Les riches heures des Richter et associés

Distinction - L'Equerre d'argent 2018 a récompensé une agence qui se consacre au développement du lien social et de l'urbanité.

 

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Pascale Richter (à gauche) et son frère Jan Richter (à droite) sont associés depuis 2002. Anne-Laure Better (au centre) les a rejoints en 2011.

« A présent, il y aura toujours pour nous un avant et un après l'Equerre d'argent », témoignent Pascale Richter (née en 1966), son frère Jan Richter (né en 1968) et Anne-Laure Better (née en 1980). Tous trois se disent émus par le fait qu'un bâtiment dédié aux pathologies mentales - le centre de soins psychiatriques qu'ils ont réalisé à Metz (Moselle) - figure à présent dans la liste des réalisations « équerrées », dont ils estiment que certaines ont marqué l'histoire de l'architecture française (par exemple le musée Picasso de Roland Simounet primé en 1985 ou l'Institut du monde arabe de Jean Nouvel et Architecture-Studio en 1987). L'écriture architecturale de l'agence Richter Architectes et associés - à la fois grave et légère, intuitive et analytique, douce et sans fioriture, contextuelle et sans frontières - reflète une dualité qui prend sa source dans la double nationalité, française et alle mande, du frère et de la sœur. Une enfance outre-Rhin durant laquelle s'est construit un socle culturel de type Mitteleuropa, joyeux mélange de littérature, musique, photographie, peinture, architecture, toujours à l'œuvre lors de la conception des projets.

Le goût du paysage. Dans cette Allemagne alors coupée en deux, se développe également chez eux une aptitude à trier très vite ce qui est important et ce qui ne l'est pas. Une capacité que le devoir de mémoire de la Shoah a contribué à façonner dès leur plus jeune âge. En 1981, la famille Richter passe la frontière et s'installe à Strasbourg. Un étudiant architecte rencontré à un festival de rock invite Pascale à visiter un chantier. Un premier contact avec une discipline créative dont elle perçoit l'interaction constante avec le monde réel. Chez Jan, l'appétence pour cet art naît à l'internat et se concrétise immédiatement par un abonnement à la revue « Casabella ». Quant à Anne-Laure, elle attrape le virus alors qu'elle est encore écolière : dans l'exploitation agricole familiale dédiée à l'élevage de bovins, ses heures de loisirs consistent à imaginer cabanes et maisons.

Chez les Richter, les études sont encore marquées du sceau de la dualité, un pied dans l'école d'architecture de Strasbourg, l'autre dans celle de Paris-Belleville, au sein du collectif UNO. Une véritable école dans l'école dédiée à l'enseignement des fondamentaux corbuséens, histoire de maîtriser l'espace avant de se lancer dans une écriture personnelle. Pour Pascale, une année universitaire passée à la faculté de Montevideo (Uruguay), pays alors en reconstruction après treize années de dictature, lui fait prendre conscience des enjeux sociaux du métier. Une conscience à l'œuvre aujourd'hui, notamment dans les projets de maisons de retraite et unités de soins psychiatriques qui génèrent urbanité et lien social dans leur environnement.

Une autre facette des projets de l'agence avait été développée dès 1995, lors de son association avec Dominique Coulon (né en 1961). « Dans les bâtiments que nous avons réalisés ensemble, la dimension paysagère était très présente, par exemple l'hôpital d'Ingwiller (Bas-Rhin). Et je pense qu'elle est toujours aussi forte dans le travail de l'agence », souligne l'architecte. S'installant en solo en 1999, toujours à Strasbourg, elle est rejointe en 2002 par son frère Jan, puis par Anne-Laure Better, ancienne étudiante de Pascale, qui prend le statut d'associée en 2011.

Nage, concerts et bons vins. A peine avait-elle passé la main pour la direction des Journées de l'architecture rhénane (créées en 2001 et dirigées pendant sept ans) que Pascale fondait, avec six autres membres aux profils professionnels divers, le groupe Wasistdas. A la manière viennoise, il se réunit chaque semaine au café pour débattre des problématiques de la vie dans la cité. A l'agence, si la production des bâtiments se nourrit d'une culture architecturale constamment actualisée (Mies Van der Rohe, dont le portrait trône au milieu des tables à dessins, reste la référence immuable), l'attention est portée, depuis les débuts, à l'objet bâti, à ses usages. D'où parfois une presque trop grande sobriété formelle que les derniers projets ont dépassée. Et toujours, la justesse de l'espace.

Un socle culturel Mitteleuropa, fait de littérature, de musique, de peinture et d'architecture.

En cela, la réalisation de maisons de retraite ou d'unités psychiatriques a été formatrice. Des lieux destinés à des usagers aux perceptions exacerbées ou très diminuées, pour lesquels les sensations spatiales font partie du protocole de soin. « Il y a eu jusqu'au dernier jour du chantier des allers-retours permanents entre nos équipes et les architectes, souligne Véronique Defloraine, directrice des travaux côté maîtrise d'ouvrage du centre psychiatrique de Metz-Queuleu. Dans notre domaine, nous sommes souvent dans le paradoxe, comme celui de souhaiter de la lumière naturelle à l'intérieur sans que les patients soient pour autant vus de l'extérieur. Ce qui nécessite beaucoup d'écoute. » Depuis les premières maisons de retraite, les programmes se sont diversifiés (bureaux, logements, aménagements urbains, etc. ). Leurs projets rêvés ? Une piscine, pour Pascale, nageuse qui franchit chaque semaine la frontière pour crawler dans les bassins en plein air, même en hiver : selon elle, un équipement plus écologique que les piscines couvertes. Pour Jan, ce serait une salle de concert-conservatoire, cette fois non pas en périphérie de ville mais en pleine densité urbaine. Pour l'épicurienne Anne-Laure, qui apprécie le bon vin et la gastronomie, ce serait un chai ou une halle de marché. En attendant, levons notre verre à l'agence Richter.

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