trente ans, sera un pont levant (1) qui culminera à 86 m au-dessus des quais de la Seine et dont les deux tabliers indépendants permettront de dégager un gabarit de 55 m (par rapport aux plus hautes eaux navigables) autorisant le passage des navires de l'Armada (2) et des paquebots de croisière. Cette solution a en effet été préférée à l'option tunnel pour des raisons de coûts, mais aussi pour la possibilité d'y faire transiter des transports de matières dangereuses. Première difficulté majeure de ce projet de 50 millions d'euros HT : la construction des deux socles elliptiques qui serviront d'appuis aux pylônes de 60 m de haut. « Ces structures, qui abriteront aussi une partie des mécanismes de levage, seront protégées par 4 gabions de 20 m de diamètre, conçus pour résister au choc éventuel d'un bateau de croisière », précise Michel Moussard, directeur de projet d'Arcadis. « Chacune des deux boîtes de 35 x 20 m, dont le poids avoisine les 2 700 t, ne pouvait être construite à quai, explique Florent Janssen, un des responsables du chantier de Quille (filiale de Bouygues Construction), eu égard aux moyens de levage qu'il aurait ensuite fallu mettre en oeuvre. La solution qui aurait consisté à les transporter par flottaison étant, quant à elle, exclue en raison des problèmes de flottabilité inhérents à ce type de structures en béton. » Quant à l'option batardeaux, elle était tout bonnement irréalisable pour des questions de coûts de dimensionnement et d'encombrement, « ceux-ci devant reprendre 14 m de charge d'eau ».
Anticiper le recépage
La technique retenue consiste à réaliser deux estacades (3) provisoires constituées d'une structure métallique et d'un platelage béton. Dix-huit tubes acier (diamètre 1,80 m), ancrés à une profondeur de 4 à 6 m, ont ensuite été battus à partir de chacune d'elles, les pieux étant alors forés et bétonnés. « Nous avons équipé les cages d'armature du système Recépieux qui nous permettra, dans quelques mois, de réaliser le recépage (4) par expansion chimique », précise Florent Janssen. A la clé : des gains de temps importants, l'opération ne devant prendre théoriquement qu'une semaine, contre trois semaines pour une intervention classique au brise-roche hydraulique. « Nous avons conçu des gabarits métalliques pour fixer les 24 fioles d'agent expansif qui équipent chaque cage », celles-ci ne devant, bien entendu, pas subir le moindre risque de déplacement lors du bétonnage qui s'effectue au tube plongeur sous 10 m d'eau.
Le radier des socles, décomposé en 19 éléments en béton préfabriqués, sera ensuite reconstitué sur les tubes des pieux, le voile périphérique de 15 m de haut, construit par l'intermédiaire d'un coffrage glissant, étant alors réalisé. Les caissons, rigidifiés par des nervures de 1,50 m d'épaisseur, seront ensuite descendus, au moyen d'une charpente métallique et d'un système de vérins hydrauliques prenant appui sur les têtes de pieux, les boîtes coulissant ainsi le long des pieux jusqu'à quelques centimètres du lit du fleuve. Un béton immergé, destiné à solidariser la structure avec les pieux et assurer l'étanchéité, sera coulé au final. Les boîtes seront alors vidangées, le radier final étant complété par la mise en oeuvre d'une couche de 3 m de béton. Ce n'est qu'après la vidange, avant le coulage du béton, que les fioles seront remplies de l'agent chimique par l'intermédiaire de canules (petits tuyaux) en attente. Dernier détail pratique : « Nous avons intégré, dans les cages d'armature, des plaques de bois contreplaqué sur la hauteur de recépage afin de subdiviser en trois éléments la partie recépée, celle-ci représentant un poids d'environ 10 t », précise Florent Janssen.
(1) C'est un pont à translation verticale (voir «Le Moniteur» du 14/06/2002, p. 89). (2) Flotte constituée des bateaux les plus prestigieux qui se donnent rendez-vous à Rouen. (3) Estacade : ouvrage sur pieux ou pilotis servant d'appontement ou de voie d'accès. (4) Recépage : enlèvement en tête de pieu du béton en excédent qui se trouve au-dessus du niveau définitif.
Fiche technique
Maîtrise d'ouvrage : ministère de l'Equipement, des Transports et du Logement.
Maîtrise d'oeuvre général : DDE de Seine-Maritime.
Maîtrise d'oeuvre particulier et conception : Arcadis (mandataire), Eurodim, Serf ; Michel Virlogeux ; Aymeric Zublena.
Coordonnateur SPS : Présents.
Entreprises : Sous-groupement Quille (mandataire)-Eiffage TP (génie civil) ; sous-groupement Eiffel- Victor Buyck (charpente métallique et mécanismes) ; Presspali (sous-traitant fondations).
PHOTOS :
Les travaux sont réalisés à partir de deux estacades provisoires constituées d'une structure métallique et d'un platelage béton.
Le radier de chacun des socles elliptiques est constitué de 19 éléments en béton préfabriqués sur le site.
SCHEMAS :
Plan de principe des socles elliptiques
Coupe d'un socle en cours de réalisation
