Comme les élus locaux, les entrepreneurs de TP attendent beaucoup de la venue de François Hollande en clôture du Congrès des Maires le 2 juin. Le Président de la République devrait normalement annoncer l'étalement ou la suppression de la baisse des dotations aux collectivités en 2017.
Bruno Cavagné : Qu’investir dans les infrastructures est vertueux à tous égards, en termes d’attractivité économique, de cohésion territoriale, et d’emplois. La plupart des collectivités locales sont aujourd’hui tétanisées : comme l’a confirmé l’Insee, elles ont réussi à reconstituer de l’épargne et pour autant, leurs investissements diminuent. Le blocage n’est pas uniquement financier, il est aussi psychologique. C’est pourquoi il est primordial que le Président de la République, qui doit clôturer le Congrès des Maires, leur envoie un signe clair et fort.
B.C. : Nous demandons depuis longtemps un étalement de la baisse des dotations de l’Etat aux collectivités sur cinq ans au lieu de trois. Il y a quelques semaines, des fuites dans la presse laissaient entendre que le président de la République annoncerait la suppression de la baisse prévue en 2017 pour les collectivités investissant (soit 3,7 milliards d’euros). Quelle que soit l’annonce – et je n’imagine pas qu’il n’y en ait pas - ce signal nécessaire serait positif. L’ensemble du monde économique a besoin d’un nouveau départ, et surtout de visibilité et de stabilité.
B.C. : Nous avons fini l’année 2015 sur une chute d’activité de 8%. En 2016, nous devrions toucher le fond puisque nous tablons sur une baisse comprise entre 0 et -3%. Mais nous ne parlons pas de reprise, et je suis toujours inquiet. Les défaillances des entreprises ont augmenté de 17% au premier trimestre par rapport au trimestre précédent, les effectifs concernés étant en hausse de 63%. La taille des entreprises qui mettent la clé sous la porte a donc augmenté. Des entrepreneurs qui avaient réussi tant bien que mal à tenir jusqu’ici n’ont pas pu attendre la reprise.
B.C. : En temps de crise, on cherche toujours un responsable. Tout est une question de perception de l’autre, et l’herbe semble toujours plus verte chez le voisin. Les plus petits ont l’impression que les plus gros n’ont pas de problème de trésorerie et peuvent toujours appeler la maison-mère pour se renflouer –ce qui n’est pas faux. Les plus gros se disent pour leur part que c’est plus facile pour les petits, qui ont moins de frais généraux et peuvent changer de cap stratégique plus facilement. En réalité, la conjoncture est difficile pour tous, certains territoires et certaines spécialités étant plus sinistrés que d’autres.
B.C. : Je l’ai déjà martelé mais la situation n’évolue guère : l’Etat est schizophrène. Il annonce sa volonté de lancer des grands projets, mais sans se donner les moyens de le faire. Prenons le Canal Seine Nord. Depuis l’annonce de la participation de l’Europe au financement, l’Etat n’a de cesse de communiquer sur le fait que le projet avance : on fait des réunions, on publie une ordonnance pour créer une société de projet. Mais le tour de table financier n’est toujours pas bouclé. Quid de la participation des nouvelles régions, quid du financement complémentaire ? Le premier coup de pioche est pourtant toujours annoncé en 2017. La problématique est la même sur la LGV Bordeaux-Toulouse et sur le tunnel Lyon-Turin. A un an de l’élection présidentielle, j’ai l’amère impression que le gouvernement joue la montre.
B.C. : Oui, et je leur formule à chaque fois le même vœu. Je leur dis que je rêve d’un véritable ministère des infrastructures, un ministère qui soit réellement là pour construire, doté d’une ambition, de visibilité et de moyens. Un ministère qui ne soit pas en permanence tiraillé d’un côté par les anciens de l’Equipement qui veulent faire, et de l’autre par les écologistes qui ne veulent pas faire – l’exemple de l’aéroport de Notre-Dame des Landes est saisissant à cet égard. Nous n’avons plus de Datar ni de ministère de l’Equipement, le Schéma National des infrastructures de transport n’a pas fonctionné, et le rapport Duron a été jeté à la poubelle ! Je force le trait, mais la réalité est qu’il n’y a plus de politique nationale en termes d’infrastructures.
B.C. : Heureusement oui ! Le plan de relance autoroutier, qui démarre doucement, et le plan France très haut débit devraient nous donner de l’oxygène cette année. Côté grands projets, les lignes de métro du Grand Paris sont les seules qui nous donnent de la visibilité. Les appels d’offres sont partis, et cela va booster l’activité en Ile de France et dans les régions limitrophes. Mais ce sont les seules bonnes nouvelles.
B.C. : Comme le montre le 4e baromètre des collectivités locales Le Moniteur-FNTP, une grande majorité des collectivités considère que la croissance verte est un sujet d’importance. Outre l'importance de la croissance verte pour l’économie française et la société dans son ensemble, nous estimons qu'environ 8 milliards d’euros supplémentaires devront être investis chaque année dans des travaux d'infrastructures afin d'atteindre les objectifs ambitieux affichés par la loi de transition énergétique pour la croissance verte. Cette dernière peut permettre de modifier l’image que renvoient les entreprises de travaux publics, trop souvent perçues comme de simples « bétonneux ». Nous devons faire preuve de pédagogie pour faire savoir que nous contribuons à lutter contre les fuites d’eau, à économiser les ressources naturelles, à optimiser les consommations d’énergie où à créer les infrastructures de la ville intelligente.