Où en sont les différents chantiers du tunnel de base en France ?
Nous sommes dans les temps. Sur les 163 km des deux tubes du tunnel de base, tunnels de service et autres galeries, 34 km ont été excavés. A Saint-Julien-Montdenis, où se trouve l’entrée du tunnel, le groupement Implenia-NGE doit creuser 3 km en méthode traditionnelle dans une géologie contrastée. Il a progressé de 350 m sur les deux tubes, en avance de trois mois sur les prévisions. Sur la portion Saint-Martin-la-Porte-La Praz, attribuée à Vinci et à ses filiales, l’un des deux tunnels existe déjà puisqu’il s’agit de la galerie de reconnaissance dont le creusement s’est achevé en 2019. Cinq tunneliers ont été commandés à l’entreprise allemande Herrenknecht pour creuser le reste de cette section ainsi que le dernier tronçon côté français, réalisé par Eiffage. Telt a réceptionné le premier en juillet et la réception des suivants est prévue entre cette fin de semaine et mi-février.
Où en est-on côté italien ?
Le contrat de percement des 12,5 km du tunnel de base a été attribué fin août pour 1,1 milliard d’euros et le passage de relais entre le groupement qui a réaliséle tunnel logistique de la Maddalena et le groupement lauréat [Itinera, Spie Batignolles, Ghella, NDLR] aura lieu fin novembre.
Quel est le principal défi technique des chantiers en cours ?
Sans aucun doute le creusement des quatre puits de ventilation d’Avrieux, réalisé en raise-boring. Le deuxième puits vient d’être achevé avec une déviation de 2 cm – 5 cm pour le premier –, un exploit lorsqu’on doit percer 500 m de roche à la verticale ! Au pied des puits, la gare souterraine et les deux tubes de lancement des tunneliers sont quasiment achevés.
Quels sont les prochains jalons ?
Deux étapes importantes avec d’abord la signature d’ici la fin de l’année des contrats pour la valorisation des matériaux excavés en France et en Italie, et la clôture, le mois prochain, de l’appel d’offres de 3 milliards d’euros pour les équipements ferroviaires du tunnel, qui sera attribué début 2027. Nous aurons alors achevé la phase des autorisations et des appels d’offres importants pour entrer pleinement dans la phase de construction. Sur le terrain, le vrai changement sera l’entrée en action des tunneliers fin 2024 ou début 2025.
L’écroulement rocheux en vallée de la Maurienne a-t-il impacté vos chantiers ?
Non, nous avons réorganisé notre accès à la vallée par la route. Mais cet incident, intervenu alors que le deuxième tube du tunnel routier du Fréjus n’est pas encore ouvert et que le tunnel du Mont-Blanc devait être fermé plusieurs mois pour d’importants travaux de maintenance, a démontré la nécessité de disposer d’une liaison moderne entre l’Italie et la France, deux partenaires majeurs du fret dans l’ouest de l’Europe. Notre responsabilité de tenir le planning s’en trouve renforcée.
Comment percevez-vous les incertitudes concernant le financement des voies d’accès au tunnel en France ?
Ces discussions nous impactent dans la mesure où nous avons besoin d’avoir un phasage fiable du trafic et du volume transporté afin de préparer notre exploitation. Ce sont bien sûr des décisions stratégiques et à fort impact économique. Une récente réunion entre la Commission intergouvernementale (CIG) et la Commission européenne a permis de commencer à construire les conditions d’un cofinancement européen, validant la modernisation des lignes existantes et la réalisation de nouvelles infrastructures, avec l’objectif de signer un accord en janvier 2024.
Les derniers mois ont été marqués par une manifestation contre le projet côté français ainsi que par des actes de vandalisme sur le chantier. Comment gérez-vous les oppositions ?
Nous sommes habitués à cette situation en Italie où nous rencontrons une opposition très radicale, enracinée dans la vallée, et où le projet peut décider du sort d’un gouvernement : en 2019, il a fait éclater la coalition entre la Ligue et le Mouvement 5 étoiles. Cinq sites du projet sont déclarés d’intérêt stratégique national, protégés par la police et l’armée avec une procédure bien établie en cas d’attaque. Je suis moi-même sous protection depuis dix ans. La manifestation française était une nouveauté, et d’un genre différent, menée par un mouvement, les Soulèvements de la Terre, qui n’est pas enraciné localement mais qui se déplace au gré de ses combats. Mais les populations locales sont globalement favorables au projet et l’Etat affiche un soutien constant.