Quelle a été votre première décision à l’annonce du confinement ?
Nous suivions déjà de près l’évolution des mesures qui s’appliquaient à certaines régions de France. Leur généralisation à l’ensemble du territoire à compter du 17 mars, suite à la prise de parole du président de la République, ne nous a donc pas pris au dépourvu, même si c'était un choc pour tous. Notre première décision a été de mettre sans attendre tous nos collaborateurs en sécurité à domicile en France et nous avons relayé le message à nos collègues à l’étranger. Nos équipes à l’international résident dans des pays qui étaient en retard de phase sur la propagation du virus. Dans ces zones, nous avons donc pu prendre des dispositions par anticipation.
Comment avez-vous organisé la continuité de vos activités ?
C’était évidemment notre seconde préoccupation. Nous avons immédiatement mis en place les moyens techniques nécessaires pour rester en contact avec nos salariés. Les expérimentations que nous menions depuis janvier au sein de différentes filiales pour déployer le télétravail nous ont été utiles puisque nous disposions déjà d’une infrastructure informatique capable de connecter au minimum 1000 personnes simultanément par VPN, sachant que notre groupe compte 3000 collaborateurs. Au final, tout s’est bien déroulé et le système a su soutenir une première semaine de forte sollicitation. Tous les outils sont en place pour entretenir un lien constant entre nos équipes et nos clients, partenaires et sous-traitants pour poursuivre nos activités.
" Le travail à distance s’avère plus stressant que celui au bureau et tous les schémas familiaux ne s’y prêtent pas. En outre, il ne faut surtout pas négliger l’importance des interactions informelles entre collègues "
Envisagez-vous de favoriser davantage les modes de travail à distance une fois la crise sanitaire passée ?
La situation actuelle démontre que le télétravail peut être mis en place à grande échelle, sans problèmes techniques majeurs. La relation professionnelle entre les salariés est assurée et les études sont menées avec une efficacité presque comparable aux conditions classiques. Pour autant, son déploiement massif suppose une réflexion de long terme sur les plans organisationnels et humains. Le travail à distance s’avère plus stressant que celui au bureau et tous les schémas familiaux ne s’y prêtent pas. En outre, il ne faut surtout pas négliger l’importance des interactions informelles entre collègues. Aller au bureau, sur un chantier ou chez un client crée du lien social, de la confiance. Or, à domicile ce lien peut se distendre et éroder le sentiment d’appartenance à l’entreprise en tant que groupe humain. Aujourd’hui, des initiatives spontanées émergent avec l’organisation d’associations sportives « virtuelles », de cafés numériques ou de club de théâtre en ligne notamment. Maintenir ce lien dans un environnement dématérialisé a néanmoins ses limites.
"Il nous faut surveiller les signaux faibles annonciateurs de malaises plus profonds. C’est pourquoi nous avons mis en place une cellule de suivi psychologique externe"
En cette fin de troisième semaine de confinement, sentez-vous poindre un phénomène d’usure au sein des équipes ?
On sent effectivement que certaines tensions commencent à poindre. Il nous faut surveiller les signaux faibles annonciateurs de malaises plus profonds. C’est pourquoi nous avons mis en place une cellule de suivi psychologique externe et incité nos collègues à communiquer d’avantage pour s’enquérir du moral de chacun. Je recommande vraiment aux entreprises ce type de démarche. Ce n’est peut-être pas une condition suffisante, mais elle est nécessaire car le confinement couplé au télétravail est usant dans la durée.
Comment avez-vous adapté vos prestations aux besoins de vos clients dans cette période particulière ?
Lorsque les projets sont très contraints ou arrêtés pour motif de protection sanitaire, nos équipes se rapprochent des maîtres d’ouvrage pour proposer une réaffectation de l’énergie à la préparation de la reprise de l’activité. Cela prend, par exemple, la forme de sécurisation des études ou d’anticipation de phases.
A quelle contrainte faites-vous face pour poursuivre vos études ?
Il n’est pas toujours possible d’accéder aux données d’entrée indispensables à la conduite des études. Or, dans ce contexte épidémique, il est difficile d’envoyer quelqu’un sur site pour les collecter. L’approbation de nos études par nos maîtres d’ouvrage et les échanges avec nos partenaires concepteurs se révèlent parfois plus longs et moins fluides. C’est un sujet que nous devons collégialement faire progresser.
"C’est notamment le moment d’anticiper les études qui permettront de relancer les chantiers quand le moment sera venu"
Anticipez-vous d’ores et déjà la période qui suivra la crise sanitaire ?
L’ingénierie, et Syntec en particulier, participe au débat de la profession pour accompagner un redémarrage de l’activité dans le respect des conditions de sécurité. Comme tout le monde, nous devrons être et équipés en masques, gel hydroalcoolique, gants…
Dans cette période charnière, d’environnement législatif et réglementaire très mouvant, il faut être agile pour prendre les bonnes décisions pour amorcer un redémarrage des travaux sûr et dans un environnement de confiance, tout en préparant la sortie de crise.
C’est notamment le moment d’anticiper les études qui permettront de relancer les chantiers quand le moment sera venu. SNCF Réseau, par exemple, continue d’envoyer des consultations en flux continu afin de poursuivre le plan de régénération du réseau ferré national.
Les moyens humains, techniques et matériels étant toujours là, un redémarrage économique est possible. Nous encourageons donc les maîtres d’ouvrage à maintenir le rythme des appels d’offres, voire à l’amplifier. Permettre aux maîtres d’ouvrage de disposer très tôt d’études fiables est une contribution utile de l’ingénierie à la relance de l’économie. Plaçons cette énergie au service de la nation et des besoins criants que la crise aura fait émerger, par exemple dans l’hospitalier.