«Lorsque j'ai posé la question, j'ai regardé partout quelles étaient les solutions les plus innovantes et créatives. Avec ce critère j'ai choisi les participants. Ce n'est pas une question de stars» assure Hashim Sarkis, commissaire général de la XVIIe Mostra d’architecture de Venise. Il aura en effet effectué une sélection de 112 architectes et agences, dont 96% participent pour la première fois à la Biennale, et dont près de la moitié ont entre 35 et 55 ans.
Soixante-et-un pavillons nationaux ont ainsi rivalisé d’ingéniosité pour répondre à la question/défi d’Hashim Sarkis. Celui du Japon propose une réflexion autour du réemploi des matériaux dans un contexte d’épuisement des ressources planétaires. Son commissaire Jo Nagasaka démontre ainsi toutes les potentialités de la maison traditionnelle nippone. L’une d’elle, en bois, des années 1950 a été démontée et ses composants exposés au bord de la lagune ne conservent pas nécessairement leurs formes ou leurs usages initiaux.

Intelligence collective
Le bois est à l’honneur aussi pour le très sobre et très chic pavillon des Etats-Unis confié au duo d’architectes de Chicago Paul Andersen et Paul Preissner. Leur projet dédié aux charpentes en bois célèbre une méthode de construction traditionnelle toujours au cœur de 90% des maisons particulières dans le pays. Le visiteur peut admirer une série de maquettes louant sa flexibilité mais aussi gravir l’immense structure en pin doublant la façade du pavillon.
Celui de la France répond le plus directement et clairement à la question posée. Il faut faire confiance aux «communautés à l’œuvre». Christophe Hutin, commissaire du pavillon France, rappelle que l’architecture se vit au quotidien par ceux qui l’animent, l’adaptent, la font évoluer au gré de leurs besoins. Le «vivre ensemble» prôné est également celui entre la compétence de l’architecte et la performance des habitants. Un pari sur l’intelligence collective.

Plaies béantes
La réponse de l’architecte Hala Wardé, commissaire du pavillon du Liban, est un acte poétique. En collaboration avec la poétesse et artiste Etel Adnan et Fouad Elkoury, elle met l’accent sur le concept de vide, condition nécessaire à l’architecture. Un écho retentissant à la ville de Beyrouth qui commençait tout juste à cicatriser des destructions de la guerre civile lorsque l’explosion de son port a rouvert l’été dernier de nouvelles plaies béantes.
Pas de «vivre ensemble» sans frontières. Qu’elles soient réelles, fictives, à délimiter ou à franchir. Un concept qui fait l’objet de l’exposition du pavillon Suisse et qu’ont interrogé Mounir Ayoub et Vanessa Lacaille, du Laboratoire d'architecture à Genève, avec le réalisateur et producteur Fabrice Aragno, et le plasticien Pierre Szczepski. Interroger les habitants de la frontière suisse avec ses voisins pour enquêter sur leur notion de la démarcation. Un périple intitulé «Oræ - Experiences on the Border» («Oræ» signifiant «frontières» en latin) et qui a été documenté avec des photos de paysages, des cartes, des portraits, une quarantaine de maquettes.

Le début du dialogue
Ces pavillons nationaux «incontournables» reflètent la variété et la richesse de cette XVIIe Biennale d’architecture; avec ceux de l’Italie qui s’attache aux communautés résilientes, de la Hongrie qui questionne le futur de l’architecture de son passé soviétique ou encore de la Grande-Bretagne qui se penche sur l’avenir des espaces publics privatisés. De ces approches naîtront peut-être «des lieux pour se rassembler, où les gens en passant voient la vie quotidienne des autres, estime Hashim Sarkis. C'est le début du dialogue. En cela l'architecture peut aider à transformer la société. Mais surtout à jeter les bases nouvelles d’un monde post-Covid-19.»
