Aujourd'hui, on trouve sur le marché des produits à base de paraffine, qui en passant de l'état solide à liquide, ou inversement, capte ou libère des calories, et ainsi lissent les températures intérieures des bâtiments. Le plus répandu est celui proposé par le chimiste Dupont. D'une épaisseur d'un demi-centimètre, d'après son concepteur, l'inertie qu'il peut apporter équivaut à celle d'un mur de béton de 3-4cm. Composé de microbilles de paraffine empaquetées entre deux feuilles d'aluminium, a raison d'un m² de panneau par m3 d'air, il pourrait, en été, en se chargeant en apport passif, abaisser les températures des pièces de 4°C.
Les calories emmagasinées la journée étant rediffusées progressivement dans les pièces, le produit ne peut pas se passer d'une surventilation nocturne, permettant d'évacuer la chaleur déchargée au cours de la nuit.
D'après le fabricant, la France est le pays européen le plus friand de cette solution, aujourd'hui réservé à un marché de niche. Particulièrement adaptée aux rénovations, où apporter de l'inertie demande souvent de l'espace, et aux ossatures légères, pour lesquelles il manque de matériaux denses capables d'emmagasiner la chaleur ou la fraîcheur, Dupont en a récemment vendu à un constructeur recyclant des containers de marchandises en logements.
Renforcer l'inertie du béton pour réduire son épaisseur
La paraffine peut également être introduite au sein de matériaux minéraux en vue de renforcer leur capacité à emmagasiner les calories. Le "Weber.mur Clima", développé par Saint-Gobain en partenariat avec le chimiste BASF, est un plâtre à inertie renforcée grâce à l'incorporation de Micronal® , microbilles de cire de paraffine encapsulées dans un polymère acrylique . Si on ne le trouve pas dans les catalogues français de Saint-Gobain, l'entreprise hexagonale le propose confidentiellement outre-Rhin.
De son côté, le leader mondial de la chimie teste en ce moment, outre-Manche, un béton enrichi en paraffine, sur un immeuble de bureau. Le but recherché est de pouvoir disposer d'une inertie équivalente avec des épaisseurs de béton moindre.
Chargé de repérer les marchés de demain du secteur de la construction chez Basf, Julien Luangraj observe une demande importante de la part des architectes sur ce type de produits. Anticipant un développement à plus ou moins long terme, le chimiste a récemment acquis plus de 50% des parts d'Aspen Aerogel, société développant des produits à base de nanogel, matière qu' il est également possible d'incorporer à des matériaux classiques.
Apporter de l'inertie aux panneaux en fibres de bois
Au sein de la PME audoise Actis, on réfléchit à l'incorporation de nanogel dans les panneaux isolants en fibres de bois, toujours pour apporter de l'inertie au matériau.
Chez Saint-Gobain, on reconnaît avoir mis en place des moyens de recherche conséquents pour développer des systèmes utilisant le changement de phase comme moyen de réguler la température. Le groupe réfléchit à une gamme de produits permettant de s'adapter à chaque situation, réagissant à des températures différentes, et avec des taux de charge (en calories) et décharge variables.
Des industriels peu bavards
Chez Schüco, on affiche déjà une solution d'enveloppe aboutie. La partie pleine de sa façade multifonction « 2° », second prix de l'innovation gros œuvre du salon Batimat 2011, est constituée d'un matériau à changement de phase. Mais pour en savoir plus, il faudra attendre l'avis technique expérimental du CSTB, car pour l'instant le groupe alllemand ne délivre aucune information. « C'est une boîte noire », dit Amid Batoul. Le directeur technique du département solaire de Schüco résume l'atmosphère qui règne entre les différents industriels de la chimie et de l'enveloppe du bâtiment : « il y a beaucoup de secrets autour de ces matériaux à changement de phase ».
