« Il y a un an… le chantier de Notre-Dame de Paris, comme celui de la Chapelle Royale du château de Versailles, ou ceux en cours au musée du Louvre devaient être mis à l’arrêt. Pour pouvoir les fermer, nous devions au préalable assurer leur mise en sécurité. L’opération a été particulièrement frustrante pour Notre-Dame, puisqu’après de longs mois de mise au point du protocole de démontage de l’échafaudage calciné, nous venions tout juste de débuter cette opération délicate.
Pour autant, étant basé à Jarny, dans l’Est de la France, où le Covid-19 est arrivé de façon très violente, nous avions anticipé et acheté en très grande quantité des équipements de protection individuelle (EPI) avec des combinaisons pour les travaux avec du plomb, des masques, des lunettes, des gants et même le gel hydro-alcoolique. Ce stock conséquent est devenu inutile avec l’arrêt brutal des chantiers. Au même moment, l’hôpital de Verdun se trouvait au bord de la rupture de stock. J’ai donc décidé de leur faire don de tous ces EPI. Relayée par la presse, l’opération a eu un effet boule de neige et a inspiré d’autres sociétés du BTP. Cette solidarité était nécessaire dans cette période que le président de la République a qualifié de « guerre » dans son allocution télévisée du 16 mars 2020.
Première version du guide de l’OPPBTP
L’entreprise Le Bras Frères a été contrainte de s’arrêter de travailler pendant six semaines, car même quand les chantiers ont pu reprendre, nous ne possédions plus d’EPI. Nous avons finalement racheté des masques à un tarif cinq fois plus élevé qu’avant la pandémie et relancé les chantiers suivant le protocole défini par la première version du guide de l’OPPBTP.
Les changements sur les chantiers ont alors été conséquents. Il fallait chaque semaine s’adapter à de nouvelles mesures, avec des bases vie plus grandes, l’organisation de la distanciation physique, des rotations dans les réfectoires lors du déjeuner, la répartition de bouteilles de gel hydro-alcoolique sur les chantiers, etc. Nous avons travaillé de concert avec les maîtres d’ouvrages pour mettre en place ces mesures. Comme toujours, cela s’est bien passé avec certains et moins bien avec d’autres. Ces mesures ne sont pas anodines et représentent en effet un surcoût de 5 % par chantier.
En un an, sur un total de 260 personnes dans l’entreprise, nous ne déplorons que quatre cas de Covid-19 dans les équipes. Tous se trouvent en bonne santé, malgré une hospitalisation. Je touche du bois et la chance a sans doute joué pour beaucoup, mais nous avons respecté à la lettre les protocoles de sécurité sanitaire et je veux croire que cette rigueur paye.
Fort sens du collectif
Côté organisation, les 20 % d’encadrants de nos équipes ont d’abord été ravis par la mise en place du télétravail. Cela leur a permis d’aménager librement leur temps, de gagner en qualité de vie, etc. mais rapidement les plupart des personnes ont souhaité revenir dans les bureaux. Nous sommes une entreprise familiale, avec un fort sens du collectif. Travailler à distance réduit les contacts humains, le partage, les relations sociales. L’ambiance manque et le partage d’information est moins fluide. Aujourd’hui, la grande majorité aimerait retrouver des conditions de travail « normales ».
La situation est peu ou prou la même sur les chantiers. Certes, les compagnons se retrouvent mais les contraintes restent très nombreuses. Par exemple, si le masque est devenu un EPI classique, c’est un soulagement de l’enlever et de pouvoir respirer librement. Il en va de même lorsque les bases vie n’ont pas été agrandies, comme sur les sites où les rotations au réfectoire sont très importante. Les premiers déjeunent à 11h30 et les derniers à 14h. Par ailleurs, le guide de l’OPPBTP continue à être régulièrement mis à jour ce qui nécessite de sans cesse nouvelles adaptations. La dernière en date passe la distance physique de un à deux mètres ! Cela demande à chaque fois de revoir la logistique et l’organisation.
Le Plan de relance double les montants alloués au patrimoine
Aujourd’hui, je constate une usure généralisée. Le manque de relation sociale pèse sur tous, comme la possibilité de pouvoir organiser un week-end avec des amis ou autre. Malgré tout, je ne veux pas me plaindre, nous avons la chance de pouvoir travailler quand tellement d’autres secteurs sont à l’arrêt. Le tourisme, l’hôtellerie, la restauration, la culture souffrent bien davantage.
Le Plan de relance, qui double les montants alloués à la préservation du patrimoine puisqu’ils sont passés de 300 à 600 millions d’euros par an nous offre une visibilité bienvenue à moyen terme. Economiquement, je suis serein car à cela s’ajoute le mécénat pour la reconstruction de Notre-Dame de Paris.
Les projets ne manquent pas. D’ailleurs, nous venons d’investir dans le rachat d’une usine de 10 000 m² à Briey, soit 15 km de notre site historique de Jarny (Meurthe-et-Moselle). Nous allons convertir l’outil industriel pour l’adapter à la construction bois et fournir des murs à ossature bois (MOB) et des caissons de toiture. L’objectif est de produire de façon industrielle des éléments complet sur-mesure (ossature, isolant, écarteur isolant extérieur, pare-pluie, vêture, pré-cadre, et menuiserie pour répondre aux demandes variées qui s’étendent de la maison individuelle au collectif, en passant par la réhabilitation. Cette nouvelle unité devrait être opérationnelle le 15 août prochain. Nous serons ainsi prêts pour répondre aux demandes croissantes sur ce matériau qui seront encore boostées avec l’entrée en vigueur de la RE 2020 au 1er janvier 2022. »
