Il aura fallu quatre ans de conception, de construction, d’installation et de démarrage. Coralium, la fonderie d’aluminium bas-carbone portée par les familles Liébot et Corre, industriels vendéens, est opérationnelle et inaugurée. Ce projet très stratégique représente pour les deux co-propriétaires (voir encadré) 42 M€ d’investissement pour un site industriel hors normes, puisqu’il est le premier en France à combiner en un lieu unique une fonderie d’aluminium bas-carbone et un centre de traitement des déchets aluminium. Chutes de production et aluminium en fin de vie issus des produits du bâtiment y sont triés plusieurs fois pour éliminer tout ce qui n’est pas aluminium pur – résidus de joints, de plastiques, de laquage, etc. - puis transformés en « chips ». Chaque « chip » est passée au rayon X, qui calcule la qualité d’alliage. « Nous ne gardons que les alliages de très bonne qualité », explique Christian Chevreul, directeur général Industries du groupe Liébot.

L’aluminium ainsi nettoyé se voit offrir une nouvelle vie en étant directement acheminé dans un four, qui liquéfie la matière avant de la transformer en billettes d’aluminium bas carbone. « Nous voulons couler de la matière brute, c’est la clé de la qualité ». Quelque 38 000 tonnes de déchets valorisés devrait ainsi être traitées chaque année. Cette permettra de préserver 4 tonnes de bauxite (principal minerai d’aluminium) pour une tonne d’aluminium recyclé.
Entre 80 et 100% d’aluminium recyclé
L’aluminium recyclé sur le site Coralium est directement acheminé par une rampe vers la fonderie proprement dite, où il est préchauffé à 400°C, puis fondu à 1100°C pendant 2 à 3 heures dans un four de 220 tonnes.

Après une phase de latence dans un four de maintien à 740 °C, la matière liquide s’écoule par gravité dans une table de coulée, puis est refroidi grâce à de l’eau recyclée afin de solidifier. Ainsi naissent les billettes, 8 ou 9 pouces de diamètre coupées à une longueur de 7 mètres. À sa sortie, chaque billette est marquée d’un QR code indiquant sa composition chimique et son taux d’aluminium recyclé, ce qui assure une traçabilité totale.
Grâce à la maitrise de ses approvisionnements, la qualité du traitement des déchets et un process de fabrication innovant, une billette Coralium – baptisée R80 - contient plus de 80% d’aluminium recyclé, issu de déchets français d’aluminium. Selon les besoins des clients ce taux pourra varier entre 80 et 100%, soit une empreinte carbone très faible, voire nulle. La billette à 80% présente ainsi une empreinte parmi les plus faibles de France : 1,67 kg de CO2 par kilo d’aluminium, soit une baisse de 70% par rapport aux billettes standards actuelles à 5,8 kg de CO2. La billette R80 sera la billette standard de Coralium pour les marchés de l’industrie et du bâtiment.
Des besoins largement couvert
Coralium, dont la première coulée a eu lieu le 19 juin 2025, devrait monter en puissance pour produire 26 000 tonnes de billettes bas-carbone en 2026. L’objectif étant d’atteindre en 2027 une production de 40 000 tonnes de billettes. « Avec cette capacité, nous couvrirons largement les besoins de nos deux groupes qui à eux deux ont besoin de 30 000 tonnes », expliquent Thierry Corre, dirigeant de Fineiral et directeur général de Coralium, et Jean-Pierre Liébot, président du groupe familial – regroupant les marques K-Line, MéO, Wibaie, Bipa et Ouest Alu – qui préside également Coralium. « Les 10 000 tonnes restant seront vendues à d’autres industriels. »
Pour l’anecdote, 40 000 tonnes d’aluminium, c’est un gisement équivalant à plus d’un million de menuiseries aluminium : fenêtres, coulissants, portes d’entrée ! Mais ce site industriel innovant est aussi une véritable arme de guerre. Il devrait permettre de mettre fin à une abérration économique et environnementale qui fait que la grande majorité des déchets aluminiums français sont aujourd’hui exportés vers d’autres marchés (Union européenne ou Chine) faute de structure industrielle disponible pour les traiter. Et les fabricants de profilés français sont obligés de racheter de l’aluminium primaire à l’étranger, générant des transports à répétition. « Avec Coralium, 50% des profilés aluminium sont consommés dans la région, qui a une forte densité d’entreprises consommatrices, fabricants de fenêtres et surtout de vérandas. Coralium est la pierre angulaire d’un écosystème fournisseur-fabricant-recycleur. Il ne faut pas que l’aluminium du bâtiment, qui est le plus pur, parte vers d’autres industries comme c’est encore trop le cas ! »
De plus, ce complexe industriel qui a été validé le 24 février 2022, jour de l’invasion russe en Ukraine, est un rempart contre la flambée des prix et sécurise l’approvisionnement en permettant de maîtrise l’ensemble du circuit. « Coralium est un acte de souveraineté, qui nous permet de transformer nos déchets en ressources », concluait Gérard Gavory, le préfet de Vendée, avec emphase. Vu la situation géopolitique en Europe et aux États unis et la part que prend l’économie circulaire dans notre société, on ne lui reprochera pas de s’emballer un peu.
Une alliance au service de la réindustrialisation française
Coralium est né et a été financé par deux entreprises vendéennes :
– Le groupe Liébot, détenteur de 60% du capital. Cette ETI familiale des Herbiers (750 M€ de chiffre d’affaires 2024) emploie 3 700 salariés au sein de 13 sociétés (K-Line, Wibaie, MéO, Bipa, Ouest Alu, etc.). Elle figure parmi le top 5 européen de la fenêtre et de la façade.
– Le groupe Fineiral, détenteur de 40% du capital, est spécialisé dans le traitement de l’aluminium : thermolaquage, extrusion, logistique, etc. Le groupe (50 M€ de chiffre d’affaires 2024) dont le siège est situé à proximité de la fonderie à Sainte-Hermine rassemble 140 salariés au sein des entreprises Reinal, Algis et Aluminia.
Le projet Coralium représente un investissement de 42 M€, contre 30 M€ prévus initialement. Il a bénéficié du soutien de l’État, à hauteur de 9 M€ - 5,4 M€ de subventions et 3,6 M€ de prêts - dans le cadre de l’appel à projet « métaux critiques » France 2030, qui vise à développer la compétitivité industrielle et les technologies d’avenir, et dont l’un des volets concerne la décarbonation de notre industrie.
Coralium, qui comptait 25 salariés au jour de son inauguration, en emploiera 60 lorsque le site tournera à plein régime. Participant à la dynamisation de l’emploi dans ce secteur du sud-Vendée, moins privilégié que les zones de La Roche-sur-Yon et Les Herbiers, il apporte aussi sa contribution à la dynamique de réindustrialisation française.