Ballottés par la crise, beaucoup de négociants en matériel électrique ont réagi spontanément en réduisant leur stock. Cependant, la finalisation de nombreux projets au second semestre 2010, tant chez les intégrés que dans les groupements, montre que la plupart n’ont pas cessé d’investir pendant cette période difficile. Ainsi, SCT Tout-electric (adhérent Partelec au CA d’environ 120 millions d’euros) a-t-il investi plus de 7 millions d’euros en 18 mois dans la création de deux plates-formes logistiques, l’ouverture de trois agences, la migration de son activité sous SAP, et mène actuellement la rénovation de ses showrooms. « Il nous faut être prêts pour l’après-crise », souligne Bernard Moulas, directeur commercial de l’entreprise toulousaine. « Notamment sur les segments du génie climatique et des EnR, sur lesquels nous sommes traditionnellement bien positionnés avec des cellules d’experts et des agences qui servent de pilotes au réseau. »
A l’image de cet indépendant, les deux grands leaders du marché - Sonepar et Rexel - ont également décidé de réagir face aux mutations du marché et ont cherché de nouveaux relais de croissance. Sur les segments du génie climatique et des EnR, les défis se situent tant en amont qu’en aval. Côté produits, il a fallu repenser les plans de vente, avec des rythmes d’innovations plus rapide, l’intégration de plus d’accessoires qui ne sont pas forcément dans la « culture électrique ». En terme logistique aussi, il a fallu s’adapter. Avec des produits thermiques et hydrauliques plus volumineux, à ajuster aux spécificités régionales - jusqu’à 40 % du référencement -, avec des taux de rotation variant au rythme de l’explosion de « minibulles fiscales », l’équation n’est pas simple.
Se mettre au niveau pour la clientèle
Enfin, le grand défi du négociant électrique s’incarne dans sa clientèle. De l’avis de tous les intervenants, si les électriciens ont su gérer la crise et la LME en termes de bonne gestion de leur activité, ils sont en revanche en grande majorité en retard en termes de formation et d’information sur les nouveaux métiers de l’efficacité énergétique. Ceux qui constituent les deux tiers de la clientèle du négoce électrique ont besoin d’être accompagnés d’un point de vue technique mais également commercial et réglementaire. Faute d’offres claires et d’accompagnement, cette cible ne s’est pas engagée sur des segments pourtant porteurs, ou bien elle est allée vers d’autres réseaux qui, plus tôt que l’électrique, ont clamé haut et fort leur compétence sur les EnR : les négoces sanitaire-chauffage. Parfois, elle s’est tout simplement passée de la distribution - comme sur le photo- voltaïque - en allant directement se fournir auprès des industriels.
L’enjeu commercial pour les agences de distribution électrique sur ces segments est donc de taille : récupérer les clients électriciens partis chez d’autres spécialistes, accompagner la grande majorité qui hésite encore à se lancer dans ces chantiers, attirer les spécialistes chauffagistes et thermiciens toujours à l’affût du réseau qui répondra le mieux aux nouvelles exigences de ces marchés. Pour cela, les négociants ont dû se constituer des forces internes. Chez Rexel, pour spécialiser 150 agences en thermique et hydraulique, 70 experts ont été recrutés, en plus de certaines évolutions internes. Chez Sonepar, la direction a plutôt fait le pari de la formation. Par un vaste programme d’évaluation interne, elle a identifié les compétences présentes dans chacune des agences. A partir de cette cartographie, un plan de formation individuel a été mis en place afin de pouvoir garantir dans une centaine d’agences Sonepar la présence d’équipes technico-commerciales et d’experts dédiés à ces marchés. « Sur les 3 500 heures de formation planifiées, déjà 2 600 étaient réalisées en octobre 2010 », note Denis Mondo, chef de marché génie climatique et EnR de Sonepar.
Le travail sur l’offre, la logistique, les compétences internes accompli, reste désormais un but: accompagner le client sur des chantiers prometteurs en terme de valeur ajoutée. Chez Sonepar, cette volonté passe par un credo : « décomplexer les artisans en étant à leur côté, avec des solutions globales ». Une ambition sanctionnée par les « labels » Pôle Eco Conseil et Thermique Conseil. Chez Rexel, il s’agit d’être « le conseiller, celui qui avec des offres complètes pourra faire des préconisations poussées, même par téléphone ». Car les pratiques de la clientèle ont notablement évolué en ce sens. Désormais, en moyenne 70 % des commandes se font par téléphone et non plus en agence. Les négociants investissent aussi dans des clubs d’installateurs ainsi que sur leur site Internet.
Le web leur permet de se positionner comme vendeur de solutions et non plus de produits individuels, ce qui est souvent la difficulté des salles d’exposition. Cet axe est fondamental dans les nouveaux segments du thermique et de l’hydraulique, mais également dans le domaine de la domotique. Or, cette dernière est le deuxième ressort sur lequel les spécialistes du matériel électrique peuvent espérer un rebond de leur activité. Malgré les déboires passés de la domotique, les négociants investissent encore ce segment avec deux lectures. La première est récente car elle est liée aux problématiques énergétiques.
Vendre le « bénéfice sociétal » de la domotique
En effet, en se positionnant sur la bonne gestion des dépenses énergétiques, la domotique a trouvé dans le discours environnemental du Grenelle les arguments pour percer. La juste gestion des bâtiments en terme d’énergie est le nouveau cheval de bataille des négociants électriques qui testent plusieurs approches commerciales pour sensibiliser le secteur industriel et le tertiaire. Quant au résidentiel, le négoce ne veut pas abandonner la réelle plus-value de confort apportée par ces technologies. Mais il tente de le positionner dans une perspective sociétale : le vieillissement de la population. « Le potentiel du marché de l’autonomie est énorme », souligne Philippe de Beco, président du directoire de Socoda. « Nous devons vulgariser auprès des électriciens les solutions domotiques qui s’inscrivent dans cette tendance afin qu’ils soient plus proactifs sur ce segment. C’est pour cela que nous avons sorti un guide intitulé Mieux vivre chez soi grâce à la domotique. » Le groupement réfléchit d’ailleurs à la création d’un «label» VDI pour distinguer les agences dotées d’experts sur ce sujet (tout comme elle veut créer un label EnR.)
Au final, l’année 2011 se présente donc comme une période de déploiement de toutes ces stratégies pour le négoce électrique, qu’il soit intégré ou indépendant. Et même si la conjoncture économique reste précaire, il semble que la crise aura eu au moins un effet positif : celui de pousser ce secteur à reprendre l’initiative sur les nouveaux segments afin de trouver des relais de croissance.





